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ORDINATIONS ANGLICANES

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le plus iiulic|ué pour ce conciliabule des novateurs : et il avait obtenu d’Edouard VI « une promesse de permission et de protection ». Aussi envoya-t-il aux membres les plus éniinents des communions réformées de Suisse, de France et d’Allemagne, c’est-à-dire à BuUinger, Calvin et Mélanchlhon, des lettres où il leur communiquait son plan, en demandant leurs conseils et leur concours. (Lettres de Zurich, vol. I, lettre cxxi, p. 263) — Que ces assertions de Slrype soient exactes, du moins en substance, c’est ce que prouvent plusieurs lettres de Cranmer, contenues soit dans les éditions de ses œuvres, soit dans les deux premiers volumes des Lettres de Zurich. Par exemple, dans une lettre du 4 juillet 1548 adressée à Jean a Lasco et où il lui exprime son regret de ne l’avoir pas vu encore passer en Angleterre, Cranmer déclare qu’il en voie à Mélanclithonvine troisième lettre pour le presser de venir au plus tôt. Il y dit aussi qu' « alin de mettre à exécution cet important des « sein [il a| cru nécessaire de recourir à l’assistance (( de savants qui, ayant comparé leurs opinions entre <r elles, pussent en finir avec toutes les controverses

:. doctrinales et construire un système complet de

.. doctrine vraie » ; et il ajoute : o C’est pourquoi nous

« vous avons invité, vous et plusieurs autres savants ; 
« et, comme ils sont passés chez nous sans faire de

i d’amener à une entente les différents réformateurs. La même e.xpérience se renouvela au temps dont nous parlons : le congrès obtint cependant un certain résultat local : il aboutit aux quarante-trois Articles anglais de 1553, qui sont apparentés à la confession d’Augsbourg de Mélanchthon.

Mais ce qui nous touche directement, c’est la provenance des nouveaux Prarer Books d’Edouard VI ; et c’est là, peut-il sembler, une bien autre affaire. Toutefois, et quoique nous en aj-ons trouvé peu de traces dans les lettres échangées alors au sujet de cette mesure plus générale qu'était la rédaction d’un corps complet de doctrine, nous pouvons être sûrs qu’on ne fabriqua pas la nouvelle liturgie sans consulter ces illustres étrangers, invités en Angleterre pour y apporter leurs conseils. Et nous ne constatons que ce que nous eussions pu prévoir, quand nous voyons Richard Hilles écrire le 4 jui" '549 — c’està-dire peu de jours après la mise en usage du premier Prayer Book — au calviniste suisse Henri BuUinger une lettre où se rencontrent ces mots :

« C’est pourquoi — maître Jean Butler [le porteur de
« la lettre] en informera votre Révérence plus coni<i plètement d’après ma lettre, — nous avons une

o célébration uniforme de l’Eucharistie dans tout le

« royaume, mais à la manière des églises de Nurem « berg et de certaines de celles de Saxe ; car on ne se

n sent pas encore disposé à adopter vos rites [les

« rites calvinistes] au regard de l’administration des
« sacrements… Ainsi nos évêques et gouvernants
« semblent agir comme il convient, au moins pour le
« présent, puisque, pour sauvegarder la paix publiII que, ils évitent ce qui pourrait choquer les Luthé « riens, tiennent compte de vos très doctes théolo « giens allemands, et leur soumettent leur jugement
« tout en retenant quelques cérémonies papiques. » 

{Lettres de Zurich, vol. I, p. 2C5, Richard Hilles à Henri BuUinger, Londres, 4 juin 15.'19) BuUinger était calviniste, comme l'était aussi, à ce qu’il semble, ce Hilles, marchand anglais, ami de Cranmer et son homme de confiance, qui avait longtemps vécu à Strasbourg et était entré dans l’intimité d’un bon nombre de réformateurs allemands. Le mais de la lettre que nous venons de citer exprime le déplaisir que causaient à ces calvinistes quelques points de la nouvelle liturgie. Dans l’ensemble pourtant ils l’approuvaient, comprenant les difficultés que ses rédacteurs devaient rencontrer dans l’hostilité d’un paj’s encore attaché aux rites et aux doctrines catholiques ; et d’ailleurs ils gardaient l’espoir de voir l'œuvre amendée quelque jour en un sens plus conforme à leurs opinions.

La << Formula Missæ » de Luther. — Beaucoup de raisons ])urent incliner Cranmer à s’inspirer de ce modèle de Nuremberg dans la rédaction de son livre d’oCBee anglais. La Formula Missæ et Commiinionis pro Kcclesia Jl’ittembergensi, écrite par Lutuer en 1623 et traduite ensuite en langue vulgaire, avec quelques légères modifications sans importance pour nous, dans sa Deutsche Messe de 1626, constituait le prototype auquel se conformèrent les diverses Kirchenorduungen des quelques années qui suivirent ; non point qu’elles en reproduisissent mot à mot les prières, car ce n'était pas là aux yeux de Luther une chose essentielle ; mais elles se réglaient sur les principes qu’il y avait posés et qui déterminaient les changements à introduire dans l’ancienne liturgie de la messe pour qu’elle s’adaptât à ses théories. Le missel de Nuremberg-Brandebourg, composé par Osiander, premier pasteur de Nuremberg, et Jean Brenz, premier pasteur de Halle, fut mis en usage à Nuremberg en 1533. Si l’on se rappelle que cette messe nurembergeoise fut un des plus importants succédanés de la Formula luthérienne de Wiltemberg ; que Cranmer, qui devait bientôt épouser en secondes noces la nièce d’Osiander, se trouvait l’hôte de celui-ci à Nuremberg peu avant l’introduction du nouveau missel ; qu’il a même pu, par suite, avoir son rôle dans les discussions qui aboutirent à le constituer ; qu’il prenait aussi à cette époque uiî intérêt spécial à la forme provinciale de service divin suivie alors dans la ville, et qui était marquée des mêmes caractères que celle qui allait (voir le témoignage de Sir Thomas Eliot dans sa lettre au duc de Norfolk du 1 4 mars 1553, ap.EtLis, Original Lett.) la remplacer, — on comprendra sans peine que Cranmer ait pu, quelque vingt ans plus tard, vouloir iiâtir sur ce modèle son propre rite anglais.

Nouvel indice parallèle : les Reviseurs anglais semblent s'être servis delà /'j’a Consultatio, aiu{re Kirchenordnung du même genre, rédigée quatre ans plus tôt par Mélanchthon à l’usage de la ville de Cologne, sur la demande de l' Archevêque-électeur, l’apostat 1 Ilermann de Wied. Or ce prince avait voulu que la liturgie de Nuremberg servit de liase à la liturgie réformée qu’il projetait pour Cologne, laquelle en porte effectivement des traces, — tout comme aussi le Prarer Book porte des traces de la liturgie de Cologne, principalement dans certains de ses rites secondaires, tels que l’administration du Baptême et de la Confirmation.

Nous ne pouvons omettre de mentionner encore, toujours pour établir le même emprunt, un détail