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NORD (RELIGIONS DE L’EUROPE DU)

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En dehors de ce souvenir, presque aucune trace de tout un curieux passé religieux ne subsiste plus actuellement. Il n’en va pas tout à fait de même des croyances populaires, sur lesquelles les prédicateurs latins du xv’siècle fournissent de précieux renseignements, montrant dans les Polonais des adorateurs des lleuves, qui tiraient des présages d’après les remous des eaux. Certaines de ces croyances persistent encore et témoignent, par exemple, d’une très vieille opliiolâtrie ; les paysans de certaines parties de la Pologne n’oCfrentils pas, en effet, avec grand soin, des œufs et du lait à une sorte de serpent noir qui pénètre souvent dans leurs habitations ? Ils seraient désolés qu’on lui fit le moindre mal et leurs enfants, qui n’en ont aucune peui-, le caressent et boivent dans le même vase.

Il n’est pas sans intérêt d’ajouter que les Polonais étaient polygames avant leur conversion au catholicisme, et que les historiens parlent de la célébralion d’une cérémonie païenne de la tonsure pour l’enfant arrivé à un certain âge.

3, Les Slaves de l’Ouest. — Après les Russes et les Polonais, venons-en aux Slaves de l’Ouest, à ceux qui sont établis en ])leineœur de la Germanie (puisqu’ils s’avancent jusque sur la Saale et sur l’Elbe) et dans les iles baltiques riveraines de la côte allemande (Hiigen, WoUin). Sorabes, Wilzes et Obolrites sont entrés dès le ix’siècle enconllitavec les Francs, mais c’est par des auteurs très postérieurs que nous possédons des renseignements sur leur religion ; néanmoins ces renseignements sont sérieux, aussi est-on beaucoup plus au courant de la religion des Slaves de l’Ouest que de celle des Polonais. Voici l’idée générale qui se dégage des textes.

Sur les bords de l’Elbe et dans les provinces baltiques, exactement comme chez les Finnois, les forces de la Nature sont divinisées, et aussi certaines abstractions de l’esprit ; mais on a eu tort de représenter les forces utiles et les forces nuisibles comme recevant également les hommages des humains, car il n’y avait pas là de dualisme analogue à celui du Parsisme, et il existait chez les Slaves de l’Ouest un dieu noir, Zcerneboh ou Tchernubog, mais pas de dieu blanc. Des pierres, des sources, des arbres, des forêts y étaient des temples, sinon même des dieux, et y étaient tenus pour sacrés ; Helmoi.d signale la pratique du culte des fontaines chez les Slaves ipii habitent les bords de la Baltique et la vallée de l’Elbe ; Dietmak dk Mkrsbbourg parle de son côté d’une source Gloinazi comme de l’oracle des tribus slaves d’alentour : selon que cette source alimente abondamment ou non l’étang dans lequel elle se déverse, c’est signe d’heureux événements ou de calamités. — Ces faits ne sont pas les seuls dignes d’attention : certains fétiches sont, comme les sources et les arbres, tenus pour sacrés. Mais les Slaves de l’Onest n’en sont pas demeurés là ; ils en sont déjà venus, au témoignage des auteurs du moyen âge, à posséder de véritables idoles anthropomorphiques, et à leur ériger des sanctuaires bâtis de main d’homme. Ecarle-t-on, après Bruckner, le dieu Radegast du panthéon wilze (et on peut se demaniler si cette proscription est bien légitime), du moins subsiste-t-il encore d’autres dieux dont nous connaissons des idoles, et Svantovil, et Sloda, et le dieu à trois têtes, Triglaf, vénéré à Brannibor (Brandeboui-g), dont l’idole a été longtemps conservée dans son temple transformé en une église dédiée à la Vierge Marie, et d’autres encore.

