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MARIAGE ET DIVORCE

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Christ. A ce titre, l’Eglise n’a garde de toucher à ce qui constitue la substance du sacrement. Mais celui-ci, par ailleurs, est idenlilié avec le contrat entre chrétiens : c’est le contrat élevé. Or, d’une part, il est nécessaire, on l’a vii, que ce contrat, ayant une existence et une portée sociales, soit réglementé par l’autorité sociale. D’autre part, Jésus-Christ, en établissant que le contrat revêtirait la dignité et l’efTicacité du sacrement, n’a prétendu que sanctifier ce contrat légitime et valide, et nullement en déterminer lui-même les conditions de validité et de légitimité. Ce soin demeure confié à l’Eglise : à elle de régler les formalités du contrat, de préciser les capacités ou les incapacités des contractants. C’est le londemenl du pouvoir de constituer des empêchements du mariage : les uns, dirimants, qui le rendent invalide ; les autres, proliibants, qui le rendent illicite, sans toucher à sa valeur.

De ces empêchements, les uns sont imposés par le droit naturel, à tel point que nulle autorité ne peut y toucher, pour les supprimer ou en dispenser dans un cas particulier : tels sont l’impuissance, le défaut de consentement, l’erreur sur la substance du contrat ou sur la personne même du contractant, etc. D’autres sont une conséquence de la législation primitive, rétablie par le Christ : ainsi l’incapacité de contracter un second mariage, tant que subsiste le premier lien conjugal. D’autres enfin sont d’institution purement ecclésiastique. Telles sont la plupart des incapacités créées à raison de la consanguinité, à raison de l’allinité légale ou spirituelle, des vœux solennels de chasteté ou des ordres sacrés, la nullité pour défaut de certaines conditions de publicité. Mais que leur origine soit divine ou ecclésiastique, qu’ils soient simplement prohibants ou dirimants, tous ces empêchements ont un caractère commun : ils sont puissamment fondés en raison, ou sur la nature du contrat, ou sur les lois de la vie même physique, ou sur les lois qui garantissent l’ordre social, sur de hautes convenances naturelles, sur la sécurité des familles, sur les intérêts moraux et religieux des conjoints.

Une ([uestion se pose ici : que deviennent, en face du mariage chrétien, les droits assez étendus que l’on a reconnus à l’Etat civil sur le mariage des non-chrétiens ?

Celui-là, comme celui-ci, touche à des intérêts civils ou sociaux dont la garde appartient en propre à l’Etat, et sur lesfjuels l’Eglise n’élève aucune prétention. Que l’Etat exige des conjoints notification et enregistrement des mariages conclus ; qu’il sanctionne de son pouvoir le contrat et lui assure ses eiTets dans le for civil ; qu’il ordonne ce qui regarde les régimes successoraux au point de vue des biens et des titres et, en général, tout ce qui est du domaine purement civil, c’est son droit. Mais qu’il laisse à l’Eglise tout ce qui met en cause la valeur même du lien conjugal ou les effets moraux et sociaux, qui en sont une conséquence immédiate et nécessaire. A elle donc, par sa législation, de régler les formalités de la célébration du mariage requises pour la valeur ; d’établir les divers empêchements ; de garder en main, dans les limites de son pouvoir divin, l’économie de l’indissolubilité du lien, de la séparation conjugale. A elle de prononcer, en juge souverain, sur la validité ou la nullité du lien, sur les causes de rupture ou de séparation, etc.

Sans doute, la plupart de ces points ne sont pas indifférents aux intérêts, même civils, de la société naturelle. Mais la question ne se résout point par cette seule considération. Quand il s’agit de mariage chrétien, il faut se souvenir que, le contrat étant identifié au sacrement, l’Etat ne peut atteindre le

premier sans porter une main sacrilège sur le second et sans entreprendre sur l’administration des sacrements ; ([ue, pour mixte que soit cette matière, elle est, par ordre de dignité, avant tout religieuse et sacrée et que, comme telle, elle appartient en premier lieu à l’autorité religieuse ; qu’elle doit lui appartenir exclusivement, sous peine d’être l’objet de perpétuels conflits — une puissance déclarant nulle telle union que l’autre déclarerait valide, la première regardant comme criminelles des relations que la seconde tiendrait pour légitimes et obligatoires, etc.

L’Etat peut d’ailleurs s’en remettre à l’Eglise pour la bonne ordonnance du mariage. Et puis, s’il a des intérêts occasionnels à l’aire valoir, « l’Eglise, dit LÉON XIII, est toute prête à se montrer accommodante et condescendante en tout ce qui est compatible avec ses droits et ses devoirs. Aussi, dans ses lois sur le mariage, elle a tovijours tenu compte de l’état et des conditions des peu[)les, n’hésitant pas, quand il y avait lieu, à adoucir sa propre législation. » Elle ne demande, c’est encore Léon XIII qui parle, qu’à poursuivre sa tâche dans « l’union, la concorde et une sorte d’harmonie. » (Encycl. Jrcanum.)

Il" Attaques contre l’Eglise â l’occasion du mariage. — La discipline matrimoniale et l’exercice des droits et devoirs de l’Eglise en cette matière ont été l’objet d’attaques plus ou moins grossièrement erronées. Examinons-en quelques-unes.

a) Divorces de complaisance. — On reproche parfois à l’Eglise des annulations ou des divorces, accordés par complaisance ou à prix d’argent.

Réponse : i) Si l’Eglise avait eu des raisons de se montrer complaisante, c’est assurément envers les souverains qu’elle avait tout intérêt à gagner. Or elle a été inexorable envers ceux dont la cause était inique. Il n’y a qu’à étudier, dans l’histoire, la conduite de Nicolas l" envers Lothaire, d’Urbain H et Pascal III envers Philippe II de France, de Clément’VU et de Paul III envers Henri’VIII d’Angleterre, de Pie’VU envers Napoléon <". (Voir, plus haut, l’art. Divorck des princes.)

2) Quant on parle d’annulations, il faut bien distinguer les causes dont il s’agit.

Les ruptures de lien par usage du privilège paulin se font dans les pays de missions, à peu près exclusivement, et sans frais. On sait que les missionnaires assistent leurs fidèles, plutôt qu’ils n’en sont assistés : donc aucune complaisance à redouter pour cause de vénalité.

Les causes de déclaration de nullité se jugent d’ordinaire, en première instance, dans les cours diocésaines. En cas de doute ou d’appel, elles sont portées à Rome. Dans les cours épiseopales, les juges sont tenus par serment déjuger selon leur conscience. Si la sentence ne semble pas équitable, ou si le cas parait simplement douteux, le défenseur du lion matrimonial doit d’oj]ice et en conscience faire appel à un nouveau jugement, ou recourir à Rome. Les parties intéressées ont ce même droit.

A Rome, quel rôle peut jouer la complaisance, puisque les juges ne connaissent pas leurs clients ? Quel rùle peut jouer l’argent, puisqu’il ne revient aucun émolument aux juges, quelle que soit la sentence ? En dehors des frais de chancellerie, pour la rédaction et l’expédition des actes, il n’y a de payés que les avocats des plaideurs. Les tarifs ont été renouvelés par une Loi propre de la liute et de la Signature Apostolique, en date du 29 juin 1908. On peut en voir le détail dans les Acta Jposlolicae Sedis.n" i, « janvier 1909, p. S’i. On constatera que, sans condamner ses employés à mourir de faim.