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ORDINATIONS ANGLICANES

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celle question Jans toute la littérature polémique parue autour des ordres anglicans, et aussi à cause de l’importance qu’elle aurait eue pour déterminer l’allitude pratique de TEglise envers ces ordres, si le rejet oHîoiel du rite même n’était venu la dc|)asser à tous égards, jusqu’à la rendre pratiquement superllue ; car si le cérémonial anglican n’avait pas été déclaré nul en lui-même et pour des motifs certains, le caractère douteux, ou pour mieux dire immensément improbable, de la consécration cpiscopale de Barlow aurait certainement exigé qu’im réordonnât sous condition tout ancien ecclésiastique anglican désireux d’entrer dans le clergé catholique.

Jusqu’au jour où Mason publia ses VinJiciæ en 1613, les circonstances de la consécration de Parker, et par suite la part qu’y avait prise Barlow, él ; iient, nous l’avons vu, le secret de quelques inities ; les catholiques n’en connaissaient donc rien. Mais quand Mason publia ce qu’il savait de cette cérémonie, il y joignit un étalage de dates de consécrations et de noms de consccrateurs, fournissant tous les détails désirables sur la succession des évêques anglicans depuis Parker jusqu’alors. Il donnait les mêmes précisions sur la consécration des trois prélats associés à Barlow dans la cérémonie de Lambetli. Mais quand il en arrive à Barlow lui-même, il doit avouer qu’il ne peut trouver trace de sa consécration, et sa seule ressource est de déclarer à ses lecteurs qu’ils ont toute sécurité pourcroirequ’elleæulieu, puisque les contemporains considéraient Barlow comme un évêque véritable et complet. Mason ajoute que d’ailleursdansle Registre archiépiscopal de Warham il ne trouve pas davantage mentionnée la consécration de Gardiner pour i’évêché de Winchester ; si donc, conclut-il, l’argument du silence vaut contre la consécration de Barlow, ilfaut appliquer le même principe à celle de Gardiner, — ce qu’évidemment aucun catholique ne consentirait à admettre, Gardiner étant un des évêques catholiques les plus considérés. Et Mason cite encore un ou deux noms de prélats dont le sacre n’est pas relaté dans les registres archiépiscopaux de leur province.

Une telle argumentation est vraiment faible. Quand bien même on ne trouverait nulle part mention du sacre de ces quelques évêques, le seul fait qu’ils professaient la foi catholique rendrait déjà incroyable qu’ils aient accompli sur d’autres les cérémonies d’ordination et de consécration sans avoir reçu eux-mêmes le caractère épiscopal. Mais le cas de Barlow est bien dilférent. Son opinion personnelle était précisément que la consécration épiscopale n’était pas nécessaire, comme en témoignent les paroles qu’il prononça dans un sermon prêché à la Cathédrale de Saint-David le 12 novembre 1536, peu de mois après être monté sur ce siège, et qui nous sont connues par les protestations que souleva parmi le Chapitre l’énoncé de cette doctrine hérétique. U avait déclaré :

« Que si Sa Grâce le Roi, qui est suprême chef de
« l’Eglise d’Angleterre, choisissait ou désignait et
« élisait pour être évêque un séculier quelconque
« qui fût instruit, un tel élu, sans qu’on etit à faire

mention d’aucun ordre, serait aussi bon évêque que

« lui-même [Barlow] ou les meilleurs d’Angleterre. » 