Svantovil est le plus important de tous. C’est le <iieu de la sainte lumière, dont l’idole polycéphale, parée d’ornements magniliques, recevait dans le

temple vénéré d’Orekunda ou d’Arkona, dans l’île de Iliigen, les hommages des ûdèles. Dans la main droite de la statue, une corne à boire ; auprès d’elle une selle et une bride de prodigieuses dimensions. Il Un cheval était consacré à la divinité et rendait des orales ; Svantovil en personne le montait quelquefois la nuit, et le matin on voyait à sa place, couvert d’écume et de boue, le noble coursier fatigué par la chevauchée divine. » (E, Lavissb) On sait que le roi de Danemark Valdemar le Grand conquit Riigen en io68 ; il s’empara d’.rkona, détruisit le temple et la statue de Svantovil et enleva son riche trésor. Axel ou Absalon, l’archevêque dcLund, acheva cette œuvre en réduisant les autres forteresses des Wilzes, brûlant temples et images, et Triglaf et Uugevit, le dieu à sept visages sous un même crâne, avec sept glaives en main, et d’autres encore, imposant partout, avec le baptême, une apparente conversion.

Ainsi disparurent historiquement, officiellement, les dieux païens des Slaves occidentaux, ou tout au moins des Wilzes.

Avant cet elTondrement, ils étaient adorés dans des temples érigés au milieu de bois sacrés, où les ûdèles venaient faire leurs dévolions, prier et déposer des offrandes. On connaît l’existence de quelques-uns de ces temples. Outre celui d’Arkona, WoUgast, la A iUe des Circipaniens sur les rives de la Peene, Rethra ou liedara possédaient des sanctuaires fameux.. Brannibor s’élevait, sur une colline haute de GG m., un temple de pierres, que le Roi-Sergent, Frédéric-Guillaume 1<"’, a fait démolir au xviii » siècle seulement. Chaque temple avait son domaine, plus ou moins étendu, et ses revenus régulièrement perdus sur la fortune des fidèles, leur commerce, leur bulin. Il avait également ses prêtres, que l’on comblait d’honneurs, qui siégeaient parmi les nobles dans les assemblées et qui, montés à cheval, participaient aux batailles. Ces prêtres présidaient aux cérémonies sacrées, aux sacrifices, à ces sacrifices humains dans lesquels (à en croire Adelgatt de Magubbourg en I io8) les Slaves païens immolaient des chrétiens à Pripegala, au « glorieux » qui était peut-être le soleil ; ils interrogeaient le sort ou le cheval sacré qui rendait des oracles. Ils étaient au-dessus des sinqiles serviteurs occupés aux menus détails du culte, mais ils avaient eux-mêmes un chef, le grand prêtre d’Arkona, devant lequel s’agenouillaient les rois comme devant le révélateur de la volonté divine.

Ces prêtres fortement hiérarchisés, qui offraient parfois, nous venons de le dire, des sacrifices humains à leurs dieux guerriers armés de casques et de cuirasses (en io66, au début du grand soulèvement des Slaves contre les Allemands, des moines furent ainsi sacrifiés par les Wilzes), ces prêtres ont joué nn grand rôle dans la résistance nationale ; ils ont entretenu de tout leur pouvoir les vieilles croyances parmi les peuples dont ils avaient la confiance. Mais ils n’ont i)as pu faire l’impossible ; peu à peu, les Slaves ont disparu, anéantis par les vainqueurs ou fondus avec eux. Le clergé catholique fit une guerre très active à tout ce qui, dans les coutumes et dans les mœurs, pouvait rappeler la religion proscrite, si bien que rien ou presque rien ne subsiste plus actuellement des religions slaves les plus développées. Plus d’anciennes idoles ; aucun souvenir de cette fête de Gerovit, le « dieu du printemps rayonnant », que célébraient les habitants de Havelberg quand, en mai 1127, Olton de Baraberg arriva dans cette ville pour lévangéliser. Comment s’étonner de cette disparition complète des vieilles coutumes religieuses, alors que la langue a totalement