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PAIX ET GUERRE

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tuelle. On prcligurait ainsi l’organisation juridique de l’arbitrage obligatoire.

Pourquoi les diplomates et jurisconsultes rassemblés à La Haye durent-ils se résigner à un tel écart entre l’amplitude avouée de leurs désirs et le caractère modpï.le et limité des réalisations accomplies ?

Parce que plusieurs plénipotentiaires avaient reçu de leur gouvernement consigne impérative de refuser leur adhésion à toute organisation elfective et actuelle de rar))itrage obligatoire. La réforme n’était pourtant réalisable que moyennant l’adliésion unanime des principaux Etats de l’Europe et du monde. Or, sur quarante et une puissances qui intervinrent dans les tractations de 1907, à La Haye, touchant l’iirljitrage obligatoire, il y en eut trente-trois qui donnèrent leur sulTrage au projet et huit qui, pour dilférents motifs, refusèrent de contracter en ce sens aucun engagement formel. La liste des huit puissances dissidentes est curieuse à relire aujourd’hui : Alleniagne, Autriche-Hongrie, Bulgarie, Turquie, auxquelles il faut joindre la Grèce et la Roumanie, et même (ce qui déconcerte davantage) la Belgiiiue et la Suisse. Bizarres rencontres de l’histoire diploniati <jue !.insi fut mis en échec le projet concernant l’iirbitrage obligatoire. Pas d’arbitrage concevable s’il n’existe, à la base de l’institution, un accord unanime déterminanlles obligations et engagements réciproques.

A vrai dire, on peut se demander siles trente-trois puissances qui eurent le mérite d’appuyer cette motion de leur suffrage se rendaient compte exactement de ce que comportait, pour devenir une réalité sérieuse, l’institution de l’arbitrage obligatoire. On en doute discrètement quand on constate que nul projet de sanctions internationales ne fut adjoint au projet de Cour de Justice arbitrale. Quelle efficacité aurait un texte prescrivant l’arbitrage obligatoire, à l’égard d’une puissance qui, en raison des ambitions de ses chefs ou des passions nationales de son peuple, contreviendrait délibérément aux règles du droit international, refuserait de soumettre le litige à la Cour de Justice arbitrale (ou d’en accepter les arrêts) : en un mot, ferait appel abusivement et injustement à la force des armes ? Le cas n’était pas même prévu. Alors, comment prétendre que, légalement et juridiquement parlant, l’arbitrage fiit obligatoire ? Existet-il une obligation effective et légale, s’il n’existe pas de sanction effective et légale ?

Par suite de l’absence d’un système cohérent de sanctions internationales, le projet d’arbitrage obligatoire, tel qu’auraient voulu rado[iter trente-trois (sur quarante-el-une) des puissances représentées à la conférence de La Haye en 1907, ne serait pas demeuré beaucoup moins platonique, pas beaucoup moins inopérant, dans les cas réellement graves de danger de guerre, que le régime plus timide d’arbitrage facuUatif qui put seul réunir l’unanimité des plénipotentiaires et constituer la règle olDcielle du droit international.

Il faut donc reconnaître que, si remarquable qu’elle fût sans contredit, l’œuvre juridique des deux conférences de 1899 et de 1907 demeurait essentiellement inachevée.

Ce seront les terribles expériences de la grande guerre de 191^-1918 qui imposeront entin à tous les esprits sérieux la nécessité absolue d’organiser des sanctions internationales pour donner une valeur réelle à un système quelconque d’arbitrage obligatoire.

H. Sanctions internationales. — L’autorité la plus haute qui ait revendiqué cette transformation décisive du droit international est l’autorité du Pontificat romain par le Message historique du le^aoùt 1917,

où le Pape Benoit XV offrait à tous les belligérants sa Médiation diplomatiijue. Il faut citer les paroles mêmes du Pontife :

Le point fondamental doit être qu’à la force matéiielle des ai’mes soit substituée la force morale du droit : d’où un juste accord de tous pour la réduction simultanée et réciproque des armements, selon des règles et des garanties à établir, dans la mesure nécessaire et suffisante au mointien de l’ordre public en chaque Ktat ; puis, en aub* sfitutitin des armées, l’institution cte l’arbitrait’, aec sa boute fonction pacificatrice, selon des norints à concerter etdes sanctions à déterminer contre l’Etat qui refuserait, soit de soumettre les questions internationales à l’ar" bitruge, soit d’en accepter les décisions.

Les diverses sanctions concevables sont réductibles à trois espèces distinctes : sanctions morales, économiques et militaires.

Les sanctions morales consisteraient dans la flétrissure jiublique que la juridiction suprême d’arbitrage international infligerait à toute puissance qui aurait gravement violé les prescriptions du droit international et, en particulier, qui aurait fait appel à la force des armes au lieu de recourir à la justice arbitrale ou d’obtempérer à la sentence n’yulière de la cour d’arbitrage. Les mœurs des pays civilisés pourront donner comme conséquence à cette flétrissure publique certaines exclusions portées dans la vie sociale et mondaine contre les représentants de l’Etat provocateur, certaines mises en quarantaine qui auraient quelque analogie avec l’excommunication ecclésiastique.

Lea sanctions économiques consisteraient dans la rupture aussi complète que possible des relations commerciales avec les puissances violatrices dudroit et condamnées à cette peine par jugement de la cour suprême d’arbitrage. Malgré des infractions considérables et inévitables, par désobéissance avouée ou fraude tolérée, un blocus économique, même très imparfait, qu’il soit continental, maritinje ou sousmarin, détermine de graves embarras de toute espèce pour le pays qui en est l’objet, surtout quand il s’agit d’une nation en état de guerre et ayant comme telle à opérer au dehors des achats exceptionnels. Si donc l’arrêt de la cour d’arbitrage, traduisant la réprobation morale du monde civilisé contre les puissances violatrices de la pai.x et du droit, détermine contre elles un certain boycottage économique, réduit (s’il ne tarit pas totalement) leurs importations etleurs exportations dans un pareil moment, la sanction économique deviendra redoutable. A côté des risques ordinaires de la guerre, les Etats qui auront contrevenu aux règles de l’arbitrage devront, en outre, suliir un dommage sensible d’ordre matériel, louchant à leur bourse et à leur ravitaillement.

Le dommage pourra qu^quefois atteindre les proportions d’une catastrophe. La perspective de ce péril supplémentaire rendra moins enviable le recours injustifié à la force des armes. Grâce à une sanction efïective sur le terrain économique, une garantie sérieuse, parfois même une garantie très puissante, aura été donnée au règlement pacifique des conflits entre Etals rivaux. Un progrès authentique aura été réalisé par le droit international.

.près les sanctions économiques, les sanctions militaires. La cour suprême d’arbitrage aurait le droit de requérir juridiquement l’intervention armée de certains Etals non encore mêlés au litige, pour précipiter la défaite de la puissance qui aurait déchaîné la guerre en contrevenant aux obligations du droit international. Ce serait alors une sorte d’exécution par autorité de justice. L’homme d’épée deviendrait (dans toute la force du terme)