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ORDINATIONS ANGLICANES

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d’Edouard VI : il en examina le propre texte dans un exemplaire authentique et complet. Car ce même exemplaire, expédié en 168^ par ïanari et conservé depuis lors aux archives du Saint-Ollice avec tout le dossier de l’airaire, fut mis aux mains des enquêteurs de 1896 durant les séances de leur Commission. L’autre point à noter dans le %'otiim de Casanala, c’est le sens exact de l’argument que lui fournit la suppression dans la liturgie anglicane de tout ce qui ressemblerait à la tradition des instruments. Car on a suggéré qu’au milieu du xvi' siècle les autorités romaines avaient dit nécessairement s’en référer pour cette question au Decrelum pro Armenis, et par suite tenir pour invalide tout rite qui omettrait cette cérémonie ; mais qu’ensuite cette opinion était devenue intenable eu face des données nouvelles apportées en 165Jparle grand travail de Morin : De.Sacrj’s Ordinationiius. Or dans son yotum de 1685, comme on a pu en juger par l’extrait reproduit plus haut, Casanata, écrivant après l’apparition de cet ouvrage, sejuionlre parfaitement au courant de la question. Il concède que les rites orientaux, dont le texte a été par ses ordres soumis à un examen spécial, sont certainement valides malgré l’absence de toute tradition d’instruments ; mais il déclare qu’ils le sont parce que, dans leurs prières sacramentelles, ils parlent claii’ement d’un pouvoir sacrilîcaloire, tandis que la liturgie anglicane, non contente d'éliminer à dessein cette cérémonie où ses auteurs voyaient le symbole de ce pouvoir exécré, ne voulut rien introduire en sa place pour déterminer au sens particulier de la collation des ordres ce geste de l’imposition des maiqs, si vague pourtant par lui-même et tout aussi approprié jiour le sacrement de confirmation ou pour celui de pénitence.

Ou ne saurait du reste accorder que, même avant la publication du travail de Morin, les autorités romaines aient été incapables de concevoir un rite d’ordination valide sans tradition d’instruments. Deux siècles avant l’apparition de cet ouvrage, un concile s'était tenu à Florence qui avait réalisé l’union des Eglises orientales avec celle d’Occident ; et si cette union ne se montra guère durable — du moins avec le gros de ces Eglises —, elle avait eu en tout cas pour effet de faire examiner, discuter et admettre les rites d’ordination orientaux. On reconnut leiu- pleine validité ; on permit d’en continuer l’usage ; et jamais le Saint-Siège, soit à celle époque, soit plus tard en réglant la liturgie uniate aux pays rulUènes ou ailleurs, ne leur demanda de compléter les cérémonies anciennes en y ajoutant la tradition des instruments. Et même avant le Concile de Florence, il ne faudrait pas s’imaginer l’Eglise latine plongée dans une si entière ignorance des liturgies orientales que ce trait particulier de leurs rites d’ordination ail dû échapper à ses théologiens. Ne disons rien du précédent concile d’union lenu à Lyon en 1274. où cependant le même contraste entre les deux types de liturgie avait dû s’imposer à l’attention des Pères, et n’avait pas provoqué de la part des Occidentaux la moindre protestation. Mais auparavant même et depuis des siècles, on pouvait voir aux portes de Rome le monastère grec de Grolia Ferrata, peuplé de moines grecs et qui suivaient le rite grec tout en restant en parfaite communion avec le Saint-Siège. Interrogeons plutôt Morin luimême. Au chapitre vui" de la I" partie de son grand ouvrage, il oppose entre elles la conduite des Grecs et celle des Latins à l’origine du schisme de Cérulairc :

Scopus igitur noster hic est demonstrare Ecclesiom Homaaan :  ! , a data auni salutis 1053 epocha, nihil obstan tibus Græcorum injuriis et calumniis, Græcos ad catholicam Ecclesiam redeuntes in ordinibus quos apud suos l’itu græco accepci-ant admisisse, nuUa nova ordinalione inducta ; episcopos Giæcos episcopalia, sacerdotes sacerdotalia, diaconos quæ ad diaconum pertinent, Pontificum approbatione aut etiam provocatione exercuisse, non modo in Græcia, quod scopo nostro abunde eufficeret, sed etiam in ipsa Roma ceterisque Latinorum ecclesiis.

Et Morin cite saint Léon IX — le pape dont se sépara Cérulaire —, Célestin 1Il et Innocent III, pour prouver que telle resta toujours, malgré le schisme, ratlitude et la conduite des papes envers les Orientaux.

Prétendre, en face de pareilles données historiques, que la tradition des instruments ait jamais constitué aux yeux du Saint-Siège une condition essentielle de toute ordination valide, une condition dont l’absence suflisait à convaincre un rite de nullité, c’est une assertion parfaitement gratuite et parfaitement inadmissible. Û'aulre part, l’Eglise latine ayant depuis très longtemps fait servir cette cérémonie à dclinir de manière si précise la nature du pouvoir conféré, on s’explique aisément que son omission dans le rite latin ait pu inspirer quelque inquiétude à ceux mêmes qui reconnaissaient la valeur des rites orientaux où elle était inconnue. Et, comme l’Eglise, dès que la validité de ses sacrements se trouve en cause, choisit toujours le parti le plus sûr, on conçoit que dans les cas où cette omission se serait produite, elle oblige à répéter l’ordination sous condition. On peut démontrer que cette règle a été imposée par le Saint-Siège à partir de l’année 1604 ; et l’on peut tenir pour certain qu’elle était déjà en vigueur bien auparavant. Nous comprenons maintenant ce que veut dire Léon XIU quand, dans sa bulle, il conclut que la raison pour laquelle les ordres anglicans de Clément Gordon furent déclarés nuls n’a pu être l’absence de la tradition des instruments dans le rite de consécration : « lune enira præscriptuni de more i( essel ut ordinalio sub conditione instauraretur ». Nous le comprenons d’autant mieux que nous connaissons par Casanata l’avis donné au Saint-Office en 1685 et en 1704. et par lequel on l’engageait à déclarer ces ordres nuls parce que le rite anglican ne contenait aucune formule pour signifier l’intention d’administrer celui-ci plutôt que celui-là des trois ordres sacrés, ou même pour spécifier qu’on conférait le sacrement de l’Ordre plutôt que celui de Confirmation ou de Pénitence. Et remarquons à cette occasion que l’on peut appliquer le même raisonnement à la condamnation du rite anglican par Jules III, Paul l ou le Cardinal Pôle.

Histoire de la controverse théologique sur les ordres anglicans. — Pour déterminer l’attitude que prit le Cardinal Pôle sons le règne de Marie Tudor à l'égard des ordres anglicans administres sous Edouard VI, et celle qu'à partir de lôôg, date du rétablissement de ces ordres, les autorités de l’Eglise catholique conservèrent toutes les fois que les désirs de vie ecclésiastique d’un ministre converti les obligeaient à une décision, nous n’avons jusqu’ici apporté d’autre preuve que des documents officiels : nous voulons dire les actes authentiques du SaintSiège, du Sainl-OlEce ou des prélats catholiques agissant sous l’autorité et par les ordres du Pape. Rome d’ailleurs n’arrête son jugement qu’ai>rès ie plus soigneux examen de tous les témoignages mis à sa disposition par ses consulteurs, qui eux-mêmes ont été les chercher dans toutes les sources utilisables pour les consigner dans des rapports. Et ces rapports sont ensuite précieusement conservés parmi les archives des Congrégations — dans le cas présent