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NORD (RELIGIONS DE L’EUROPE DU)

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mot mate (mère), sont sûrement des personnitications d’idées abstraites.

Partout existait la croyance à une ye future où, dans un autre monde, le défunt était servi par ses serviteurs, et faisait usage des animaux domestiques, des vêlements, des armes qu’on avait incinérés avec

lui.

En ce qui concerne le culte, les auteurs anciens parlent de grands temples remplis d’idoles précieuses. On peut avoir quelque scepticisme à cet égard. Qu'était-ce aussi que ce Homoveon A’omoiiv, ce sanctuaire dont parle Pierre de Uuisbourg ? Peut-être un bois sacré, qui avait débuté par être un dieu et qui était simplement devenu la demeure d’un autre dieu. Là vivaient parfois des ophidiens sacrés — tel le grand serpent que les Prussiens adoraient dans le temple de Patrimpo ; là aussi, sans doute, les Lituaniens devaient olfrir aux serpents ces sacrifices humains dont parlent quelques auteurs.

Ceux qui présentaient aux dieux ces sacrilices appartenaient à un clergé organisé, à la tête duquel se trouvait une sorte de grand prêtre oiunipolenl, le Krwe, dont l’autorité ne s'étendait pas seulement sur les Prussiens, mais encore sur les Lituaniens. Pierre de Duisbourg, qui fournit ce renseignement, ajoute, comme preuve du pouvoir du Kritve sur ces peuples, que « son messager, porteur de son bâton ou de quelque signe connu, était vénéré comme luimême ». Le Ivriwe avait donc des collaborateurs, des assistants, des subordonnés, les n-aidâlotes, qui se sont sans doute maintenus plus longtemps que le grand prêtre lui-même. Peut-être, d’ailleurs, les évêques calholiquesne se souciaient-ils pas assez de l'évangélisalion des iulidèles de la contrée, comme le donnent à entendre les chevaliers, dans un colloque tenu à Dantzig, en 1366. Dans tous les cas, au XVI9 siècle encore, des assemblées nocturnes se seraient tenues en Prusse, où des prêtres païens auraient sacrilié des boucs aux anciennes divinités.

D. Lks populations slaves. — Les LettesonTchoudes, qui pratiquaient naguère les religions dont nous venons de dire quelques mots sommaires, sont rattachés par diirérents authropologistes des plus autorises aux [)opulalions slaves, dont ils constitueraient une branche spéciale. Les Slaves proprement dits, aux<iuelsnous arrivons maintenant, ont peuplé pour partie les territoires de l’Europe orientale ; ils y continent aux Finnois méridionaux et s’insinuent même parfois au milieu d’eux, pénétrant (nous l’avons déjà indiqué) dans leur pays avec leurs mœurs, leurs coutumes, leur religion propres. Au Nord également, mais plus à l’Ouest, ils bordent d’autres jiopulations plus ou moins dilTérentes, celles du grouppe letton, et ils s’avancent en Allemagne jusque dans les territoires arrosés par les affluents de rOJer. Ils y sont arrives en partant d’un point central, de l’aire d’habitat de ce qui semble avoir été le noyau primitif du peuple slave, le pays entre Oder et Dniepr. De là, ce peuple a, dès les temps préhistoriques, atteint par endroits l’Elbe, la Saale, le Danube, la Desna, le Niémen et la Baltique ; puis il s’est, aux temps historiques, désagrégé en trois fractions distinctes. L’une, l’occidentHle, a produit les branches slaves des Polabes, des Pomoriens ou Poméraniens, des Polonais et des Tchéco-Slovaques ; la seconde, la méridionale, est celle des Jougoslaves ; , quant à la troisième, l’orientale, c’est la branche russe, dont il n’est pas besoin d’indiquer les dilTérentes subdivisions. C’est seulement de celle-ci, et des branches polabe, poméranienne et polonaise, que nous nous proposons d’esquisser ici très rapidement les croyances.

