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PANTHEISME

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el à condition de régler sur elles noire activité logique comme elles ont réglé son activité créatrice, il doit nous être possible de retrouver l'œuvre à liarlir de l’ouvrier. Nous sommes du moins en possession d’une métliode pour cette déduction. Mais comment découvrir leslois de l’esprit aiin d’appliquer notre méthode ?

Ou pourrait crqire que la chose est facile. Ces lois ont dit forcément s’exprimer concrèlement et comme se projeter dans les faits qu’elles conditionnent ; l’Expérience étant leur œuvre doit nous parler d’elles : il n’y a donc, semble-t-il, qu'à les dégager de l’univers qui les réalise. — Travail analogue à celui qui consisterait à rechercher, dans les raisonnements tout faits d’une géométrie, les lois do l’esprit qui les a faits. Kautn’a pas eu d’autre but ni d’autre procédé lorsqu’il s’attachait à déduire les catégories. Mais cette manière de faire ne saurait nous contenter. On peut bien de la sorte mettre en évidence un certain accord entre l’esprit et la chose, mais on ne manifeste pas une dépendance. — Supposé d’ailleurs qu’on pût ainsi rattacher à l’esprit l’essence des choses, assurément on n’y peut rattacher leur existence. Œs lois découvertes a /<o5/<? ; iori peuvent bien en elïct, à la rigueur, témoigner qu’une chose doit être telle ou telle, si elle est, mais non pas, absolument, qu’elle doive être. L’expérience des choses restera donc inexpliquée, elle sera acceptée comme une donnée, avec tous les caractères irrationnels de ce qui n’est qu’un fait : et cela est intolérable.

Pour assurer l’intelligibilité de l’Univers, les lois de l’Esprit doivent être saisies par nous dans leur source, en elles-mêmes, ou pour mieux dire (car une loi en soi est une conlradielion dans les termes), dans l’Esprit qu’elles déterminent, en tant que cet Esprit agit sous leur contrainte.

Gela est possible, mais à une condition : c’est que notre esprit soit identique à l’Esprit, car alors notre activité logique coïncidantavec son activité créatrice, n’eu étant pour ainsi dire que la doublure abstraite, nous n’aïuvms qu'à penser pour savoir, pour voir et saisir sur le vif, comment II pense.

/.'identité foncière de notre moi empirique, iiidividué, oersonnel, el du Moi absolu, transcendant à toute multiplicité, — tel est le postulat fondamental de l’idéalisme dialeptique : sans lui, impossible d'^avancer<.

D’aulre part, ce postulat a ceci de particulier que si, comme on croit pouvoir le montrer, il éclia, ppe à toute réfutation, il échappe aussi à toute preuve. Rien contre lui, rien sans lui ; mais aussi rien pour lui. Sommes-nous dans une impasse ?

Une simple remarque va nous faire sortir de cet embarras. Ce que nous demandons à ce postulat, ce n’est pas d'être une base pour une construction : il faudrait qu’il fût une certitude ; mais, un point de départ pour une déduction : il su/fil qu’il [luisse être une hyputli’ese. S’il n’est pas absurde, il le peut. Or, nous avons supposé accordé qu’il ne l’est pas.

Gomme hypothèse, ce postulat sans doute est en l’air ; mais le succès lui donnera ou tort ou raison. L'épreuve sera sa preuve. Consentons que l’idéalisme

raineineiit indépendanl, si on -f oit en lui ce qu’Aristote et la philosophie péL’ipàleticienne appelaient un Acte pur, il est impossible de la soumettre à la nécessité de produire du fini, car, à ce compte, il ne se suffirait pas à luimême, il ne serait pas souverainement indépendant, il serait acte pur et ne le « erait pas. — C’est là à notre sens ce qui réfute péremptoiicnient le panthéisme de Fichle. 1. Ici éclate le paulhéisme jusqu’ici latent : par l’affirmation qu’un vient de lire, le moi humain se proclame expressément identique au Moi absolu, l’homme se fait Dieu.

reste en suspens non seulement quant à sa valeur, mais quant à sa possibilité même, jusqu'à la (in de la Déduction. Si celle-ci parvient à s’achever, si elle rejoint les choses à partir de l’esprit, si l’a priori recouvre l’a posterwri, si les idées viennent exactement se placer sur les faits, le succès même nous justifiera : le panthéisme comme hypothèse nous aura conduit au panthéisme comme vérité.

