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ORDINATIONS ANGLICANES

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leur attente…, les candidats durent essayer d’un nouveau plan : ils eurent recours à Scory, moine apostat qui, sous le règne d’Edouard VI, avait usurpé l’épiscopat sans aucune conséci-ation [en réalité il avait été consacré selon le rite anglican le 30 août 1551]. Cet homme qui, avec l’habit religieux, avait répudié sa conscience même, accomplit l’acte sur-le-cliamp, et voici le rite qu’il employa. Tous s’étant mis à genoux devant lui il plaça à chacun une Bible sur la tête, en disant : Reçois le pouvoir de prêcher sincèrement la parole de Dieu. Et là-dessus tous se relevèrent évêques.

Champney cite ensuite sa source :

J’ai moi-même entendu plus d’une fois toute cette histoire de la bouche du vénérable prêtre Maître Thomas Bluett, homme grave, érudit et prudent, qui disait l’avoir entendue de Maître Neale, homme honorable et versé dans les lettres, jadis professeur d’hébreu à l’Université d’Oiford, lequel, au temps où ceci se passa, faisait partie de la maison de Bonner. évéque de Londres ; c’est lui que Bonner avait envoyé interdire à l’évêque de Llandaff sous peine d’excommunication de procéder à cette consécration sacrilège, et qu’il avait chargé de se renseigner sur les suites de l’afVaire : aussi assista-t-il lui-même à la cérémonie. Et de ce récit on peut avoir autant de témoins que vivent encore, de prêtres ayant été emprisonnés pour la foi au château de Wisbeach avec maître Bluett. Et c’est en ce même lieu que j’ai moi aussi entendu cette histoire de sa bouche.

Les autres narrateurs apportent quelques variantes, mais il semble bien que toutes aient leur origine dans les diverses relations de ceux qui, entre lôgo et 1600, avaient entendu Bluett à AVisbeach. Ces discordances ne sullisent donc pas par elles-mêmes à jeter un doute sur la substance du fait, et bien moins encore à rendre Bluett et les autres suspects de mensonge délibéré, comme le voudraient d’ordinaire les polémistes protestants.

D’autre part, l’histoire n’est guère vraisemblable en elle-même ; et il est bien plus probable que Neal, témoin de l’acte nsalériel qu’il rapporte, lui aura donné une interprétation erronée Aussi n’avoiis-nous eu à nous occuper de cette légende que parce qu’elle se lie à l’histoire de la controverse sur les ordres anglicans. Si on désire plus de détails, on n’a qu’à consulter les ouvrages mêmes qui la mentionnent ; mais elle est certainement inacceptable, car elle ne peut s’accorder avec le fait de la cérémonie de Lambelh. Or, si le mystère qui, durant un demi-siècle, déroba cette cérémonie à la connaissance du public, dut jadis inspirer sur elle, quelque défiance, maintenant que nous avons accès à tous les documents, elle nous est garantie par trop d’indices certains pour que nous puissions encore la mettre en doute.

Sauf quelques points superflus, les arguments apportés dès le début contre les ordres anglicans sont identiques en substance à ceux que devait sanctionner le Saint-Siège. — Mais avant d’apporter les faits qui établissent définitivement, ce nous semble, que la consécration de Lambetli s’accomplit comme la relate le Registre, nous ferons ici une observation : c’est que la légende de la Tête Je chenal n’est pas l’unique motif sur lequel s’appuyail ce Champney, en qui nous pouvons bien voir le premier champion théologique du rejet des ordres anglicans. Dans le traité que nous avons cité, il l’onde son jugement sur cinq raisons distinctes : (i)la vérité de l’histoire de la Tète de cheyal ; (2) le caractère apocryphe du Registre de Lambeth ;

(3) l’absence de consécration épiscopale chez Barlow ;

