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ORDINATIONS ANGLICANES

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ment élre tenue pour nulle, et le sujet devrait être réordonné par son ordinaire, (5) Le bref du 30 octobre explique que les termes « ovéques non dûment et correctement

« ordonnés » visent ceux et ceux-là seuls qui n’ont pas été

ordonnes et consacrés selon la forme de l’Eglise. v6 ; Le sommaire dont la bulle ^/)os<o/r"ræ cutæ ne fait pas mention nous intéresse par le litre suivant ; « Dispenses (accor « dées par le Révérendissime Légat et dont on demande <( la ratification) pour des personnes ecclésiastiques, soit a séculières, soit membres des divers ordres religieux,

« afin qu’elles puissent être promues tant aus ordres

II qu’aui bénéfices invalidemeut (nidliter) l’eçus pendant II le scbisme.)>

Quand on rapproche les uns des autres tous ces passages, il devient tout h fait évident qu’il y avait à cette époque certains ministres du culte faisant fonction d'évéques, de prêtres et de diacres, qui pouvaient désirer se réconcilier avec l’Eglise, mais dont les ordres étaient tenus pour invalides : et la cause de cette invalidité, t'était, à l’origine de ces ordres, la substitution d’une certaine forme ou d’un cerlain rite ii la « forme de l’Eglise ». Or cette « forme de l’Eglise », dont il' s’agit, est manifestement la forme prescrite dans le Pontifical, telle qu’elle li-urait dans l’un ou l’autre des testes quasi identiques usités en Angleterre jusque vers ce temps. La forme qu’on lui oppose ne peut donc élre que celle d’Edouard VI, quiavail, au su de tout le monde, supplanté la forme traditionnelle propre à l’Eglise catholique. Telle est la conclusion très sage que tire la bulle ApostolUae curae, en remarquant que, si l’on supposait visée dans ces documents une autre forme que celle d’Edouard VI, on devrail supposer que les lettres du Pape et les autres ne fuisaicnl point allusion aux besoins réels de leurs destinataires.

Les preuves données sur ce point suffisent amplement à emporter la conviction ; mais il y en a d’autres encore pour les confirmer, et dans un article comme celui-ci on ne peut se dispenser de leur accorder au moins une mention sommaire. Ces ecclésiastiques qui ont besoin d'être ordonnés à nouveau, si par ailleurs l'évêque du diocèse les y juge aptes et trouve qu’ils réalisent les conditions requises, les décrets de Marie Tudor du 4 mars ! 554 nous les décrivent comme « toutes personnes ci-devant pro « mues à quelque ordre d’après la noin^eUe espèce et a manière d’orJres, considérant qu’elles n’ont pas été a ordonnées en toute réalité (in rery deed) ». Ici l’Ordinal nouveau est directement désigné comme cause de la nullité des ordres conférés. Il est vrai que ces décrets furent publiés avant la venue de Pôle, lequel ne fut institué légat que par une bulle du 8 mars suivant, et n’expriment par suite que l’opinion de la Couronne ; mais outre que cette opinion se fonde sans aucun doute sur une correspondance avec Pôle et sur les commentaires qu’en ont fait des ecclésiastiques orthodoxes et experts, comme Gardiner et Bonner, elle suffit en tout cas à nous montrer quel était le vice dont on croyait fermement le rite d’Edouard VI entaché ; et nous pouvons par là saisir plus clairement encore le point visé par le Saint-Siège dans la condamnation subséquente. — De même nous voyons Bonner dans son Profitalile and Necessary Doctrine (publié en 1554 ; voir Bonner dans Calh. Encycl.) faire allusion à ces mêmes personnages pour les qualifier de « ministres récemment

