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NORD (RELIGIONS DE L’EUROPE DU)

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dans leur bois sacré, an début de leurs rites barbares, barbari ritus horrenda / ; rimo ; -<//’ff.llnous révèle aussi l’existence de fêtes périodiques en l’honneur de Nertlius, quand il parle du culte rendu à cette déesse par It-s tribus confédérées des bords de la mer du Nord. N’est-ce pas une fête de même nature que l’on célébrait encore à Upsala, en Suède, en l’honneur de Freyr, aux enviions de l’an looo ? Là, le cycle périodique était plus grand encore ; c’est tous les neuf ans que revenaient ces fêtes, où coulait le sang de nombreuses victimes. Plus tard, le pape saint Grégoire parle des grands sacritices de bœufs que les Angles font au démon.

Prières et sacritices sont présentés aux dieux de manière dllférente suivant les cas. Bien entendu, chaque individu agit pour lui-même, individuellenxent, au temps et au lieu où les puissances surnaturelles se manifestent à lui ou quand il désire obtenir leur bienveillance ; ainsi agissent ceux qui, lors de la célébration de leurs noces, offrent des sacrifices à Fricco, ce dieu phallique dont parle Adam de Brème. A plus forte raison, des rois, des Jarls, se comportent-ils de même ; ils sacrilient aux dieux au nom de leur peuple. Toutefois, l’intermédiaire régulier, le plus autorisé, entre les dieux et les hommes, est le prêtre ; comme tel, il offre les sacritices publics, il consulte ces oracles que sont, à en croire Tacite, les hennissements des chevaux, le chant et le vol des oiseaux, et aussi (selon Slrabon) les chaudières des sacrilices, etc. En même temps, il a soin des représentations des dieux, quelles qu’elles soient, et il fait parfois disparaître les auxiliaires esclaves qui l’assistent dans cette besogne. Grâce à ces fonctions i-eligieuses, le prélre se fait très facilement écouter de tous. On en voit en Germanie jouissant dès le temps de Tacite d’une Sérieuse influence politique et d’un véritable pouvoir judiciaire ; n’ont-ils pas le droit de punir i’eUit deo imperanti ? s font la police des assemblées populaires qu’ils président ; ils peuvent enchaîner et frapper de mort ; ils peuvent prononcer une sorte d’excommunication contre ceux à qui ils interdisent d’assister aux cérémonies religieuses. Quelquefois, ils sont astreints à des rites singuliers ; tel ce prêtre des Nahanarvales qui, dans un bois très anciennement consacré, porte des habits de femme dans les cérémonies du culte des Alcis.

Dans les premiers siècles du moyen âge, les mêmes traits persistent, avec des variantes locales. Chez les Anglo-Saxons, par exemple, ou plutôtchez les Saxons de la Norlhumbrie, l’histoire de Coiti montre qu’un prêtre ne peut pas loucher it’armeset ne doit enfourcher qu’une jument, puisque, pour avoir ceint une épée, pris une lance et monté un étalon, les assistants s’attendent à voir ce prêtre foudroyé. En Islande, lesprêtres sont à la fois deschefs et des juges.

A côté de ces prêtres, qui ne semblent d’ailleurs constituer nulle part une caste sacerdotale fermée, on trouve parfois trace de devineresses ; telle cette Bructère, Velleda ; telles encore.urinia, Gauva et nombre d’autres.

