Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/661

Cette page n’a pas encore été corrigée

1309

PANTHEISME

1310

Deuxième proposition : L’Etre est infini. — Cette proposition est également évidente et au fond également taïUologique. Dire : « l'èlre est Uni, l'être est imparfait », ce serait dire : l'être n’est pas purement et simplement ; il est et n’est pas. Or on ne peut dire : l'être n’est pas ; mais seulement : l'être est. Donc l'être est inlini '.

Troisième proposition ; L’Etre est absolument unique '-. — S’il y avait un autre être, univoque à l’Etre, celui-ci communiquant dans le genre avec lui, participerai ! l’Etre au lieu d'êlre lui-même l’Etre, et il serait Uni, ce qui est contre l’LypotUèse. — Ainsi il n’y a pas d'êtres en dehors de l’Etre. Le mot être, appliqué aux choses multiples que nous présente l’expérience, n’est pas uiiivo(iue, mais équivoque. Il en est de lui comme du mot chien appliqué à l’animal aboyant et à la constellation.

JI. — Les Modes.

Que ferons-nous cependant de tout ce qui parait exister, de ce que le sens commun appelle « les êtres », de tout ce qui nous entoure, et de nous-mêmes, considérés comme composés d’un corps et d’une âme ? Dire que tout cela n’est pas, ce serait aller contre l'évidence, car enfin une chose est, dès qu’elle est donnée… Les choses existent donc ; mais, multiples, mobiles. Unies et en ce sens contingentes, nous ne pouvons dire qu’elles sont l’Etre ; elles sont au contraire réellement distinctes de l’Etre, lequel est unique, immobile, infini, nécessaire. Reste donc qu’elles existent, mais dans l’Etre et par l’Etre, c’est à dire (pour donner à l’Etre son véritable nom) en Dieu et par Dieu, unique Subsistant. A.insi se trouve expliquée la présence du monde en face de Dieu : dans le monde et par le monde, c’est encore Dieu qui existe sous une forme spatiale et temporelle, comme il existe en soi sous une forme d'éternité ; il est l’Etre unique, mais il a deux natures : une nature

voir en elle uu étre^ — et l’argument de Spinoza ne porte pas..u fond, il a le vice même de l’ar^^ument ontologique, dont il ne se distingue qu’en apparence.

1. l>lte démonstration renferme une pétition de principe. On doit pou voii' dire ; l'être est et n’est p ; is. Cette formule n’est inadmissible que s’il s agit de l'être infini, de l'être qui n’est qu'être..Mais s’il existe un être fini (et un tel être est précisément ce qui est en question), c’est son caractère même d'être compoié d'être et de non-être ; et ce caractère n’a rien do contradictoire en soi, car on ne dit pas que l'être fini en tant qu’il est n’est pas, mai ; * qu’il n’est pas en tant que fini. — On reconnaîtra là l’atBrmatinn pure et simple de ce que les scolasliques entendent par la fameuse distinction d’essence et d'être. Spinoza, qui re.ploite ailleurs, n’a pas vu qu’ici elle sutlisait è ruiner son argument,

2. Cette troisième proposition est capitale ; c’est avec elle que nous entrons vraiment dans le panthéisme, La démonstration qui la soutient peut également se formuler en faisant appel à la notion de substance. — Posé, dironsnous, la notion de Substance, celle-ci doit-être unique, car s’il y avait d’au ti’es substances univoques ?i elle, elle ne seiait pas intelligible par soi, mais par la notion générique de substance ; ou encoi-e il faudrait faire entrer dans sa définition ce par quoi elle diffère des autres, c’est-à-dire la définir en fonction des autres, à quoi par définition même elle répugne. Nous touchons ici l’erreur radicale lin Spinozisme ; elle consiste en ce qu’il méconnaît Verisience d’un moyen terme entre l nnivocité et l'étjnii’ocilê. Le mot être ne saurait être univoque, s’appH-^uer exactement de la même manière à l’Infini et au Fini : Spinoza a raison ; mais il ne saurait non plus être équivoque : Spinoza a tort. — tec St Tlioinas et la philosiphia perennis^ nous soutiendrons que le concept d'être rapporlé à l’Infini et nu Ft"i est un concept analoi^ue : ce qui suffit ft ruiner l’argument principal, et même l’unique argument, du panthéisme.

sans bornes, par quoi il est soi ; une nature limitée, par quoi il est l’univers.

