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MARIAGE ET DIVORCE

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opposée à la poljfjynie. Celle-ci toutefois, par dispense divine accordée direclement au |)euple juif et indirectement étendue aux autres peuples, fut permise après le déluge, afin de favoriser le développement de la race ûdèle. (Detit., xxi, 1516 ; cf. xvii,

Le Christ, en proclamant de nouveau la loi de la monogamie, ne fit donc que suiiprimer une dispense concédée à titre transitoire et ramener l’humanité à l’intégrale observance de la loi naturelle. Cette restauration de l’unité du lien conjugal ressort des textes évangéliques classiques (Mutlh., v, 3a ; xix, g ; Mair., TL, II ; Luc, xvi, 18) : celui-là vit dans l’adultère qui, son premier mariage subsistant, prend une seconde femme. Ainsi que leremarque le Catéchisme du Concile de Trente (P. II, c. viii, § 19), s’il était permis de prendre plusieurs femmes, on ne voit nullement pour quelles raisons on taxerait plutôt d’adultère celui qui prendrait une nouvelle femme, tout en renvoyant la première de sa maison, que celui qui en prendrait une seconde, tout en gardant la première.

Révoquée pour les fidèles, la polygynie l’est aussi pour les infidèles, puisque le Christ a parlé d’une manière générale et qu’il a voulu ramener le mariage à la perfection primitive de ses lois. Les documents émanés du S. Siège, en particulier les Insinictions du S. Ollice (par exemple celles du 28 mars 18C0), aussi bien que la pratique adoptée à l’égard des polygames convertis, ne laissent aucun doute sur ce point : si le premier mariage d’un infidèle a été valide, tous les mariages suivants sont tenus pour nuls.

C) Indissolubilité. — Nous avons vu dans quelle mesure l’indissolubilité du mariage est conforme à la loi naturelle. A celle-ci, historiquement, est venue s’ajouter, dès l’origine de l’humanité, une loi positive divine, formulée dans ces paroles d’Adam : « L’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme et ils deviendront une seule chair. » (Gen., II, 24.) Ils ne seront donc pas plus divisés que n’est divisée la chair d’avec elle-même. C’est bien ainsi que le Christ l’entend. Quand les pharisiens lui demandent si l’homme peut répudier sa femme pour une raison quelconque, il les renvoie aux paroles citées de la Genèse, et il conclut : « Ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas. » (Matt., xix 6.)

Au début, donc, la loi naturelle et la loi positive sanctionnent l’indissolubilité dans une mesure et avec une force qu’il faut préciser ici. Quand l’Eglise catholique proclame le divorce contraire à la loi naturelle, elle entend enseignerque ni les conjoints eux-mêmes, ni aucune autorité civile, en vertu de son pouvoir propre, ne peuvent dissoudre le mariage. Ellene prétend pas que le régime de l’indissolubilité est nécessaire au point que l’intervention divine n’y puisse rien changer. L’indissolubilité est requise, nous l’avons dit, à cause des intérêts de la race humaine, auxquels nuirait gravement le divorce, et que nul pouvoir humain n’a le droit de compromettre. Mais il n’est pas interdit à Dieu, dans un état social où en effet les dangers sont moins graves, et surtout sous le bénéfice d’une providence et de précautions spéciales, de confier à une autorité civile ou religieuse le pouvoir d’accorder le divorce en certains cas.

En réalité, Moïse, au nom de Dieu, accorde aux Juifs — et indirectement les autres peuples reçoivent même dispense — la faculté du divorce (/> « » ?., XXIV, 1-4). Le motif du divorce est assez indéterminé : propter aliqnam foeditatem, quelque chose de repoussant. Malgré cette imprécision, grâce à la sévérité des mœurs et à l’influence des lois religieuses,

les divorces paraissentavoir donné lieu à peu d’abus chez les Juifs. A l’époque où fut prêché l’Evangile, Schammaï et son école n’accordaient la faculté de divorcer que pour le cas d’adultère. L’école de Hillel, au contraire, l’acco’-dait pour des raisons lieaucoup plus nombreuses et plus légères. Mais au moment où les abus commencent à s’introduire, la concession accordée propter diiritiam cordis, à cause de la dureté des mœurs, va être révoquée.

Le Christ ramène le mariage à la loi primitive et naturelle de l’indissolubilité. Il ne peut y avoir le moindre doute, si l’on consulte les textes de S. Marc (x, 14) et S. Luc (xvi, 18), ainsi que les Epitres de S. Paul (tto/n., VII, 2, 3 ; I Cor., vii, lO, 11) : le mariage ne se dissout que par la mort du i)remier conjoint et toute union contractée durant le premier mariage est un adultère.

Les deux passages de S. Matthieu, qui paraissent soulever des difiicullés sérieuses, ne contredisent pas cette doctrine. Pour comprendre le texte du chap. v, 32, il faut de toute nécessité le situer dans son cadre, le Discours sur la monlaftne, ch. v-vii..lésus y proclame, sous une forme qu’il semble parfois vouloir rendre paradoxale (relire en ])artieulier les Béaliiiides), la supériorité du nouvel idéal proposé et de la perfection morale, de la justice qu’il exige (v, 20) pour entrer dans le royaume descieux. On a défendu aux anciens le meurtre, l’adultère (v, 27) ; Jésus défend, sous peine de châtiments sévères, de géhenne, de s’emporter contre son frère, de lui dire « raca », de l’appeler fou ; il ordonne de s’accorder avec lui ; il considère comme adultère celui qui regarde une femme avec convoitise. Il veut, non seulement qu’on évite le mal, mais même le danger, l’occasion de le commettre : « Si ton œil droit te scandalise, arrachele et jette-le loin de toi… » (v, 29). Et dans cette même pensée d’opposition, il parle du mariage. « Il a été dit : quiconque renvoie sa femme, qu’il lui donne un acte de divorce. Et moi je vous dis : quiconque renvoie sa femme, hors le cas d’impudicité, 1.1 rend adultère ; et quiconque épouse la femme renvoyée, commet un adultère. »

Veut-on traduire ce texte en ce s^ns-ci : « Quiconque divorce, en dehors du cas d’adultère — où cela demeure permis… », le verset 82 est en flagrante contradiction avec tout le contexte desch.v-VII, avec tout l’esprit du discours sur la montagne : Jésus se ravale au rang du rabbin Schammaï. qui accorde, avec son école, le divorce pour cause d’adultère.

Au contraire, la continuation de l’opposition, poursuivie comme à plaisir, entre les lois anciennes et nouvelles, exige à l’évidence l’abolition du divorce mosaïque, une restriction aussi absolue que possible dans la loi de l’indissolubilité. La pensée complète du nouveau Maître pourra s’exprimer ainsi :

« Et moi, je vous dis : Non seulement, il ne sera pas

question d’acte de divorce, mais tout renvoi de la femme est défendu, parce que la renvoyer (hors le cas où, étant déjà adultère, elle n’a jjIus rien à perdre), c’est la vouer à l’adultère. Quiconque, il n’y a pas ici d’exception, épouse la femme renvoyée, commet un adultère. » Jésus euA-eloppe donc dans une même réprobation et le divorce et la simple séparation de corps, ne permettant celle-ci que dans le cas d’adultère.

Ainsi l’exigent les oppositions que Jésus poursuit après avoir parlé du mariage : à côté de l’ancienne défense de se parjurer, nouvelle défense de jurer :

« Ne dites plus : œil pour œil…, mais si on vous

frappe sur la joue droite, présentez l’autre joue… Ne vous contentez pas d’aimer vos amis et de haïr vos ennemis, mais aimez vos ennemis… »