De ces devineresses, dont les Germains n’ont garde de mépriser les avis ni de négliger les réponses, à qui ils attribuent quelque chose de saint et d’inspiré (s « nc/ ! <m aliquid et providum, dit Tacite), de ces devineresses aux sorcières il n’y a pas très loin. Chacun sait, sans qu’il soit besoin d’insister longuement, le rôle joué par celles-ci dans une foule de circonstances, et pendant combien de siècles les Allemands ont cru en leur pouvoir surnaturel. Rien à cela que de très normal chez un peuple qui a pour les auspices et pour la divination une crédulité sans

égale. Nous possédons deux formules magiques que le célèbre historien Georges Waitza trouvées à Mersebourg en iSttt, dans un manuscrit du x= siècle, et qui attestent la persistance de pratiques de sorcellerie à cette époque, comme les procès de sorcellerie la démontrent fort longtemps après. De leur côté, les populations germaniques de la Bretagne redoutent fort les sortilèges ; on sait, par exemple, combien le roi de Kent Etiielbert craignait les enchantements d’Augustin et de ses compagnons ; aussi leurdonnat-il audience en plein air parce que là, pensait-il, il n’avait rien à en redouter. Les Eddas, de leur côté, contiennent de nombreuses formules de sorcellerie ; elles représentent les dieux islandais comme étant eux-mêmes de grands sorciers. Que dire enfin des runes, de leurs nombreuses vertus. « Que vous êtes puissantes, ô runes I o’dit un vieux chant tout imprégné de christianisme, puisqu’il montre en terminant un guerrier délivré par une chrétienne des sortilèges dans lesquels l’ont enchaîné des chansons magiques.

Il serait facile de pousser beaucoup plus loin l’étude des croyances populaires, de montrer, par exemple, comment (à en croire Jacob Grimm) l’eau puisée à certains jours et dans certaines circonstances jouit, au témoignage des paysans allemands, de vertus magiques ou curatives. Déjà, nombre de peuples germaniques pensaient de même à l’époque des invasions. Les Œstyens possédaient de véritables fétiches, au témoignage de Tacite, des images de sangliers qui leur servaient de sauvegarde dans les combats (/rf pro arniisoiuniumque tutela, securum deæ [ = : Matris detim] cuUorem etiam inter hostes præstal). Ainsi se trouve confirmée par un exemple topiqvie l’assertion du même historien que les Germains tirent des bois sacrés, pour les emmener a ec eux au combat, des fétiches et des enseignes ( « //’ !  ; ies et si^na quæiiam detracia lacis in proelium ferunl). Chez les Anglo-Saxons, il est possible de relever de curieuses pratiques superstitieuses d’une autre sorte. L’auteur du Pénitentiel dit de saint TuÉoDOKE impose sept ans de pénitence à la femme qui fait monter sa fille sur le toit ou qui la fait entrer dans un four pour obtenir la guérison de la fièvre ; cinq ans, d’autre part, à qui fera brfiler des grains à l’endroit où quelqu’un est mort. Deux cents ans plus tard, les mêmes fautes sont encore prévues et punies par le Pénitentiel de saint Egbert ; on fait des vœux aux arbres, on (lousse des cris pendant les éclipses pour écarter les maux qui menacent, on pratique des malélices, on porte des amulettes. En Norvège, à la fin du xviii" siècle encore, les paysans de certains districts gardaient précieusement des pierres rondes qu’ils lavaient soigneusement tous les jeudis soir, qu’ils oignaient de beurre devant le feu, qu’ils mettaient à la place d’honneur sur de la paille fraîche et qu’ils plongeaient dans de la bière à certains moments de l’année, convaincus que ces pierres porteraient bonheur à la maison et à ses habitants.

Partout, par conséquent, ce sont, dans les paj-s germaniques et Scandinaves, les mêmes usages religieux et les mêmes idées supertitieuses, se manifestant souvent sous des formes à peu près identiques.

6. Croyance dans la vie future. — Partout i aussi on relève la croyance à une autre vie après la’mort. Déjà Tacite la constate de manière implicite quand il dit que les Germains brûlent avee le défunt ses armes et quelquefois son cheval ; mais combien cette croyance se manifeste-t-elle mieux par la suite I Avec le défunt, on brûle ses armes et ses bijoux, des animauxdomestiques et des serviteurs ; la femme ne se sépare de son mari ni dans les

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