Qu’ils soient aujourd’hui Russes, Polonais ou

Wendes, catholiques romains, protestants ou grecs, ces Slaves ont eu naguère, probablement, un même ensemble de croyances et de superstitions païennes, avec des dilférences relativement peu considérables. Mais nous ne savons rien d’elles. D’autre part, depuis le moment où ils ont quitté leur centre de dispersion, ces mêmes Slaves ont évolué dans des sens différents, et cela même avant leur conversion au christianisme. Rien donc que de naturel à les étudier dans des paragraphes distincts, si nous les réunissons dans un seul et même chapitre, d’autant plus que nous sommes très inégalement renseignés sur ceux-ci et sur ceux-là.

I. Les Russes. — C’est des Russes que nous connaissons le mieux (ou plutôt le moins mal) l’antique religion. A cela, rien que de naturel, car ce peuple est encore bien vivant et, en dépit des réformes de Pierre le Grand et de ses successeurs, est demeuré jusqu'à ces tout derniers temps très attaché à ses vieilles traditions. Sans doute les anciennes unités de tribus se sont disloquées peu à peu pour se fondre dans les trois grands groupes difîcrents des Grands Russes, des Petits Russes et des Biélorusses ou Russes blancs ; mais des auteurs qui les ont connues ont parlé de ces populations, de leurs croyances, de leurs traditions. Puis les chants populaires, épiques ou autres, ont survécu, du moins en partie. En groupant ces difl'érents éléments d’information, on arrive à se faire une idée de l’ancienne reljgion des Russes.

En tête, il convient de placer un certain nombre de personnages dont le caractère divin est attesté par le mot Itog, dieu. Si Svarog, le dieu du Ciel, semble suspect à certains slavisants comme Louis LÉGER, il n’en va pas de même de Daghbog, le dieu du soleil, le père de la Nature, ni de Slribog, le dieu des vents, le dieu du froid, auquel on ne connaît pas d’analogue chez les autres Slaves. Ogoni, le dieu du feu, Volos, celui des troupeaux, et surtout Peroun, celui du tonnerre et de l’orage, sont aussi, presque tous, sinon absolument tous, des dieux russes des premiers temps de 1 époque historique ; la plupart sont cités par la Chanson d’Igor ou par la chronique dite de Nestor. Chantepib de la Saussaye (traduo- i tion franc, p. 6^3) note des rapports étroits au point de vue religieux, entre Slaves et Persans ; ces rapports ne sont pas les seuls à signaler, car Koupalo ou larilo, le dieu du soleil d'été, que l’on invoquait pour obtenir une bonne récolte, n’est autre qu’Ivan-Koupalo im saint Jean Baptiste.

Quoi qu’il en soit, ces dieux que l’on peut qualifier de « supérieurs » sont loin d'être les si’uls dont parlent les vieux textes ou les traditions populaires. En groupant les renseignements fournis par ces documents, on arrive à un panthéisme complet, dont la nalureetles phénomènes naturels constitueni les bases. Voici Morena, la déesse de la mort, Kochtchéi l’immortel, qui, comme Moroz, personnifie 1 implacable froid de l’hiver, et le méchant roi de la mer, qui entraîne les navigateurs dans sa demeure du tond des eaux. Puis ce sont les es[)rils à l’existence desquels, aujourd’hui encore, croient les classes populaires ; les belles roussalki, les nymphes des eaux, qui attirent les hommes dans les abîmes, le vodianoi ou génie des fleuves, ces esprits des forêts que sont le liéchii (dont les Russes croient entendre parfois le cri terrible au fond des grands bois) et le liesnik, puis ce lutin du foyer domestique qu’est le domovoï(de dont, maison) qui est souvent bienfaisant, mais qui joue parfois aussi de méchants tours. Ce sont enfin des vampires, ces revenants qui sortent des cimetières pendant la nuit pour boire le sang des vivants ; c’est cette méchante ogresse, la Baba

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