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MARIE, MERE DE DIEU

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ailleurs, les sources de notre croyance. Il ne les faut pas disjointlre ; et si nous commençons par interroger, sur les fondements du culte de Marie, l’Ecriture et les Pères, ce n’est pas dans la pensée que l’Ecriture et les Pères se sullisent à eux-mêmes, indépendamment du magistère autorisé qui garantit leur déposition ; mais l)ien parce qu’il importe de toucher du doigt la base même de la marialogie et de constater que l’édilice ne repose pas sur le vide.

En prédestinant Jésus à l’œuvre de notre rédemption. Dieu prédestina du même coup la créature clioisie qui devait être l’instrument de son entrée en ce monde. Aussi rencontrons-nous Marie dés le seuil de l’Ancien Testament. Nous la retrouvons dans le Nouveau, associée aux débuts de l’Enfant Dieu, suivant d’un regard maternel la prédication de l’Evangile, enfin gravissant le Calvaire pourvoir son Fils expirer sur la croix.

L’état présent des éludes bibliques permet à l’apologiste de tenir pour acijuise, d’un point de vue purement critique, la rédaction des écrits du Nouveau Testament dès le siècle des Apôtres, et leur Uistoricité substantielle. Si les textes relatifs à Marie, et très particulièrement les récits de l’enfance du Christ, méritent un traitement d’exception, la preuve incombe à l’adversaire ; cette preuve, il ne saurait la fournir. Nous pourrions nous dispenser d’encombrer les débuts de notre exposition par le détail des hypothèses imaginées de nos jours pour démentir la tradition chrétienne touchant l’enfance du Christ.

Mais les Ecritures juives forment la préface naturelle de l’Evangile. Ouvrons donc la Bible.

I. — MARIE DANS L’ÉCRITURE SAINTE

1° Ancien Testament

Il n’y a pas lieu d’insister beaucoup sur la préhistoire de Marie dans la prophétie biblique : les harmonies des deux Testaments n’ont leur pleine valeur qu’aux yeux des croyants, déjà convaincus de l’hommage qu’ils doivent à Marie ; elles ont peu de prise sur l’incrédulité raisonneuse. D’un point de vue apologétique, on peut les tenir pour secondaires. Néanmoins, si l’on veut présenter la figure de Marie dans son vrai jour, il faut dès l’abord mentionner les oracles prophétiques où la tradition chrétienne tout entière a reconnu la mère du Messie. Ces perspectives lointaines, prises des origines du genre humain et de l’histoire juive, sont nécessaires pour apprécier le rôle de Marie, tel qu’il devait apparaître aux Pères de l’Eglise et se préciser de plus en plus au regard des siècles chrétiens. Nous devons les signaler rapidement, avant de relever la trace de Marie dans l’histoire évangélique.

Voici d’abord la chute du premier homme, avec la Rédemption en perspective.

Cen., III, 15. — La sentence divine contre le serpent, séducteur du premier couple humain, annonce la victoire réservée à la race de la femme.

Je mettrai une iniinîtii’entre toi et In femme et entre ta race et la sienne ; elle t’écrasera la tête, et tu In mordras au tnlon.

D’après le texte original, c’est la raceiie la femme qui doit écraser la tête du serpent. Le pronom personnel XIH’bien qu’ordinairement masculin, pourrait, absolument parlant, d’après la langue du Pentateuque. être féminin et se rapporter à la. femme ;

mais ici le contexte (forme verbale "TSIti", sufTixe 13) oblige d’y reconnaître un masculin et de le’rapporter à la race de la femme. C’est ce qu’ont fait les Septante (kCto^ aaj Tr, pr, ’ : si « f.a/>-, i’), et avec eux letarguin d’Onkelos, la peschitoet lesPères indépendants de la vulgate. Ainsi Saint Cyprikn, Tesiim., Il, ix, éd. Hartel, p. 74’^’ponam. inimicitiani iriter te et malierem et iiiter seinen tiium et semen eius. Ipse tiiiim cahabit caputet lu ohsen’aiis calcaneum eius. Saint JiiHôME, Quæst. helir. in Geri., P, L., ’S.lll, g(|3, marque sa préférence pour cette leçon, bien qu’ailleurs il ait écrit : ipsa. Lu leçon de la vulgate, qui se rapporte directement à la femme, — ipsa csnteret caput tuum, — doit être considérée comme une interprétation ancienne, d’ailleurs très fondée, qui a pénétré dans le texte. A s’en tenir à la lettre, c’est la race de la femme qui doit écraser la tête du serpent.

Une exégèse naturaliste ne verra ici que l’expression de la répulsion instinctive qu’éprouve l’homme pour le serpent. Mais la tradition juive et chrétienne y a vu tout autre chose. Avec les Pères de l’Eglise, il faut remarquer qu’à la fin du verset les ileux collectivités s’effacent, la race de la femme apparaît résumée dans un personnage unique, lequel écrase la tête du serpent, tandis que le serpent le mord au talon. Ce personnage ne peut être que le Hédempteur. La collectivité qui triomphe par lui est l’ensemble des hommes qui lui doivent la ^ie. Dans ce personnage principal, les chrétiens n’iiésilent pas à reconnaître l’Homnie-Dicu, représentant éminemment la race de la femme. Lui-même, dans l’Evangile, s’appelle couramment Fils de l’homme, pour marquer ses attaches avec la famille humaine. Il a livré son humanité à la mort : en cela consiste la morsure du serpent, qui l’atteint seulement au talon. En même temps, il triomphe par la vertu de sa divinité ; il écrase son ennemi impuissant et rend la vie à ceux qui l’ont perdue : telle est l’œuvre de la Rédemption.

Dès lors qu’on a reconnu dans le vainqueur du serpent le Fils de l’homme, il faut faire un pas de plus et rendre pleinement raison du sens personnel attaché à cette appellation : la race de la femme. Si Jésus est appelé ainsi, ce n’est pas à raison du lien lointain qui l’unit à Eve, car Eve n’a pu transmettre à ses descendants qu’une nature frappée à mort. Mais c’est bien plutôt à raison du lien immédiat qui l’unit à.Marie, dans le sein de laquelle il a pris une humanité sans tache. En prenant cette humanité sans tache, il a préparé le relèvement de tous ceux qui, blessés par le serpent, viendraient à lui pour participer à cette vie nouvelle dont il est la source. Et ainsi, comme Eve fut la mère de tous selon la nature, Marie sera, selon la grâce, lanière de tous ceux que son Fils guérira. Tous les justes, soit avant soit après la venue du Christ, constituent la race de la femme, et cette femme est Marie.

On ne trouve pas dans la maternité d’Eve le principe de cette inimitié que Dieu mettra entre la race de la femme et la race du serpent ; car Eve est elle-même tombée, comme Adam, victime du serpent. Ce principe d’inimitié ne se trouve qu’en Marie, mère du Rédempteur. Donc, dans ce protévangile, que nous lisons à la première page de nos Livres saints, la personnalité de Marie, encore que voilée, est présente, et la leçon de la vulgate, ipsa, traduit une conséquence qui se dégage réellement du texte sacré, car la victoire du Rédempteur est moralement, mais réellement, la victoire de sa Mère. Comme Eve participa au péché d’Adam par l’assentiment qu’elle donna la première aux suggestions du serpent, Marie participa à l’œuvre rédemptrice par l’assentiment qu’elle donna à la parole de l’ange. Ainsi devait l’entendre toute l’antiquité chrétienne, qui