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PAIX ET GUERRE

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dans les cas où quelque puissance doit subir un écheo ou une déception politiiiue : au lieu d’obtempérer à Vitltiniaium impérieux d’un Elut rival, cette puissance obtempérera aux suggestions amiables et courtoises du concert européen.

Ue par sa nature même, le congres ou la conférence diplomatique aura une tendance marquée aux solutions conciliatrices, cciuilibristes, qui sauvegarderont quelque temps la paix européenne et pourront empêcher les griefs mutuels de devenir inexpiables. Lapropension babituelleduconcerteuropéen sera plutôt défavorable au vainqueur qui a le tort de trop grandi, l, par conséquent, de mettre en péril la sécurité d’autrui. Le concert européen sera, par destination, le rempart de l'équilibre européen : à cet égard, il rendra parfois d’appréciables services.

Néanmoias, le c. ncerleuropéen, pas plus que l'équilibre européen, ne constitue vraiment une garantie eUicace et suffî.'^ante de l’ordre moral et juridique parmi les Etats souverains. Il faut qu’une règle supérieure soit r' ; connue, qui mesure les applications légitimes de la politique d'équilibre et dirige fermement les décisions du concert européen. Sans quoi le concert européen pourra homologuer, en ses protocoles solennels, les plus énormes violations du droit, de même fpie la politique d'équilibre pourra s’en accommoder avec une idympienne sérénité. Ce qui frappe dans la série des protocoles diplomatiques élaborés (en iS.'io, iS^i, 1856, 1867, 18-8, igoS, igiS) par le concert européen est le caractère contradictoire de leur dispositif en des matières d’importance considérable (intégrité de l’Empire ottoman, émancipation des nationalités danubiennes ou balkaniques). Visiblement, le conci-rt euro^iéen subit l’action des influences prépondérantes et variables, il consacre avec une égale inconscience des principes opposés, il est dépourvu de toute conception permanente et cohérente qui soit, h ses yeux, la formule objective du droit.

Le recrutement du concert européen ne désignerail guère cette inslitution pour être l’organe d’un ordre juridique confirme aux exigences supérieures de la morale. Le concert européen est constitué, en effet, par le syndicat des grandes puissances qui s’adjugent la direction suprême des affaires internationales à l’exclusion des autres Etais et en obligeant ceux-ci à suivre, bon gré mal gré, leurs décisions impéralives autant que cérémonieuses. Fondé sur la distinction entre grandes et petites puissances, le concert européen a ponr résultat de soumettre habituellemo- les petits Etats aux caprices des grands et de m' urer les conquêtes territoriales ou les dévelop 3nts politiques despuissances de deuxième zone jirès les intérêts, les convenances et les cal.~uls. puissances de preuiière zone. L’horrible iin i.-iglh) des affaires balkaniques est imputable, pour une part sérieuse, au concert européen, par lequel les grandes puissances exercent leur tutelle collective sur les petits Etats considérés comme des enfants mineurs ou des iils prodigues. Les puissances de deuxième zone, n’ayant pas voix au chapilie et n’ayant pas la force sullisanle pour désobéir au syndicat des puissances de première zone, n’ont qu'à subir avec une humble résignation les amertumes de leur destinée, quel que soit le déni de justice dont elles puissent être victimes. Leur revanche, à certains jours, sera de profiter des querelles des grands Etats et de provoquer dans la charpente de l'édilice européen quelque formidable incendie.

Concluons que le concert européen n’offrait aux Etats et aux peuples ni règle permanente d’ordre juridique, ni ferme garantie du droit de tous. Des

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transformations importantes et profondes étalent hautement désirables dans les organes, les méthodes et les sanctions du droit des gens.

F. Solidarité d’intéifH.s du monde contemporain. —

Si le monde contemporain offre le spectacle de compétitions politiques ou économiques dont la gravité, la complexité, l'àpreté même surpassent celles de tous les différends analogues qu’ait enregistrés l’histoire, on doit avouer que les conditions générales de la civilisation moderne tendent à créer entre les peuples une certaine uniformité d’existence, une dépendanceel une pénélrati<m d’intérêts qui étaient inconnues jusqu'à ce jour et qui ont leur inévitable contre-coup dans la vie internationale.

Uniformité d’existence par suite de la rapidité toute nouvelle des moyens de transport et d’information, par suite également de la facilité des échanges commerciaux. Dans tous les pays de l’Europe, dans tous les Etats de l’ancien et du nouveau monde, y compris l’Australasie et l’Extrême-Orient, l’habitation, le vêtement, la nourriture, les affaires, la vie publique, la presse, les distractions, les sports présentent, malgré la différence profonde des climats, des races, des croyances, des idées, une ressemblance déplus en plus générale, grâce à la diffusion de plus en plus étendue des mêmes usages extérieurs, des mêmes besoins sociaux, des mêmes engouements et des mêmes fantaisies.

A l’uniformité relative d’existence matérielle, correspond la solidarité, ou, comme on dit volontiers, l’interdépendance économique. Les exigences cora[>lexes de la consommation, de même que le développement de l’industrie et les applications de la science, font que tous les pays du monde, quel que soit leur éloignement géographique, ont plus ou moins besoin les uns des autres pour l'échange de leurs matières premières ou de leurs produits manufacturés. Une crise industrielle ou commerciale survenant à San Francisco, à Melbourne, à Hong-Kong, aura sa répercussion, peut-être fort grave, sur le marché de Bristol, de Marseille, de Hambourg.

A plus forte raison, un l>locus réciproque que, dans une grande guerre, chacun des deux groupes de belligérants tâchera, selon ses moyens, de faire subir au groupe ennemi aura pour effet, dans le monde entier, même durant la période qui suivra la cessation des hostilités, de causer une perturbation profonde, une rupture douloureuse de l'équilibre économique.

On ne peut méconnaître la' multiplicité des liens créés entre les peuples par la solidarité commerciale, par l’interdépendance agricole et industrielle, non moins que par l’uniformité croissante du cadre extérieur de la vie.

Aussi, durant la dernière période du iix" ticcle et et les quatorze premières années du xx", les conditions nouvelles dont nous parlons avaient-elles déterminé un progrès digne de mémoire dans le droit international, tant privé que public.

Ce sont des conventions adoptées par dix, vingt, trente puissances de l’ancien et du nouveau monde qui ont établi un régime de concordance entre les lois respectives des différents pays pour assurer partout le respect de droits et d’intérêts identiques. On trouvera une copieuse énumération de ces conventions internationales dans les articles a8j à 296 du traité de Versailles (28 juin 1919). Conventions postales, télégraphiques, radio-télégraphiques ; conventions concernant les chemins de fer, la navigation, les douanes et péages ; conventions prohibant le travail de nuit pour les femmes (1906), réprimant la traite des blanches (190^, 1910), et le colportage des écrits pornographiques (1910), concernant la

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