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NORD (RELIGIONS DE L’EUROPE DU)

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suivant les cas, qui voyage beaucoup, qui prend les formes les plus diverses. Le transformer ensuite, lui <jui venait du Sud-Ouest, le pays des vents chauds et féconds, de la civilisation et de la science, en un être prévoyant et sage, en un sorcier, en un éternel voyageur, changeant fréquemment d’aspect, en un savant connaissant les runes, en un dieu des soldats et un seigneur des batailles, ce n'était qu’un jeu pour des poètes.

Tlior, Freyr et Odin, les dieux du tonnerre, de la lumière et du vent, voilà donc la trilogie essentielle des peuples Scandinaves. Mais combien d’autres divinités se groupent autour d’elle ! Un des plus intéressants est Balder, lequel n’est sans doute qu’un dédoublement de Freyr. Gomme lui, c’est le « Seigneur » ; comme lui, c’est un dieu de la lumière, et son nom signifie le « brillant », selon le sentiment de plusieurs Dans tous les cas, Balder, le fils d’Odin et de Frigg (dont nous parlerons tout à l’heure), Balder, dont le niytlie figure déjà sur une des plus anciennes pierres runiques de l’Angleterre, la croix de Rutbwell, est une figure douce et passive ; il est aimédelous les autres dieux, sauldesméebanlsquile jalousent et qui Unissent par le tuer. N’insistons pas ici sur tant d’autres divinités dont parlent les poètes ; signalons comme une divinité encore de même nature mais beaucoup plus effacée que lialder, Heimdallr,

« celui qui brille au-dessus du monde », le dieu resplendissant de la lumière, qui ne cesse, chaque jour, 

de lutter inlassablement contre Loki. Heimdallr, le portier de l’Asgard, assis au bout de l’arc-en-ciel qui forme un pont depuis la terre jusqu’aux cieiix, est un produit de l’imagination poétique des scaldes norvégiens-islandais, l)ien(|Ue, chez les anciens Germains, il ait déjà été tenu pour le veilleur des dieux.

Loki, l’adversaire de Heimdallr et l’assassin de Balder, est beaucoup mieux caractérisé que ses ennemis, et on peut se rendre quelque compte de son évolution, sinon lasuivre complètement. C’est « celui qui termine », le « fermeur », le dieu du feu qui consume tout. U débute par être simplement subtil et rusé, puis il devient peu à peu le Démon, l’esprit malin par excellence, le Diable envieux et fourbe qui se fait redouter de tous et qui frappe mortellement Balder avec la seule arme capable de le tuer, avec une lu’anche de gui. Loki, au total, met donc fin à tout, au bien et au mal. On a voulu voir en lui la personnilicalion de la nuit ténébreuse et du noir hiver, la contre-partie de la lumière éclatante et du brillant été par conséquent. Explication très séduisante, mais sans doute un peu trop facile, delà haine de Loki contre Balder et du meurtre de ce dernier, qui met en deuil la nature entière.

A côté des dieux, la mythologie Scandinave place des déesses, exactement comme la mythologie germanique ; mais combien pâles sont-elles, et ijuc leur personnalité est eiïacée ! Même Frigg, la femme d’Odin comme Frijjæst celle de Wodan, est à peu près quelconque. Cette déesse de l’air ou du ciel, qui est u l'épouse », n’a guère de rôle que par son mari, dont elle partage la puissance et qu’elle accompagne lidèlement ; c’est une divinité complémentaire d’Odin, si l’on peut dire, qui a dû être créée assez tardivement par les Scaldes au détriment de Freyr et avec les traits des autres déesses. On peut trouver une conlirmation de cette manière de voir dans le fait que le culte de Frijja était exclusivement islandais. Quoi qu’il en soit, les autres déesses Scandinaves sont encore plus incolores que Frijja, et même absolument efTacées ; elles ne sont guère que des comparses dont les noms ne disent rien : Rinda, Gerda, Menglod… Seule, Hall, la déesse de la mort, la souveraine du royaume souterrain, tire de son rôle

même des traits distinclifs que n’a pas sa mère Angrboda, la messagère de la peur, la femme du mauvais Loki.