« institués en temps des chisme, d’après l’ordination
« qu’on a nouvellement inventée… [lesquels] ont très
« pitoyablement abusé le peuple de ce Royaume, qui
« par ce moyen a été frustré des très sacrés Corps et
« Sang du Christ notre Sauveur… et aussi du sacri « fice de la Messe. » —.ulre indice encore : lorsqu’en février 1555 Thirlby. Montague et Carne furent

envoyés en ambassade par Pôle à Paul IV, pour lui expliquer l’usage fait par le Cardinal des pouvoirs de légat qu’il tenait de Jules II, et pour obtenir que le Saint-Siège, s’il approuvait les mesures adoptées,

voulût bien les confirmer et les prendre à son compte, les ambassadeurs n’emportèrent pas seulement le sommaire que nous avons mentionné i)lus haut et qui leur rappelait les décisions à faire ratifier : ils, y joignirent une copie des parties essentielles de l’Ordinal d’Kdouard VI (voir, pour le texte de ces extraits, Lacey, Roman Diary, p. 181), aûnque Rome piit ainsi juger par elle-même du bien-fondé de ces décisions. Le P. Brandi, dans son Home et CantorbérvÇp. 71) cite les Archives du Vatican (71'(i/i//n<Hra di Inglttlterra, III, io3 et Bililiotheca l’ia, 2^0) pour attester que l’examen eut lieu. Au reste, la nature même de la question siiflit à nous en assurer : comment supposer que Paul IV ait voulu confirmer de son autorité des assertions et des décisions semblables, sans les avoir d’abord examinées avec soin ? Et lui-même d’ailleurs nous en avertit équivalemment dans la bulle Præclara charissimi en accordant la confirmation demandée : « Nos… præmissis omnibus cum nonnullis ex iisdeni foiribus nostris, ipsius

« Romanæ Ecclesiæ Cardinalibus propositis et

n diligenter discussis, habitaque desuper delibe « ratione matura, singula… prædicta auctoritate

« Apostolica ex certa scientia approbanms et confir « mamus. » 

Attitude pratique des autorités catholiques â l'égard de ces ordres sous Marie. — La conduite qu’on tint dans la suite fut en parfait accord avec cette réponse de l’autorité. Noivs voj’ons (et la Vindication ne manque pas de le noter) que lorsque se jugèrent les accusations d’hérésie et les autres portées contre les évêques et le clergé d’Edouard VI, les condamnés furent régulièrement dégradés de tous les ordres qu’ils avaient reçus selon le Pontifical, tandis qu’on dédaignait comme inexistants tous ceux qui leur avaient été conférés selon l’Ordinal nouveau. C’est ainsi que Cranmer, Latimer et Ridiey, consacrés tous trois d’après le vieux rite, se virent dégrader de l'épiscopal ; Hooper fut dégradé de la prêtrise qu’il avait reçue lui aussi au mode ancien, mais non de l'épiscopat qui lui avait été conféré selon la liturgie nouvelle. Le cas de Ferrar est d’un intérêt spécial : il avait été consacré évêque par Cranmer et Ridiey à Chertsey le 9 septembre 1548, donc plus d’un an avant que fût imposé l’usage de l’Ordinal d’Edouard VI ; et cependant nous voyons qu’il fut dégradé du rang sacerdotal seulement. La conclusion s’impose : d’une manière ou de l’autre, les juges devaient avoir appris que cette consécration avait été accomplie par l’emploi d’une forme invalide. Et la chose se trouve précisément confirmée par le caractère suspect de la mention que fait de cette cérémonie le Registre de Cranmer. « Idem Menevgn<t sis, porte-t-il, lectis publiée comraunibus suffragiis » de more Ecclesiæ anglicanæ usitatis, consecratus Il et benedictus per impositionem maniium Episcopo « rum prædictorum fuit. » Il est dit qu’on récita ensuite quelques Psaumes, Hymnes et Prières, que la Sainte Communion fut consacrée en anglais et distribuée par le prélat consécrateur aux évéques présents, y compris celui qui venait d'être consacré. Ces détails ne s’accordent guère avec les rubriques d’une consécration épiscopale telles que les règle le Pontifical. Au contraire ils entrent parfaitement dans le plan d’un service de consécration anglican, comme celui que les lois d’Edouard VI devaient bientôt imposer dans tout le pays. Il faut donc présumer qu’en cette occasion les intéressés avaient d’un commun accord substitué au rite traditionnel un autre rite, identique en substance à celui qu’on projetait déjà d’introduire et qu’on rendit obligatoire peu après. (Voir pour le texte de la mention du Registre