5. Des lois de l’Esprit. — Maintenant, notre hypothèse ne nous servirait de rien si par hasard, nous examinant nous-mêmes el les démarches de notre esprit, nous arrivions à découvrir que notre esprit n’a pas de lois, car, s’il n’a pas de lois, V Esprit n’en a pas non plus el, si l’Esprit n’a pas de lois, le inonde n’est pas nécessaire. Ce n’est pas seulement le moyen de la déduction qui nous échappe, c’est son objet même.

Heureusement pour l’idéaliste, le cas est irréel. Notre activité intellectuelle a des lois, elle ne produit pas ses concepts au hasard ; libre de s’appliquer à ce qu’elle veut, elle n’est pas libre de penser comme elle veut. Tout le monde peut en faire reij)érieuce. Pour prendre un cas infiniment simple, essayons par exemple de nous représenirr deux cotés d’un triangle et l’angle compris : Il ne tiendra i>as à nous que surgisse dans noire conscience le troisième côté, déterminé en longueur et en direction, sans que nous y puissions rien changer. Il y a une logique de la Représentation, et elle est inllexible. — Que ])ar ailleurs notre esprit produise aussi à propos des mêmes choses des idées qui, n'étant pas liées en système, n’olïrentpas le même caractère de nécessité, c’est ce qu’on ne nie pas. Mais il sullil qu’il y ait pour noire esprit un mode d’activité qui échappe au libre arbitre, soit rigoureusement prédéterminé, pour que l’hypothèse d’une identité foncière entre notre esprit et l’Esprit ne soit pas vaine, el que la méthode de l’idéalisme puisse être essayée.

6. A’ature de lu Dialectique. — Cette méliiode, comment la mettre en œuvre pratiquement ? Gemment, en fait, exploiter l’activité nécessaire, les lois inéluctables, de notre esprit ?

Il ne faut pas songer à procéder de l’extérieur, comme si les lois de l’esprit pouvaient être connues en dehors de leur application ; c’est seulement en s’atlachant à penser qu’on peut découvrir ce qui s’impose à ])enser. Le tout est donc de trouver un premier objet, à partir duquel, confié au jeu rigoureux de ses propres lois, notre esprit détermine (au sens du verbe allemand, hestimmen) un autre objet, puis, à partir de ce nouvel objet, encore un autre, et ainsi de suite, comme il lui sulhl de penser l’essence du cercle jxmr en voir surgir les propriétés. S’il est réellement l’Esprit, et si le panthéisme est la vérité, il engendrera de la sorte et dans leur enchaînement nécessaire, tous les phénomènes objectifs dont se compose l’univers.

Qu’on ne se méprenne pas d’ailleurs sur le sens de celle reconslruction. Il s’agit d’une reconstruction tout idéale, toute logique, et qui n’a rien par consé(pient d’une ellicacité créatrice. L’opération que l idéaliste exécute est analogue à celle du mathématicien qui reconstruit un nombre à partir de ses facteurs premiers ou qui retrouve le dessin d’une courbe par la vertu de son équation : déterminer a priori par des calculs l’existence et la marche d’une planète, ce n’est ni la produire ni la moutoir. Ajoutons, pour achever d'éclairer le sens de la dialectique idéaliste, que si, dans la reconstruction de l’Expérience, noire esprit va, synthétiqueinent, d’un élément à l’autre, cela tient à sa nature, à sa structure, laquelle leforce d’aller des parties au tout. Mais l’Esprit n’a pas ces procédés : il est au-dessus