(4) l’insécurité du rite d’Edouard’VI, en raison de ses nombreuses omissions ; (5) la probabilité qu’il ne contient pas ce qui est essentiel à une forme d’ordi nation valide. De ces cinq raisons, la première, il faut l’avouer, n’a plus pour elle aucun critique compétent, et quant à la deuxième, si Cliampney fut bien excusable d’avoir soupçonné de réponses évasives un texte qu’on ne produisait qu’après un demisiècle, nous verrons que son opinion ne saurait plus se soutenir aux clartés de la science historique moderne. Mais les deux dernières raisons qu’il apporte tiennent bon encore ; seulement, nos connaissances actuelles nous permettentde leur attribuer une force bien plus grande, tandis que la troisième en a été rendue, par des recherches récentes, encore plus convaincante qu’il ne pouvait sembler à Champney. Au reste, ilne sera pas superflu de noter en passantlarègle si justement proposée par Champney comme critère de la validité d un rite sacramentel :

La matière et la forme déterminées de quelques-uns des Sacrements, et celles des Saints Ordres en particulier, ne sont pas si clairement et distinctement déclarées par les Conciles et les Pères, que diverses opinions, fondées sur de graves raisons et autorités, n’aient été tenues et défendues avec une solide probabilité… Si donc les uns enseignent que l’imposition des mains est l’unique matière de rOrdiîiation (ce que pourtant je ne trouve formellement athrnié que par un seul des auteurs modernes), si d’autres y ajoutent l’onction d’usage en cette cérémonie et la tradition des instruments, aucune de ces opinions n’est ni certainement vraie ni certainement fausse, mais chacune n’a qu’une probabilité de vérité, proportionnelle à la nature et à la valeur des principes d’où elle est déduite. Et tandis que, de l’accord de tous, la forme des saints ordres consiste dans les paroles qui se prononcent en même temps qu’est appliquée la matière, il existe une semblable incertitude touchant les mots précis qui constituent cette forme…

L’Eglise, ajoute Champney, ne subit (du fait de cette incertitude) aucun mal ou dommage : car elle sait assurément qu’elle possède dans sa liturgie la matière et la forme authentiques prescrites aux Apôtres parle Christ, bien que nul ne puisse déterminer en quelles choses et paroles elles consistent exactement… Il suffit pour cela qu’on n’omette aucune partie du rite dont l’Eglise a coutume de se servir en l’administration de ses sacrements et dans lequel tous reconnaissent d’un commun accord la présence de cette malière et de cette forme. Mais si quelqu’un s’obstinait à ne vouloir suivre que soei propre avis et à exclure de l’administration des dits sacrements toutes les choses, actions et paroles, que personuellement il ne croit pas essentielles, il rendrait ces sacrements douteux etpar suite infligerait à l’Eglise le tort le plus grave (op. cit., pp. 413).

Voilà, énoncé en bref par Champney, comme la loi pratique établie dans l’Eglise, ce même principe que Morin. écrivant quelques années plus tard, devait, nous l’avons vu, énoncer et constater à son tour. ~

El ce que nous disons ici de Champney, il faut le dire aussi des autres controversistes catholiques qui écrivirent contre les ordres anglicans au svii « siècle et au xviiio. Je n’ai pu, il est vrai, examiner le De investigatione veræ et visibitis Christi Ecclesiæ de Christophe Holvwood, ouvrage publié en 1604 et où, dit-on, se rencontre pour la première fois la légende de la Tête de cheval. Je ne saurais donc dire si, en plus du passage qui traite de ce sujet et que reproduit le Df F. G. Lee (Valuiity, p. igS), il apporte d’autres arguments contre les ordres anglicans. Pour Kellison par contre, si je n’ai pu consulter son^j-amen noi’aelteformationis, publié en 1616 et pareillement cité par Lee comme donnant la même histoire, il est sur du moins que dans son ouvrage antérieur, An Eiiglish Sul^^e^, il donne un autre argument : l’absence de toute croyance à la prêtrise et au sacrifice. FiTz Simon, dans sa Britannoniachia publiée en 1614 (p Sig), faisant allusionaux Vindiciæ de Mason qu’il vient de recevoir et où il a vu alléguer le