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PAIX ET GUERRE

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ministre de Dieu pour le bien, ministre dé Dieu jiuur tirer vengeance de celui qui fait le mal.

Dans riiypothèse d’une réduction générale elproportionnelle des armements, opérée sous le contrôle rigoureux des commissions internationales, la guerre à prévoir n’aurait pas les extensions formidables et désastreuses de celle qui vient de bouleverser le genre humain tout entier. Les forces militaires de chaque nation seraient exactement limitées à une fraction déterminée de ce qu’elles étaient sur le pied de paix à la veille de la grande guerre de ig14 : et cette diminution considérable des effectifs, accomplie partout à la fois, selon une proportion et une méthode identiques, permettrait de libérer désormais les peuples contemporains de la charge exorbitante du service militaire obligatoire universel et de la charge non moins exorbitante et ruineuse de nos budgets militaires en temps de paix (( ; 7 ; ieV(sansparler de ceux du tempsde guerre). l, es ellectifs à prévoir pour l’application éventuelle des sanctions militaires du droit international ne seraient donc jias analogues à ceux de la mobilisation géante que le monde vient de subir, mais nous ramèneraient [irobablement à ceux des armées européennes du xvii^' et du xviu' siècle.

Quoi qu’il en soit des elfectifs de l’avenir, l’institution juridique de sanctions militaires comporterait, pour certaines puissances, l’obligation de prendre part à la guerre, uniquement pour oljcir à la cour d’arbitrage et pour sauvegarder le droit international, tk' serait la consécration inattendue, mais i)éremploire, de l’enseignement doctrinal de Pie IX, réprouvant, dans l’allocution consistoriale Nofos et /xntt ; , du 28 septembre 1860, et dans la pi-oposition soixante-deuxième du Syllahus, le principe (alors sacro-saint) de non-intervention. Le nouveau droit jiublic de l’Europe et du monde comporterait, au contraire, le devoir d’intervention.

Cette menace d’intervention armée de plusieurs puissances non mêlées au litige, qui, sur requête de lajuridiction inlernationale, viendraient combattre les puissances violatrices du droit et précipiter leur défaite, pourra faire reculer les gouvernements et les peui>les qui seraient portés à tenter quelque entreprise injuste contre le bien d’autrui et contre la paix du monde. Dans la tendance réiléchie des Etals contemporains à envisager favorablement de telles perspectives, on doit saluer un noble espoir de progrès jiour le droit international, en conformité avec la morale chrétienne et les traditions catholiques.

Néanmoins, ne tombons pas dans l’illusion enfantine de ceux qui croiraient à la certitude de la ])aix universelle et perpétuelle, parce que tous les Klats du monde auraient promulgué, pour la sauvegarde du droit international, un système cohérent de sanctions morales, économiques ou militaires. Du fait que le Code pénal serait magistralement rédigé ou que la police et la gendarmerie seraient supérieurement organisées, on aurait quelque naïveté à conclure que, désormais, il ne pourrait plus jamais se commettre, et même se commettre impunément, ni vol ni assassinat. Les passions humaines seront toujours les passions humaines. Dans l’ordre international plus encore que dans le gouvernement intérieur de chaque pays, les sanctions du droit deiuenr<ront. en bien des cas, inopérantes et seront ajipliquétts d’une manière plus ou moins gravement déiectueuse.

Les sanciiiins mnrales, nonobstant leur incontestable valeur, n’arrêteront pas toujours une grande l)uissance belliqueuse qui veut à tout prix déclarer la guerre et qui se croit assez forte pour réussir

dans son injuste entreprise. Bien plus, si l’injustice vient à obtenir l’immorale consécration du succès, l’opinion d’une grande partie des hommes et des l)euples applaudira au succès et ne manquera pas de donner un loutautrenom à l’injustice triomphante.

Les sanctions économiques seront excellentes, pourvu que leur application soit sérieu.se et générale. Or, il est à craindre qu’elles soient souvent l’objet de contraventions désastreuses. Il existe aujourd’hui entre les peuples une si étroite solidarité dans le domaine économique, que la cessation des rapports commerciaux avec un Etat dont on est le client ou le fournisseur (pour des échanges importants) constituera, en bien des cas, un dommage matériel et Unancier non moins nuisible à la puissance qui rompt les rapports qu'à l’Etat provocateur que l’on voudrait punir. Ce sera donc réclamer un bien gros sacrilice, au nom de la justice internationale, que de notifier aux Etats fournisseurs et clients notables de la puissance violatricedu droit l’obligation juridique de cesser leurs importations commerciales chez les ressortissants de cette puissance et d’arrêter par des mesures prohibitives l’exportation des produits agricoles et indistriels de la nation frappée d’interdit. L’arrêt de la cour d’arbitrage qui édicterait pareille mesure ne se heurterait-il pas à la désobéissance formelle, ou simplement au mauvais vouloir de plusieurs d’entre les gouvernements qui auraient à en urger le l)lus sérieusement l’exécution ? La fraude, tolérée ou encouragée avec plus ou moins d’elirontcrie, ne risquera-t-elle pas de rendre illusoire l’application, si juste et si désirable, des sanctions économiques de l’ordre international ?

Et que dire des sanctions militaires ? l’ius encore que pour les sanctions économiques, on peut se demander si elles ne sui)posent pas, chez les gouvernants de la cité temporelle, un zèle bien pur et bien généreux pour la sainteté du droit. Certains exemples récents n’encourageraient qu'à demi l’espérance de voir les Etats du monde contemporain se transformer en chevaliers de la première Croisade.

Il est vrai que plusieurs grandes puissances du nouveau monde sont entrées en guerre cuntre l’Allemagne, durant l’année 1917, avec la préoccupation dominante de faire triompher les principes de la justice et les règles du droit international. Toutefois, aucune des interventions armées dont nous parlons ne se serait vraisemblablement produite si les EtalsUnis et autres Républiques des deux Amériques n’avaient subi de lourdes pertes matérielles par le fait de la guerre sous-marine, n’avaient eu à venger la mort d’un grand nombre de leurs nationaux, n’avaient été bafoués dans leur honneur national par l’attitude de l’Allemagne devant leurs protestations énergiques et réitérées. Ces puissances entrèrent en guerre après avoir été cruellement provoquées.

Le régime des sanctions internationales exigerait cejjendant que chacun d’entre les Etats fùl disposé à intervenir parles armes quand bien même il n’aurait été victime lui-même d’aucun dommage ni d’aucune olfense. Lasupréme juridiction internationale devrait ])ouvoir obtenir de chaque puissance dont l’intervention semblerait requise piir le bien comnmn, qu’elle acceptât de courir les risques, toujours onéreux, toujours redoutables, de la guerre sur terre ou sur mer, pour défendre et restaurer le droit. A en juger par ce que nous apprend l’histoire et par les événements politiques et internationaux du temps présent, l)areille chevalerie ne peut être attendue avec certitude, et dans la généralité des cas, de la part des gouvernements de ce monde : ils ont coutume de s’inspirer, avec un moins transcendant idéalisme,