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ORDINATIONS ANGLICANES

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leur ferait communiquer tout ce qu’on connaissait, tout ce qu’un poun-ait découvrir, de documents ayant quelque rapport avec leur sujet, soit dans les archives du Vatican, soit dans celles du SainlOflice. Après avoir ainsi échangé leurs vues, ils devaient formuler leurs conclusions, et les matériaux ainsi accumulés seraient envoyés aux Cardinaux constituant le Conseil suprême du Sainl-Ollice. Ceux-ci, après s'être formé chacun son jugement personnel, devraient dans une session solennelle de Ferla Quinta, l’exposer au Saint-Père présidant en personne. Il appartiendrait alors au Pape lui-même, après avoir prié Dieu, de décider s’il y aurait lieu de publier ou de différer la sentence définitive. — Telle fut exactement la marche qu’on suivit. Elle aboutit à un jugement unanime des Cardinaux du Conseil suprême sur les deux propositions qu’on leur soumettait, à savoir : que « la question avait i< déjà été tranchée par le Saint-Siège en pleine i( connaissance de cause, et que cette nouvelle dis « cussion et ce nouvel examen n’avaient servi qu'à mettre mieux en lumière la sagesse et le soin avec lesquels cette décision avait été prise ». En conséquence, Léon Xlll, après s'être réservé un intervalle de prière et de réflexion, décida, comme il nous le dit dans sa bulle, que la matière était en soi claire et qu’il n’y aurait point de bon elfet à différer l’annonce de l’unique sentence possible. La bulle fut donc publiée le 13 septembre 1896.

La bulle « Apostolicæ curæ » (1896). — Cette bulle, nous l’avons noté, suit dans sa composition une marche peu ordinaire, — sans doute pour répon dre aux exigences de ceux qui, n'étant pas catholiques, ne se contenteraient pas de la simple autorité du Siège Apostolique pour s’incliner devant son jugement. Elle expose donc en grand détail les raisons sur lesquelles ce jugement se fonde, ce qui est certainement un précieux avantage pour les apologistes qui ont à défendre au tribunal delà raison chrétienne cet acte du Saint-Siège.

Le ton pastoral affectueux qui règne d’un bout à l’autre de ce document témoigne des sentiments dans lesquels il a été écrit. Léon XIII désire ardemment faire entendre au peuple anglais que ces décisions sont celles qu’il a été contraint de prendre par ses devoirs envers la vérité ; et qu’elles sont en même temps une lumière qui, si on voulait y prendre garde, pourrait reconduire les errants à l’ancienne unité — à cette unité qui leur avait jadis été si chère et que, disait-on au Pape, ils désiraient si vivement voir renaître. Cette Imlle devrait être lue et relue attentivement par tous ceux qui prennent intérêt à cette question sacrée de la réunion des Eglises ; il faut nous borner ici à en résumer les idées principales. Elle considère d’abord la coutume établie et les prescriptions du Saint-Siège à l'égard des ordres anglicans, ainsi que les origines et l’autorité de cette coutume. Dans ce but, elle relate ce qui a été fait sous Marie Tudor par le Cardinal Pôle agissant en vertu des pouvoirs qu’il tenait de Jules 111, et expose comment ses actes furent ensuite ratifiés par Paul IV, que l'évêque Thirlby, dépêché vers lui par le Cardinal, avait mis au courant de tout. Nous n’avons pas à reprendre toute cette histoire : qu’il nous suffise d’inviter le lecteur à comparer notre récit avec celui de la bulle : il verra par lui-même s’ils sont d’accord entre eux. Disons-en autant de ce qui suit sur l’usage, datant des règlements de Pôle, de réordonner sans condition les convertis précédemment ordonnés à l’anglicane, La persistance de cet usage, dit la bulle, atteste en quel sens ont de tout temps été entendus ces règlements de Pôle et l’approbation que leur conféra