Comment maintenant désigner les choses, si le mot être n’a pas de pluriel ? L’ancienne scolastique nous offre un mot assez approprié : elle appelait mode ce qui n’est ni ne peut être en soi mais est nécessairement dans un autre et par un autre. — Nous dirons que les choses sont les modes de Dieu.

Combien y a-t-il d’espèces de choses ? L’expérience nous en fait connaître deux, car, extérieure et intérieui-e, elle nous montre des corps et des esprits : il y a donc deux espèces de modes, {'étendue et la pensée.

III. — Les attributs.

Les modes vont nous aider à pénétrer plus avant dans la connaissance de Dieu. Nous savons déjà qu'étant infini et d’ailleurs n'étant qu'être. Dieu est nécessaire, simple, immuable, éternel, souverainement indépendant. Mais dire cela, ce n’est pas encore définir Dieu d’une manière positive, énoncer ce qu’il est en lui-même, exprimer sa nature, son essence. Aussi bien a-t-il une nature, une essence ? Strictement, non ; il est : son essence est d'être. Si l'être avait une essence, il serait limité. Pourtant nous ne pouvons nous empêcher de vouloir concevoir Dieu. Nous avons besoin de nous le représenter comme essence, car en tant qu'être il reste pour nous une abstraction, — Ce besoin est légitime, mais il faut ne le satisfaire qu’avec discernement : Nous pouvons prêter à Dieu itne essence, mais à une triple condition :

1. — à condition d’allirmer que l’essence deDieune se dislingue pas de son être, qu’elle lui est formellement identique, qu’elle est donc seulement «e qui en exprime pour nous la richesse ;

2. — à condition que, quelle que soit l’essence sous laquelle nous concevions Dieu, cette essence soit toujours infinie autant qu’elle peut l'être, c’est à dire infinie dans sa ligne. Toute autre a attribution » serait illégitime ;

3. — mais comme une essence, même infinie dans sa ligne, est toujours Unie simpliciter par le fait même qu’elle est une essence, il faut encore ajouter : à condition d’attribuer à Dieu, non pas une seule essence, mais une infinité d’essences. La finitude des essences est alors corrigée par l’inlinilude de leur nombre.

Afin de rejoindre la terminologie de Spinoza, désignons ces essences, ces natures, par le terme très significatif, après ce que nous avons dit, d’attributs ; nous pouvons alors définir Dieu : L'être dont est alfirmable une infinité d’attributs Unis infinis '.

Mais quels attributs en particulier afiirmeronsnous de Dieu ? car il est bien clair qu’autre chose est savoir que Dieu en a une infinité, autre chose pouvoir les nommer tous. Nous ne pouvons attribuer expressément à Dieu que les essences, les natures, les manières d'être, que nous connaissons ; or celles-ci, comme on a vii, sont au nombre de deux : il y a cette manière d'être, cette nature d'être, qui s’appelle V Etendue, et cette nature d'être qui s’appelle la Pensée. Puist[iie Dieu a toutes les natures d'êlre, il a celles-là : Dieu est Etendue, dirons-nous, et il est Pensée ; ce sont là deux de ses attributs.

IV. — Rapports des modes aux attributs.

Les modes nous ont fait connaître les attributs, mais ils s’en distinguent. L'étendue qui est un mode est multiple, ce sont les corps, et cette étendue-là est réellement distincte de l’Etre divin, puisque l’Etre

1, Finis en tant qu’ils désignent une perfection ; infinii en tant que, cette perfection, ils l'épuiscnt.