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ORDINATIONS ANGLICANES

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La « Vindicatio » des évêques catholiques anglais- — Les chefs des catholiques d’Angleterre comprenaient que, pour répondre à de pareilles mystifications, il devenait nécessaire de rédiger un nouvel exposé, tout à la fois moins technique en son langage et plus détaillé dans ses explications que n'était la Inille même, et dans lequel seraient présentées au public les raisons qui avaient fait condamner les ordres anglicans. Vers la Un de l’année Sot, parut une lettre signée par tous les évêques catholiques d’Angleterre etadressée aux deux archevêques anglicans. Cet écrit, qui a pour titre : A Vindicaiion of ihe Uni ! Apostolicæ ciirae, examine successivement les arguments contenus dans cette bulle. Il pèse en premier lieu les motifs extrinsèques qvii militent pour le rejet des ordres contestés, ceux qui se tirent des décisions prises sous le règne de Marie Tudor par le Cardinal Pôle d’après les directions de Jules III, et de la ratification que leur accorda ensuite Paul IV. Puis il donne les raisons qui firent condamner ces ordres par Clément XI à l’occasion du cas Gordon. Ensuite, passant à l'étude intrinsèque des raisons examinées par la Commission de 1896, la Vindiculion expose d’abord les principes dont celleci a dvi s’inspirer, et qui dérivent de thèses doctrinales sur la Présence réelle, sur le Sacrifice de la Messe, sur le Sacerdoce, sur les éléments indispensables d’un rite d’ordination, sur l’intention du ministre. Puis elle cnumère les défauts internes du rite d’ordination anglican ; lesquels proviennent soit de l’indélerminalion de la forme essentielle, soit du caractère général de l’Ordinal entier, formé en éliminant du vieux Pontifical tout ce qui y sentait la doctrine catholique du sacerdoce, soit enfin du manque d’intention dans le ministre : car celui qui emploie un semblable rite, doit être censé agir avec l’intention erronée que le rite lui-même exprime. Lorsqu’elle en vient en particulier à préciser la nature du seconddeces défauts, la F ; n(/icrt<(on illustre la pensée de la bulle par des citations qu’elle emprunte à des écrivains contemporains de la Réforme et à toute une série de théologiens anglicans. Il en ressort clairement que la doctrine anglicane des cinq principes, dont la bulle s’est aidée pour juger l’Ordinal, diffère absolument de la doctrine catholique. Suivent huit Appendices où sont discutées diverses questions connexes, telles que l’instruclio pro Jrmenis d’Eugène IV, les formes essentielles d’ordination des principaux rites d’Orient et d’Occident, et les opinions de Cranmer, de ses collègues et des théologiens anglicans postérieurs sur la Sainte Eucharistie et le Sacrifice de la Messe.

La bulle déclarée » irréformable » par Léon XIII. — A peine la bulle Apostolicæ curae aux mains du public anglican, on s’etaitmis à déclarer qu’il n'}' fallait pas voir une décision définitive, et qu’avant longtemps le Saint-Siège se verrait forcé de changer de position. Cette idée, il est triste de le dire, fut aussi celle de quelques catholiques français qui prirent pour organe la Revue an^lo-romaiiic. Leur al tiHide attira au Cardinal Richard, alors archevêque de Paris, une lettre de remontrances de Léon XIII, datée ilu 5 novembre 1896. Le Pape y déclare que son intention a été a déjuger absolument et de trancher définitivement » le point en litige (absoliite judicare et penilus dirimere), et qu’il l’a fait a avec un tel poids d’argiiments, une telle clarté et

« une telle autorité dans la forme, que nul homme

a prudent et de bonne foi ne peut révoquer en disn cussion sa sentence, et que tous les catholiques (1 doivent accepter celle-ci avec pleine obéissance,

(I comme étant perpétua raiam, /iimam, irret’oca-' ( bileiii ». Poiu- des catholiques, un tel langage est décisif ; et pour les autres, il devrait au moins les convaincre qu’ils ne peuvent jamais espérer voir le Saint-Siège abandonner la position ainsi adoptée-Ce jugement sur les ordres anglicans, notons-le, ne porte pas sur un point de doctrine, mais sur un fait dogmaliqiJfe. Si le Concile du N’atican n’avait pas été interrompu par la déclaration de la guerre-francoallemande, la définition de l’Infaillibilité aurait sùrementété complétée par unedéûnition sur l’extension de son objet. En ce cas, la question des faits dogmatiques serait forcément venue en discussion ; et sans aucun doute aussi, le Concile aurait dii proclamer que l’infaillibilité s'étendait jusque-là : car un fait dogmatique est un fait si étroitement connexe avec un dogme, que le pouvoir de définir l’un deviendrait illusoire s’il n’incluait le pouvoir de définir l’autre. Au reste, ce point a déjà été précédemment défini par le Saint-Siège lui même en plusieurs occasions : l’exemple classique est celui de la bulle Vinea Domini de Clément XI, qui, en i’j15, mit fin à la longue résistance des Jansénistes français. Ceux-ci avait été requis de souscrire à la condamnation que le Pape avait portée contre VAugiistiniis de Jansenius, déclarant y trouver cinq propositions contraires à la doctrine catholique sur l’accord de la grâce et du libre arbitre ; mais ils avaient distingué entre la doctrine qvie le Pape voyait dans ci s propositions et le sens qu’elles prenaient dans l’Augustiiius, assurant qu’ils étaient prêts à signer la condamnation de la doctrine en elle-même, puisqu’ils admettaient le droit de l’Eglise à trancher une question de foi, mais que le Saint-Siège n’avait pas le pouvoir de décider si cette doctrine était ou non contenue dans les expressions de tel ou tel livre. Le motif que le Pape mitalors en avant pourexiger de tous un assentiment interne portant jusque sur le fait, c'était que le pouvoir de juger la doctrine en elle-même devenait purement illusoire dès qu’on le séparait du pouvoir de juger si cette doctrine était contenue dans les expressions de tel ou tel ouvrage. Il est inadmissible, concluait le Pape, de n’accorder au Saint-Siège, sur les questions doctrinales, que cette ombre d’autorité.

Cette condamnation de la thèse janséniste éclaire bien la position de ceux qui voudraient voir dans le rejet des ordres anglicans un acte étranger au domaine de l’infaillibilité pontificale, et donc susceptible d'être rapporté quelque jour : leur attitude est entièrement parallèle à celle qu’adoptèrent en face de la sentence de Rome les tenants de VAugiistiuus.

Bibliographie. — A. Ouvrages historiques sur la période de la Réforme en Angleterre, et ouvragés donnant le texte des documents essentiels.

Oairdner (James). Lollardy and tlie Reformalion.

3 vol. 1908.

Uixon (R. W-). IJistorv of the Cliurch ofEngland, from the abolition of the Roman jurisdiclion.

4 vol. 1878…

Lingard (John) History of England, vol. V.

Haile (Martin). Life of Reginald Pôle. 1900.

Burnet (Gilbert). History of Ihe Reformation. Edition primitive en 1679. L'édition de Nicolas Pocock de 1865 est la meilleure. Elle comprend 7 vol., dont les 4 derniers donnent le texte des documents. Les notes de Pocock sont de grande valeur, étant l'œuvre d’un érudit des plus consciencieux.

Strj’pe. Memorials of Archbishop Cranmer. 3 vol. 1693. L'édition d’Oxford de iS^oestla meilleure. Le troisième volume contient des documents.