Paul IV. Léon XIII passe ensuite à la reprise de l’enquête par le Saint-Ollice en deux occasions, à la fin du xvn « siècle et au début du xviii » ; et ici il insiste sur les motifs qui ont fondé les sentences portées alors contre les ordres anglicans. Les documents de ces enquêtes, déclare-t-il, établissent que le nouveau jugement ne se fonda aucunement sur la légende de la Télé de cheval, ni sur l’omission dans le rite d’Edouard VI de la tradition des instruments, ni même sur les circonstances de la consécration de l’Archevêque Parker en 155g, mais uniquement et entièrement sur l’insujlisance de la forme employée soit dans cette cérémonie, soit dans toutes les autres ordinations anglicanes, forme qui a été « comparée

« à cette occasion avec celles qu’on a recueillies dans
« les divers rites d’Orient et d’Occident ».

Arrivée là, la bulle conclut que seule une connaissance imparfaite des documents dont elle a exposé l’existence et le caractère pouvait permettre à des auteurs catholiques de compter encore la présente controverse parmi celles que l’Eglise catholique n’avait pas encore tranchées. Néanmoins le SaintPère, « dans son désir ardent de porter secours aux (1 hommes de bonne volonté en leur montrant la plus a grande considération et charité », avait voulu qu’on refit à nouveau un examen soigneux de ce rite anglais d’ordination, qui constituait le centre du débat. Dans le paragraphe suivant, la bulle déclare donc quelle est la nature du Sacrement de l’Ordre, et puis applique les principes énoncés à l’Ordinal d’Edouard VI, faisant ainsi ressortir ses multiples déficiences. Elle répète ce qui avait déjà été noté et jugé deux siècles plus tôt, au temps où s’examinaient les deux cas dont nous avons parlé. Mais elle ne se borne pas à répéter : elle explique et développe, avec toute la clarté et la précision qu’on pouvait demander à un jugement qui devait apporter sur une matière si débattue une décision définitive. Ici encore, c’est le texte même de la bulle qu’il faudrait étudier attentivement ; mais dans cet article nous nous contenterons d’en résumer l’argumentation.

Pour tous les rites sacramentels en usage dans l’Eglise, Léon XIII distingue entre leurs parties essentielles et leurs parties cérémonielles. Les sacrements de la Loi nouvelle, étant des signes sensibles et efficaces de la grâce invisible, doivent signifier la grâce qu’ils produisent et produire la grâce qu’ils signifient. Cette signification doit être contenue dans l’ensemble de leur rite essentiel, c’est-à-dire dans la synthèse de leur matière el de leur forme ; mais elle est principalement exprimée par leur forme, puisque la matière est dans le rite sacré l'élément indéterminé en lui-même et déterminable par les paroles qui l’accompagnent ; et cela est spécialement clair dans l’ordination, où la matière est l’imposition des mains qui par soi ne signifie rien de défini, puisqu’elle sert pour des ordres divers et même pour la confirmation. Or dans l’Ordinal anglican la forme qui doit signifier le deuxième ordre du clergé et qui est : « Reçois le Saint-Esprit », n’exprime certainement pas a le saint

« ordre du Sacerdoce, ni sa grâce et sa puissance, 
« qui est principalement celle de consacrer et d’offrir
« le vrai corps et le vrai sang du Christ Notre-Seigneur (Conc. de Trente, Sess. xxui, can. i), dans

Il ce sacrifice qui n’est pas la simple commémoration

« du sacrifice offert sur la croix ». La bulle n’ignore

pas du reste l’addition : « jinur l’office et l'œuvre de prêtre, etc., introduite en 1661 ; mais, déclare-t-elle, il n’y a pas en tenir compte puisque, quelle que puisse être sa valeur intrinsèque, elle est venue en tout cas cent ans trop tard. Cependant les Anglicans ont apporté un autre argument : c’est que si les mots ; o Reçois le Saint-Esprit… » sont en eux-mêmes trop