(V’oir, pour les sources officielles, Strvpe, Vl/eniono/, ▼cl. I, p. 18/|. Records, no’69 et 77) Et sans doute on a pu ré[)ondre que, si cette déclaration révélait le peu d’importance que son auteur, vu ses conceptions doctrinales, devait attacher à sa consécration, elle aflirmait du moins implicitement que cette consécration avait eu lieu. Mais si l’évêque de Saint-David avait des raisons de tenir secrètes les circonstances de sa promotion à l’épiscopat, il se pourrait fort bien qu’il eût ainsi parlé pour se forlilier, au cas où

la vérité viendrait à percer un jour ou l’autre. On conçoit d ailleurs que si le Roi et Cranmer partageaient ses opinions théologiques, liait pudissimuler l’omission de sa consécration dans la période obscure de ses deux ambassades en Ecosse, qui tombèrent justement vers l’époque où normalement il aurait dû la recevoir. Or que telles aient bien été les idées de Cranmer et du Koi, c’est ce qu’on peut conclure des réponses de Cranmer jiux » Questions sur les Sacrements )) posées par le Roi en 15/lo, et des notes du Roi sur les réponses faites aux mêmes questions par un autre évêque, — probablement Gardiner, s’il faut en croire Estcourt (0^. cil., p. 70). Cranmer répond :

« Que les ministres de la parole de Dieu soient
« sous Sa Majesté les évêques, curés, vicaires et tels
« autres prêtres qui seront nommés par Sa Majesté
« pour ce ministère… Que tous lesdits officiers et
« minisires de l’uhe comme de l’autre sorte [c.à-d.
« ecclésiastiques aussi bien que civils] soient nom-’niés, assignés et élus en toutes places par les lois
« des rois et princes. Que dans l’admission de plusieurs

de ces officiers soient employées diverses ^

« cérémonies et solennités appropriées, lesquelles ne
« soient pas de nécessité, mais seulement pour le bon
« ordre et les convenances, — car si lesdits oflices
« et ministères étaient contîés sans telle cérémonie, 

<i ils seraient néanmoins réellement conliés. El il n’y

« a pas plus de promesse de la grâce de Dieu en la
« commission d’un office ecclésiastique, qu’il n’y en
« a en la commission d’un office civil. » (Burnet, 

IJist. Réf., vol. I. App., pp. 214-236)

Or un autre prélat — que ce soit ou non Gardiner

— avait donné à ce questionnaire des réponses différentes :

« Etablir des évêques, disait-il, comprend

(I deux actes : les nommer et les ordonner. La nomination, que les Apôtres durent de nécessité faire par élection commune, et quelquefois par leur

« propre et particulière désignation, ne pouvait alors
« être faite par les princes chrétiens, parce qu’il n’y
« en avait pas en ce temps. » Contre cette réponse, 

l’autographe porte cette note marginale de la main de Henri VIII : « Où est celle distinction’? El puisque

« vous confessez que les.’Vpôtres exerçaient un des
« actes que vous confessez maintenant appartenir
« aux princes, comment pouvez-vous prouver que
« l’ordination n’est commise qu’à vous, évêques ? » 

{Ibid.. p. 467)

Pourtant, même une fois prouvé que Barlow ne voyait nullement dans sa consécration épiscopale une condition requise pour conférer les ordres aux autres, il n’apparaît pas encore pourquoi il aurait tenu à l’esquiver ; car elle était tout au moins exigée par les lois du pays, et, ne lui donnât-elle aucune grâce particulière, elle ne pouvait en tout cas lui faire aucun mal.,. — Mais il faut se souvenir qu’à cette époque le seul rite en usage était celui de l’ancien Ponlilical, que tout le parti de Cranmer et de Barlow jugeait rempli de cérémonies superstitieuses : c’est même pour cela qu’ils y substituèrent, presque aussitôt qu’ils furent libres de le faire, le rite d’Edouard VI, toujours employé depuis lors dans l’Eglise anglicane. Il n’est donc pas très dilficile d’imaginer Barlow disant au Roi ; « Je pense avec

« Votre Majesté que votre nomination royale suffit à
« me conférer tout ce qui est nécessaire pour le plein
« exercice de la charge épiscopale. Votre Majesté ne
« voudrait-elle donc pas me dispenser de 1 obligation
« de subir une cérémonie de consécration, que j’abhorre

à cause des doctrines superstitieuses que notre Il présent Ordinal contient et exprime ? » El on se représente aussi assez, bien Henri VIII apjirouvant une démarche qui ne tendait qu’à exalter les attributions de l’autorité royale.