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PAIX ET GUERRE

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D’autre pai-t, les enseignerænls et les démarches du Pape BrnoIi XV, durant toute la grande guerre, ont nettement orienté le travail des théologiens catholiques vers le problème de la solution paciQqne et arbitrale des conflits internationaux et, plus généralement, vers le problème de l’organisation juridique internationale. Les projets ambitieux de « Société des Nations », lancés par divers groupements étrangers ou hostiles au catholicisme, adoptés avec éclat par le président Woodrow Wilson, projets qui ont trouvé leur formule, plutôt médiocre, dans le traité de Versailles, du 28 juin 1919, remettaient en honneur, tout en la défigurant, une conception chère à la Papauté romaine, la conception de ce système catholique du Moyen Age où Auguste Comte salua un jour « le chef-d’œuvre politique de la sagesse humaine ». Benoit XV ne manqua pas de s’inspirer des glorieuses traditions historiques du Saint-Siège. Il réclama la substitution d’un régime de droit au régime de l’équilibre matériel des forces politiques et militaires. Il revendiqua l’arbitrage obligatoire, la réduction générale et proportionnelle des armements, la constitution d’une cour internationale de justice, munie de sanctions appropriées à sa tâche. Il convia, par le fait même, les docteurs des Ecoles catholiques à étudier’.out ce que contiennent d’utile, de viable les projets et systèmes actuels de « Société des Nations », pour faire écarter les chimères et les utopies malfaisantes, pour faire appuyer les solutions heureuses et fécondes, pour montrer surtout combien le succès d’une telle entreprise exigera la puissance morale de l’idée religieuse et le concours maternel de l’Eglise du Christ.

Après avoir exposé la théorie catholique du Droit de guerre, il nous faudra donc exposer la théorie catholique de l’Ordre juridique international. C’est la réunion de ces deux synthèses doctrinales, théorie de la guerre et théorie de la paix, qui constituera, dans sa complexité harmonieuse, le Droit international chrétien.

II. — Théorie catholique du Droit de guerre

A. Juste guerre et justice ^’indicative. — D’après la théorie traditionnelle des docteurs catholiques, la guerre ne pourra être moralement honnête et licite qu’au nom de la justice vindicative. Le recours légitime à la force des armes devra toujours avoir pour but de repousser (ou de prévenir) une injuste agression, de faire échec aune entreprise gravement coupable et d’en punir les auteurs.

Il faut donc qu’il y ait eu, de la part de l’adversaire, violation grave et certaine d’un droit authentique et certain.

Il faut, en outre, que l’adversaire se soit obstinément refusé à terminer le conflit d’une manière équitable par les voies pacifiques : négociations directes et amiables, médiation d’une tierce puissance, arbitrage International.

Mais, lorsque les choses en sont venues à ce point, la puissance provocatrice se trouve sujette aux répressionsde la justice vindicative. S’il existe une cour internationale de justice, armée du droit d’arbitrage obligatoire, munie de sanctions internationales, la guerre accomplie par les Etats qui se conformeront, contre la puissance provocatrice, aux arrêts de la Cour internationale aura indubitablement le caractère d’une exécution militaire par autorité de justice.

Mais, en l’absence d’une autorité temporelle dont les Etats rivaux seraient eux-mêmes justiciables, c’est-à-dire si la Cour internationale n’existe pas ou n’est pas en mesure de fonctionner, la puissance provocatrice devient, par le fait même de son crime

contre le droit d’autrui, ratione delicti, justiciable de la puissance injustement provoquée ; les chefs temporels de la nation qui a subi l’injustice deviennent légitimes représentants de Dieu pour punir la coupable et lui imposer une juste réparation de la faute commise.

L’Elat (ou le groupe d’Etats)’/(// a juste guerre sera donc en droit de repousser par la force des armes l’injuste agression de l’adversaire : Vim vi repellere oninia jura perniiltunt. Il sera en droit également, pourvu qu’il dispose de forces lui donnant des chances très sérieuses de succès, de prendre lui-même l’oITensive armée sur le territoire de la puissance adverse qui lui a causé un injuste dommage et s’est refusée persévéramment aux réparations paciûques.

Au pouvoir suprême de la nation gravement et obstinément lésée, s’appliquera en toute rigueur, à l’égard de la puissance coupable, le texte fameux de saint Paul sur le droit de glaive et la justice vindicatiTe : Ce n’est pas en vain que le prince porte l’épée, étant ministre de Dieu pour tirer vcni^eaiice de celai qui a fait le mal et pour le punir (Honi., xiil, 4) B. Conduite des hostilités. — Une fois les hostilités engagées, celui qui ajuste guerre pourra user en sûreté de conscience des moyens habituels de violence et de contraintedestinés à réduire l’adversaire, à briser sa force d’attaque et de résistance, à lui imposer les conditions et réparations conformes aux exigences de la justice. Mais ce droit de nuire à l’ennemi en guerre ne saurait être illimité. Il y a des violences que leur inutilité ou leur cruauté, leur déloyauté ou leur immoralité interdit rigoureusement de jamais employer, quelque graves qu’aient été les crimes de la puissance adverre. Les violences directes et sanglantes de la bataille doivent être épargnées à la population non combattante et employées exclusivement contre les armées ennemies, qu’il importe de repousser ou de détruire, de capturer ou de désarmer. Les destructions matérielles ne I doivent jamais dépasser ce qu’exigent rigoureuse-I ment les opérations militaires, au lieu de ravager méthodiquement le pajs et d’y multiplier les désastres irréparables. A un titre tout spécial, il faut épargner les institutions et les monuments de l’art, de la charité, de la religion.

Ces différentes obligations morales, concernant la I conduite de la guerre, se fondent sur le droit naturel, en même temps que sur l’esprit de charité chréj tienne. Mais la mesure exacte des choses permises I ou défendues subira quelques variations d’après les ] temps et lieux, les coutumes et les mœurs, l’état de j la civilisation. De nos jours, le problème est résolu par décision contractuelle. Tous (ou presque tous) les Etats de l’ancien et du nouveau monde sont signataires des conventions internationales de La Haye (1907), qui déterminent avec une précision, une lucidité, une sagesse remarquables les lois delà guerre sur terre et sur mer ; les moyens licites et illicites de nuire à l’ennemi ; les égards dus à la population civile, aux blessés, aux prisonniers, aux monuments religieux et artistiques ; les règles du droit des gens au sujet des parlementaires, au sujet de l’occupation des territoires ennemis, au sujet de la cessation ou de l’interruption des hostilités. La stricte observation de ce règlement international est à la fois une obligation tirée du respect des contrats, et une obligation tirée du respect de la loi morale, de l’honnêteté naturelle, dontlecontrat n’est ici que ladéclaration juridiipie etl’adaptation précise aux circonstances concrètes.

Lorsque l’on voudra pousser plus loin, dans de futures conventions internationales, le discernement