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PAIX ET GUERRE

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inconvénient possible. Elle donne au Conseil de la Société des Nations le droit d’interférer dans le gouvernement du pays protégé en rappelant au mandataire qu’il a, non seulement des comptes à rendre, mais encore des consignes à recevoir. L’article 33 énumére précisément un certain nombre de principes à suivre dans l’exercice du mandat colonial. Si jamais il prend fantaisie à tel ou tel membre du Conseil de provoquer des incidents de ce genre, on verra reparaître, au milieu de l’aréopage des puissances dirigeantes, les contestations irritantes, voire insolul)les, auxquelles ont souvent donné lieu dans le passé les contrôles inlernalionaux, répondant à des situations mal définies. Or, rien ne serait plus " périlleux que de semblables conflits pour les destinées d’un organisme naissant, comme la Société des Nations, auquel tant de tâches redoutables et laljorieuses sont déjà dévolues.

Résumons-nous. La Société des Nations, institiiée par le traité de Versailles, est une tentative utile et méritoire d’organisation juridique internationale. Elle marque un progrès sur l’œuvre des conférences de La Haye dans la voie où étaient engagées les éludes et les réformes du droit international, à la lumière de tragiques catastrophes. Elle édicté (en principe) la réduction générale et proportionnelle des armements. Elle rend obligatoire, en cas de conflits internationaux, le recours aux solutions pacificatrices. Elle établit un système juridique de sanctions internationales contre les violateurs de la paix et du droit parmi les peuples. De même que la cour d’arbitrage de La Haye, la Société des Nations instituée en 1919 s’adapte aux cadres existants de l’ordre international et compose son Assemblée générale et son Conseil directeur de délégués diplomatiques de chacune des puissances souveraines ayant adhéré au pacte constitutif. Elle ne prétend pas constituer, selon la stupide chimère que francsmaçons et socialistes exaltent sous le nom de Société des Nations, un sur-Etat, un gouvernement universel superposé aux gouvernements nationaux, avec un Parlement international élu au suffrage universel des hommes et des femmes par tous les peuples du monde. Les règles du bon sens n’ont pas été enfreintes.

Par contre, la rédactiondu pactede 1919 est défectueuse et confuse. Elle paraît traduire en français un texte anglais et formule certainement une pensée, une conception anglo-saxonne. On n’y retrouve pas l’admirable ordonnance logique, la lucidité française des textes de La Haye, rédigées principalement par Louis Renault. Si l’on veut aller au fond des choses, on devra constater que la procédure de règlement paciûquedes conflits internationaux est étrangement compliquée, peu conforme aux exigences de la psychologie des peuples qui, dans l’exaspération de leurs passions nationales, ont envie de recourir aux violences guerrières. Aucune mesure pratique n’est prescrite ni même suggérée pour accomplir sans tarder la réduction générale et proportionnelle des armements : on se contente d’annoncer que des commissions internationales vont étudier les voies et moyens. La formule des sanctions économiques est tellement sommaire et absolue qu’elle dit trop pour être praticable. La formule des sanctions militaires dit, au contraire, beaucoup trop peu et ne fournit au maintien de l’ordre international aucune assurance actuelle et consistante : 1e fait est d’une telle évidence que, le jour même où fut signé avec l’Allemagne le traité de Versailles, l’Angleterre et les Etats-Unis ont reconnu la nécessité de signer un autre traité avec la France pour garantir celle-ci contre une agression possible de la puissance alle mande. Contraste qui n’est pas sans ironie et constitue le plus significatif des aveux. Les prescriptions du texte de 1919, relatif à la Société des Nations, ressemblent un peu à des étiquettes décoratives qu’on aurait collées sur des caisses restées vides. Il y a encore du travail pour l’avenir… Fala viam invenicnt.

On voit donc que la Société des Nations, telle que l’a organisée le traité de Versailles, mérite à la fois des éloges pour l’elTort méritoire qu’elle réalise et de sérieuses critiques pour l’aflligeante médiocrité du résultat obtenu. Médiocre en sa rédaction, médiocre en son dispositif, grevé dune lourde et dangereuse hj’potbêque par l’invention bizarre des mandats coloniaux, le pacte constitutif de la Société des Nations porte en lui-même bien d’autres causes de fragilité que celles qui se rencontrent fatalement, sur un pareil terrain, dans les grands échafaudages internationaux.

Plus loin, nous marquerons les lacunes de l’œuvre du traité de Versailles au point de vue religieux et catholique.

J. Paix et Démocratie. — Beaucoup de prophètes croient pouvoir prédire au statut international de 1919 une merveilleuse longévité, en raison du triomphe universel de la Démocratie, qui rendrait à peu près impossible désormais le recours aux violences de la guerre.

Quelle est la valeur de cette prédiction ?

Le terme de démocratie désigne l’organisation politique qui accorde à l’ensemble des citoj’ens, ou à leurs représentants élus, un rôle prépondérant dans la confection des lois et dans le contrôle des actes du pouvoir. H ne paraît pas douteux que cette tendance triomphe aujourd’hui, mais à des degrés divers, dans le régime gouvernemental, républicain ou monarchique, parlementaire ou plébiscitaire, de tous les pays du monde. Voyons dans quel rapport se trouve la démocratie avec la stabilité de la paix entre les peuples.

Le régime démocratique ne favorise pas les guerres longuement prévues et préparées. Il assure une influence dominante sur la marche des affaires à la masse des petites gens, préoccupés avant tout do leur tranquillité immédiate et fort étrangers par nature aux lointains calculs de haute politique qui pourraient multiplier les occasions de conflits et de guerres. En outre, l’organisation démocratique de l’Etat se prête beaucoup moins que l’organisation autocratique et aristocratique au développement de la puissance militaire. Comparez la France et l’Allemagne en 1911^. La prépondérance universelle de la démocratie constituera donc souvent un obstacle d’efficacité réelle à la folie des armements, à l’entraînement excessif de quelques-uns vers les aventures guerrières.

Toutefois ne concluons pas trop vite à l’incompatibilité radicale de la guerre défensive, et même offensive, avec le régime démocratique.

Si les démocraties demeurent étrangères aux calculs de haute politique qui sont propres aux dynasties et aux patriciats, les peuples démocratiques ont cependant, comme les autres, leur instinct national avec ses passions ardentes, ses aspirations profondes, ses susceptibilités irritables. Les peuples démocratiques possèdent, comme les autres, la préoccupation acrimonieuse de leur intérêt commercial ou industriel, qui se heurte à la concurrence économique ou à la politique douanière de certains peuples rivaux.

Que survienne une circonstance qui exaspère les intérêts menacés, qui provoque la colère de la foule ou exalte l’enthousiasme national : et, malgré