N’allons pas plus loin, et ne cherchons pas, à la suite des auteurs de certains fragments de l’Edda en prose, un système de douze grands dieux dans la mythologie Scandinave, exncLement comme dans la mythologie classique. Mieux vaut retenir, non pas que les Scandinaves montrent leurs divinités en mésintelligence les unes avec les autres (ce trait ne leur est pas particulier), mais que les récits de leurs poètes laissent transpercer quelque chose d’une superposition de dieux nouveaux à des dieux plus anciens. Odin (nous l’avons déjà indiqué) est un dieu venu d’au delà des flots, et donc importé dans la péninsule Scandinave. Avec lui sont arrivés les Ases, qui combattent sous sa direction les dieux Vanes, lesquels les voient d’un mauvais œil. H serait très intéressant de parvenir à localiser ces divinités, à déterminer d’où elles vinrent ; mais c’est là travail bien délicat et très hasardeux. On a voulu, parfois, voir dans les Vanes, comme aussi dans Nordr, qui est apparenté à Freyr, des dieux germaniques introduits en Suède à une époque antérieure à celle ov’l les Ases arrivent en Norvège ; avouons qu’il n’y a guère là qu’une aventureuse hypothèse. Onsemble être sur un terrain plus stable quand on tient les Valkyries, ces vierges des batailles, pour des répliques Scandinaves des Idisi germaines, que le Danois Hagnar Lodbrog, à la fin du chant célèbre qui lui est attribué, dit venir le i)rendre pour le conduire dans leur palais. On peut plus facilement trouver un prototype (dans le Holstein) à ces divinités Scandinaves qu’aux Nomes, les exécutrices des arrêts du destin.

Au lieu de leur en chercher, remarquons que les mythologies Scandinaves possèdent des héros qui sont parfois de très grande importance et ne semblent nullement des dieux abaissés au rang d’hommes. Héros de l’orage (Ingrio), de la tempête (Orendel, Hagen, Wate, qui semble rappeler Wodan), des nuages (Hilda) ; Siegfried est aussi un héros, un héros lumineux, dont l’Iiistoire est connue de tous, et sur lequel il n’est pas besoin d’insister. Essayons, d’autre part, de nous faire i]uelque idée de cette mythologie inférieure qui, en Scandinavie comme en Germanie, a pris un développement si remarquable. Ici encore, on constate l’existence d’un véritable monde d'êtres plus ou moins merveilleux. Ce sont des géants doués d’une force extraordinaire, brutaux et sauvages, prompts à se mettre en colère, mais souvent loyaux, voire même sages et bons enfants : ils sont dépeints comme d’irréconciliables ennemis de l’agriculture, mais comme d’habiles bàlisseui -, se disputant fréquemment avec les Ases. Thor ne se lasse pas de les combattre ; souvent, par contre, Odin va leur demander conseil. — Les nains, qui contrastent par leur taille avec les géants. Sont encore plus adroits qu’eux ; ils forgent le redoutable marteau de Thor, ce marteau qui, comme le boomerang des Australiens, revient de lui-même dans la maindecelui quil’a lancé ; ilsconstruisent également le vaisseau de Frejr et font d’autres ouvrages admirables. Les elfes, les ondines dont parlent les croyances populaires beaucoup plus que les chants poétiques, achèvent de donner à cette mythologie inférieure une étroite ressemblance avec celle des Germains.

Ainsi (et c’est la conclusion qui se dégage, croyonsnous, de cet exposé très succinct) Germains et Scandinaves ont travaillé sur un fond commun de croyances. Non pas, bien entendu, sur un fond ahsoliiment commun, car on trouve parfois autre chose