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PAIX ET GUERRE

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et sociales qui, partout à la fois, se seraient exercées le plus cnergiquenient possible, à faire connaître, comprendre, respecter et ol)éir le Code nouveau et conlracluel de la loi des nations.

Il n’est donc pas chimérique de croire que la collaboration de Léon XllI et de Pie X aux deux conférences de La Haye aurait contribué, directement et indirectement, à rendre plus auguste et plus efficace cette grande œuvre de pacification fondée sur le droit. Il est bon de rappeler que le grand jurisconsulte Louis Renault Ut libeller, à La Haye, le protocole du règleuient paci(ique des conlUts internationaux de manière à rendre possible la collaboration ultérieure du Saint-Siège aux travaux de la cour permanente d’arbitrage inlernational. A la formule qui prévoyait uniquement la convocation et l’admission des litats, il lit intentionnellement substituer le terme de Puissances, parce que, depuis la chute du pouvoir temporel, la Papauté n’est ])lus un Etat, mais demeure indubitablement une Piiisfance.

Pour les mêmes motifs, nous considérons comme indispensable la participation du Saint-Siège à l'œuvre actuelle de la Société des Nations. Durant la grande guerre, Benoit XV a été l’apôtre infatigable et désintéressé de la paix, de la justice et de la charité entre les peuples en armes. Il a réalisé avec un incontestable succès un admirable elTort pour atténuer partout les horreurs de la catastrophe en faveur des blessés, des prisonniers, des détenus civils, des populations envahies, des régions dévastées. Dans son message pacificateur du mois d’août igiy.ila solennellement formulé (avec plus de précision que ne l’avait encore fait le président Wilson) les principes essentiels de l’organisation juridique internationale, notamment le principe de l’arbitrage obligatoire, le principe des sanctions internationales, le principe de la réduction générale et proportionnelle des armements : bref, chacun des articles fondamentaux que les négociateurs du traité de Versailles devaient promulguer un peu plus tard dans le Pacte (assez médiocrement libellé) de la Société des Nations.

La collaboration elTective de la Papauté romaine pourra donner aux nouvelles institutions juridiques de l’organisation naissante (et combien fragile !) quelque chose de l’autorité morale, du prestige et de la solidité qui leur seront absolument nécessaires et que nulle autre consécration ne sulTirait à leur garantir.

La société contemporaine posséderait-elle et connaîtrait-elle trop de forces moraleset sociales qui militent en faveur de l’ordre, delà justice, de la charité, du respect loyal de tous les droits ? Pourquoi la plus haute puissance morale et religieuse dumondeentier, la messagère traditionnelle de la paix de Dieu, serait-elle la seule que l’on ne convierait pas ?

M. Conclusion

L’organisation juridique qui assurera par des lois et des sanctions internationales une garantie meilleure du maintien de la paix entre les divers peuples du monde a besoin d'être protégée contre les causes profondes qui tendront sans cesse à énerver son ressort et à désagréger ses institutions.

Il ne faut pas renouveler l’expérience du Concert européen depuis 1830, organe dépourvu de tout principe de direction, appareil enregistreur de solutions contradictoires, ni même du Directoire européen delà Sainte- Alliance, qui avait tiré toute sa solidité d’une coalition politique et guerrière et qui se disloqua peu à peu, lorsque les intérêts divergents s’alTirmèrent entre les confédérés de la veille, après le danger disparu.

Il ne faut pasdavantage fairedu principe deVEquilibre des Puissances la loi unique ou suprême de l’ordre international : ee qui serait commettre un sophisme désastreux.

Par contre, on ne devra jamais oublier la part de vérité que contient non pas le principe, mais lapolilique de l'équilibre. La balance ou l'équilibre des forces rivales est une « recette politique » fondée sur l’expérience, une considération raisonnable et prévoyante dont il serait téméraire de ne pas tenir compte. Un bon statut territorial est nécessaire pour mettre les puissances provocatrices dans la salutaire impuissance de troubler, selon leurs caprices de domination, la paix de l’Europe et du monde. Un certain équilibre maintenu entre les principaux Etats pevit contribuer à rendre moins fragile l’organisation juridique internationale.

Mais cette légitime considération de l'équilibre devra toujours être coordonnée à d’autres considérations non moins nécessaires, subordonnée à des princii)es d’ordre plus élevé.

Sans trouver jamais de formule simple et adéquate qui résolve toutes les complexités du réel, il faudra faire droit aux « justes aspirations des peuples », tenir compte des nationalités renaissantes, comme aussi des traditions reconnues salutaires et légitimement consacrées par l’histoire. Toutes choses dont la synthèse réclame un grand elTort mutuel de conciliation et d'équité C’est le domaine des compromis, réclamés par l’intérêt général, et où s’exerce l’art diplomatique des grands négociateurs.

Onaurasurtoutle devoir deconduire les tractations internationales d’après Iisrègles imprescriptibles de la morale i>ublique, telles notamment que la fidélité aux engagements, l’observation des contrats, le respect sincère du bien et du droit d’autrui : en un mot, le sens de la justice et de l'équité. Règle supérieure dont Dieu même doit être reconnu comme l’auteur et le garant suprême. Dans l’ordre international non moins que dans les autres domaines de l’activité morale, une même vérité suprême s’imposera au genre humain :.S ; le Sei^'neur ne bâtit pas la maison, ceuxlà tratailtent en ain qui prétendent la construire.

Quant à l’organisation juridique internationale, qui porte maintenant le nom de Société des Nations, sa tâche sera de découvrir les voies et moyens d’une réduction générale et proportionnelle des armements, pour libérer les peuples contemporains du poids exorbitant des charges militaires, sans que cette réforme salutaire aboutisse à aucune duperie périlleuse.

La Société des Nations devra travailler à rendre effective et viable la procédure des sanctions morales, des sanctions économiques, des sanctions militaires, qui protégeront, contre de coupables entreprises (toujours possibles), la paix des peuples et le droit de chacun. Dans ce domaine des sanctions internationales, tout est encore à étudier et à organiser. De là dépendra la valeur pratique du nouvel édifice.

Il est indispensable que la collaboration de la Papauté romaine apporte aux lois et sanctions internationales une garantie dont rien ne saurait compenser l’absence. Garantie fondée sur le prestige moral et religieux que pareil patronage vaudrait à l'œuvre de la Société des Nations devant des centaines de millions de consciences humaines.

Selon les enseignements que suggère l’exemple mémorable de la Chrétienté du Moyen ^g’e, maisavec les adaptations que requiert l'état moral et social du monde contemporain :

une organisation juridique internationale, fondée sur des engagements contractuels permanents et réciproques entre puissances souveraines,