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que l’impossibilité sérail manifestée, mais encore de l’Incarnation. Pour le catholique, il y a deux natures dans le Clirisl, et deux natures qui s’opposent, l’une composée et linie : la nature humaine, l’autre simple et inûnie : la nature divine, mais il n’y a qu’un subsistant, la seconde Personne de la Trinité.

Ce cas particulier va nous aider à déterminer avec plus de précision encore le sens de la doctrine panthéistique. Ce que la théologie affirme de l'âme et du corps de Jésus-Christ, le panthéisme l’affirme de tons les esprits et de tous les corps. Dieu ne se serait pas incarné une fois, dans une nature d’homme, et librement ; il serait incarné dans l’univers, et il le serait nécessairement, rien ne pouvant subsister qui ne soit divin, et Dieu ne pouvant rien produire qu’il ne le produise en soi-même. Or il faut reconnaître que, si l’incarnation de Dieu dans un corps a été une fuis possible, son incarnation dans l’univers l’est aussi.

Dès lors, ce n’est pas, entrele panthéisme et nous, d’une question de droit qu’il peut s’agir, mais d’une question de fait. Il faut renoncera le combattre par une argumentation a priori. Nous aurons seulement à montrer, nous appuyant sur des caractères certains de l’univers, que ces caractères étant ce qu’ils sont, il est en conséquence impossible que l’unii’crs soit dis’in. — Pour se référer à ce que nous savons de notre monde, notre démonstration du dualisme n’en sera pas moins rigoureuse.

Division du l’artiglb

Dans une première partie, nous exposerons la doctrine du panthéisme. Nous la décrirons d’abord sous la forme précise qu’elle a revêtue en deux systèmes que nous prenons pour types : celui de Spinoza et celui de Fichte ' ; nous l’envisagerons ensuite en elle-même, dans ses traits généraux. (A. Le panthéisme historiipie ; B. le lanthéisme en général.)

La seconde partie sera consacrée à la Réfutation ; et comme il ne sullil pas pour ruiner le panthéisme de montrer qu’il n’est pas prouvé, mais qu’il faut encore établir qu’il est faux, dans un premier chapitre, nous détruirons Si-s arguments, et dans un autre, sa thèse même. (A. Réfutation de l’argumentation panlhéistique ; B. réfutation de l’assertion panthéislique.)

Premièrb partie : EXPOSÉ DU PANTHÉISME

A. — Le panthéisme historique : deux systèmes types

I. — Le panthéisme intellectualiste. — Spinoza

Plus préoccupé du bien agir que du bien penser, Spinoza n’a construit une métaphysique que pour y

1, Le système de Spinoza est sans conteste l’expression la plus tranche et la tentative de démonstration la plus rigoureuse du panthéisme : c’est conlre lui, dans la suite, que ])ortera principalement notie efl’orl. — Le système de Fichte implique essentiellement le panthéisme : c est ce que nous montrerons ; mais ù rencontre de ce que l’on croit souvent, il n’en est pas une exposition directe. Ce système est d’ailleurs si complexe en lui-même, que ce sera assez pour le but que nous avons ici en vue, d’en faire saisir le aens général et la portée. — Nous ne dirons rien des systèmes de.Schelling et de Hegel qui lui sont apparentés ; c’est que, pour en présenter un aperçu qui iùt par lui-même intelligible, il nous eût fallu entrer dans de longues considérations, totalement étrangères à la question du panthéisme, — ce que déjà nous n’avons pu complètement éviter à propos de Fichte. On trouvera sans doute, avec nous, que la place de tels « exposés » n’est pas dans ce dictionnaire.

appuyer une morale. Son ouvrage principal s’appelle Ethique. S’il y a donné à ses raisonnements une forme qu’il voulait être rigoureusement géométrique, c’est pour se justilier à lui-même une doctrine qu’il avait admise d’emblée, dès que, sous la pression d’une intense vie intérieure, il était arrivé à la concevoir. Mais ici les sources psychologiques du Spinozismene nous intéressent pas plus que ses sources historiques ; nous nous contenterons donc d’en développer les thèses essentielles, dans leur enchainemenl, et sous la forme d’ailleurs la plus impersonnelle possible. Indépendamment de la critique qui en sera faite dans la partie de cet article consacrée à la Réfutation, nous signalerons, en cours de route, les vices d’argumentation et les erreurs fondamentales du système.

I. — L’existence de Dieu.

Les assises de la métaphysique spinoziste sont constituées par trois propositions :

Première proposition : /-'£<re est.— C’est dans le fait de sa pensée, c’est dans sa pensée actuelle elle-même, que Descartes pensait trouver l'être. Détour inutile. L’existence de l'être n’a pas besoin d'être constatée pour être allirmée. Ce que Descartes disait du Parfait, que son existence est impliquée dans son essence, il faut, par un nouvel argument ontologique plus radical et plus profond, le dire de l'être. L'être (et le mot qu’emploie Spinoza est le mot équivoque de substance) l'être est, l'être existe ; cette proposition est évidente, car elle est tautnlogique. Dire : l'être est, c’est dire : l'être est être ; l’attribut ne diffère pas du sujet ; que peut-on exiger de plus ? Le contraire serait : l'être n’estpas ; proposition absurde qui se détruit elle-même. Ainsi, pour allirmer que l'être est, il n’y a pas à sortir de l'être ; l'être de l'être est l'être lui même. Et d’ailleurs si l'être n'était pas, on ne pourrait jamais dire de lui qu’il fût, car on ne saurait rien lui attribuer qui ne soit lui-même '.

1..fin de serrer de plus près la lettre même de la docti-ine spinoziste, établissons ici le raisonnement de .Spinoza en nous appuyant, non plus sur le concept d'être, mais sur le concept équivalent de substance. Nous allons, retrouver la mén^e forme d’arj.'umentotion. Détinissons la substance k ce qui est intelligible par soi)>, autant dire ;

« ce qui existe par soi ». De cette définition, arbitraire

mais légitime comme toute délinition nominale, il suit que, si la substance n’existe pas, elle n’existera jamais. Comment ])ourrail-il en être autrement ? Créée, la substance connoterait un créateur, elle ne serait donc plus intelligible par elle-même, elle ne serait plus la substance dont nous parlons. — Jusqu’ici noua n’aurions rien à^ reprendre au dire de Spinoza : une fois admis le sens conventionnel du mot substance, le reste suit. Mais Spinoza ne se contente pas de la conclusion que nous venons de tirer. Pour lui, de ce que la substancee » t conçue comme » ce qui existe par soi », il s’ensuit qu’elle existe réellement. Poursuivons donc avec lui : Si la substanre, telle que nous l’avons définie, n’existait pas, elle serait impossible, puisqu’il n’y a pas de milieu pour elle entre exister de toute éternité et n’exister jamais. Cela revient à dire que si la substance n’existait pas comme être, elle n’existerait même pas comme essence ; or, ells existe comme essence (son concept, en d’autres termes, n’est pas absurde) ; donc elle existe comme être.

En raisonnant de la sorte. Spinoza joue, sans le vouloir, sur le double sens des mots possible et impossible. Une chose peut être impossible parce qu’elle est contradictoire en elle-même (impossibilité intrinsèque), et elle peut être impossible, parce qu’il est impossible qu’elle ait jamais ce qui la ferait être (impossibilité extrinsèque). La substance que définit Spinoza est possible, accordonsle. mais d’une possibi’ité intrinsèque ; si elle n’existait pas, elle serait impossible, mais d’une impossibilité extrinsèque. Celte impossibilité ne détruit pas cette possibilité ; — on peut donc voir dans la substance une esatnce sans