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NORD (RELIGIONS DE L’EUROPE DU)

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si le vent est leur compagnon, si les dieux du froid et du givre sont des vieillards et de vieilles femmes, si encore, dans l’ensemble, les divinités sont des mères ou des !  ; rands-pères, c’est tout. Aucune représentation ligurée des esprits.

Ces esprits, ces divinités qui commandent aux forces de la nature, se divisent en deux catégories : endieux/fimos ou /umas, et en génies, ou esprits malfaisants, ou keremetes, qui différent d’un village à l’autre. Parmi eux, les dieux seraient les plus élevés, tandis que les avas ou « mères)), les kouhaï ou grands-pères, les koaliozaï ou grand’méres, les ozas ou maîtres de maison, les oiies ou souverains et les pouirchosoxi créateurs, ne viendraient qu’au second plan. Mais il ne faut pas conclure de ces titres à une hiérarchie positive entre les divinités tchérémisses ; les titres varient avec les localités et tel dieu qualilié deyuma en tel endroit ne le sera ailleurs que d’av’a… Quoi qu’il en soit, nombreuses sont les divinités l.héréraisses. On en compte environ "jo chez les Tchérémisses des montagnes et près de 140 chez les Tchérémisses des prairies. Parmi les jumas proprement dits, l’auteur qui a le mieux étudié le paganisme des populations (Innoises des bassins de la Volga et de la Kama, Jean N. Smirnov, cite les dieux du tonnerre, de l'éclair, de l’aurore, des étoiles, des vents, des plantes, des abeilles, de la maison, de la justice, etc. Mais on signale encore le grand dieu du jour brillant, le grand dieu du jour

« matériel », etc., voire même le grand dieu du tsar

et le créateur du dieu du tsar, qui sont sans doute de date récente.

Pour se rendre favorables ces différentes divinités, les jumos, auxquels on demande « l’abondance de tous biens », et les keremetes, auxquels on se borne à demander la guérison des maladies, les Tchérémisses doivent leur adresser des prières et des sacriûces ; ne dispensent-elles pas, en effet, le bien et le mal ? De là des invocations et des oraisons interminables, decertainesdesquelles les travaux de Gabriel Iakovliev et de SiumNov donnent le texte ; de là des cérémonies religieuses accomplies dans des bois sacrés, ceux-ci isolés dans les champs, ceux-là réservés au milieu des forêts, y constituant de véritables futaies de tilleuls et de sapins, ou de tilleuls et de chênes, les uns consacrés aux jumas et les autres aux keremetes. C’est surtout le vendredi qui est le jour consacré au culte ; alors s’accomplissent ces cérémonies qui se terminent toujours par des sacritices et par des repas où l’on consomme les chairs des victimes offertes aux dieux. De ces victimes, l’importance varie tout à la fois suivant la place hiérarchique de celui auquel on s’adresse et l’intérêt que le suppliant attache à la réalisation de sa requête.

il y aurait beaucoup à dire sur les repas sacrés qui suivent les sacrilices, comme aussi sur les re|)as funéraires ; de même encore sur la substitution d’images figurant les victimes, de simulacres, aux offrandes elles-mêmes. Il suffira de noter ici que les cérémonies religieuses sont de deux sortes chez les Tchérémi-ises : les unes sont privées et particulières à chaque fidèle ; d’autres au contraire sont générales et vraiment publiques. Ces dernières se célèbrent régulièrement (les fêles du printemps, de la charrue, des récoltes, etc.) ou exlraordinairement, à des intervalles indéterminés, — la fête des morts, par exemple, — ou encore en cas de calamité publique. Les travaux des Russes Iakovliev et Smibnov fournissent sur ces différentes cérémoniesdes indications détaillées auxquelles il suffit de renvoyer le lecteur.

Des vieillards, des Kartes, président à ces cérémonies et constituent les intermédiaires entre les divinités tchérémisses et les humains. Comme ces Fin nois n’ont point de clergé, ni même de prêtres, ce sont les kartes qui prononcent les prières, qui invoquent les dieux et qui leur présentent les offrandes, assistés de sacrificateurs, les oussos, lesquels sont chargés de tuer les animaux offerts aux dieux en holocauste. Ce sont donc des prêtres occasionnels, mais qui ne sont revêtus d’aucun caractère sacré, et qui n’exercent leur office que temporairement ; pour cliaque fête et pour chaque dieu, les Tchérémisses élisent un karte particulier.

Ces indications générales montrent combien le polythéisme anthropomorphique des Tchérémisses reflète chacun des aspects de leur développement social ; elles permettent aussi de constater l’absence de toute trace du culte des animaux chez ces Finnois. Elles sont donc intéressantes à plus d’un titre. Il convient toutefois de les compléter pour arriver à se faire une idée plus précise des croyances religieuses des Tchérémisses. Geivx-ci, comme les Mordves, tiennent la vie d’outre-tombe pour le prolongement de la vie terrestre ; il y a persistance des besoins, des passions et des habitudes au delà du trépas. L'âme est jugée selon ses mérites.

A en croire la cosmogonie tchérémisse, la terre aurait été au début, comme dans la cosmogonie mordve, noyée sous les eaux ; mais par la suite les deux éléments se séparèrent et des forêts de sapins poussèrentsur le sol asséché. Les premiers habitants de ces forêts furent des géants (Ôn » r), puis vinrent les hommes. Est-il bien utile de souligner combien certains de ces traits diffèrent de ceux des autres cosmogonies finnoises ? Il y a là, semble-t-il, quelque chose d’assez original.

e) Les Tchouvaches. — Comme celles des Tchérémisses, les croyances et les coutumes religieuses des Tchouvaches mériteraient un examen développé. Mais pourrait-on l’entreprendre ici sans allonger démesurémentcette étude. Mieux vautdonc renvoyer ceux qui désirent les connaître aux travaux de Jean N. SMmNov et de Charles Rabot, et noter simplement à cette place que les Tchouvaches sont des animistes qui ne sont point arrivés à un véritable anthropomorphisme. Ainsi ne diffèrenl-ils guère des autres populations finnoises, dont l’anthropomorphisme est singulièrement incomplet, dont les figures sont singulièrement vagues et pâles, jusque dans le poème du Kalevala.

N’allons pas d’autre part, non plus que chez les autres populations finnoises dont il vient d'être question, tenir les croyances et les coutumes païennes pour exclusivement en honneur dans les cantons où elles vivent. Aux environs de Kazan, celleci à quelques verstes de distance de ceux-là, Charles Rabot n’a-t-il pas rencontré une petite mosquée, une église grecque et un bois sacré où les païens venaient faire leurs sacrilices ? De tels faits en disent long sur l’enchevêtrement des religions qui continuent de subsister en Russie.

/) Les Esthoniens. — Loin dans l’Ouest des pays arrosés par la Volga et par son puissant affluent de gauche IaKama, dansunautre canton de la Russie également peuplé par des individusderace finnoise, un tel enchevêtrement de croyances très dissemblables ne se rencontre pas.L’Esthonie, que le golfe de Finlande sépare de la Suomie plus septentrionale, est bien, en effet, habitée par desFinnois, et surtout par des Finnois du type brun, mais ces Finnois sont presque tous luthériens. Seulement, de mènif qu’ils sont demeurés très attachés à leurs anciens usages et à des pratiques usitées, depuis des temps lointains, dans les actes inqiortants de la vie, les Esthoniens conservent encore nombre de souvenirs de leur religion primitive.

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