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NORD (RELIGIONS DE L’EUROPE DU)

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enclianleui’s.Pour les Finlandais, l’homme n’est pas du même sang que les dieux, mais les sorciers sonl plus que de simples mortels ; c’est ce que donne à entendre sans cesse le Kalevala, dans lequel Comparetti voit, non sans apparence de raison, l'épopée des magiciens, Waïnaiiioïnen y étant le type du sorcier intellectuel, lluiarinen celui du sorcier vulj^aireet routinier et Lemminkainen celui de l’amant, un véiitable Don Juan barbare. De fait, il est des sorciers de diverses sortes ; tels, par la puissance de leurs seuls regards, communiquent aux choses une vertu magique. De même aussi, les femmes sont très versées dans les sciences occultes. Celles ci, envieuses du bonheur dont jouissent les Finlandais, leur envoient de cruelles maladies et ne cessent de vouloir les accabler de toutes sortes d'épreuves ; celle-là, après avoir péniblement recueilli les membres épars de son dis et les avoir rapprochés les uns des autres, arrive à réaliser le vrai miracle de rendre, en trois opérations successives, la vie complète à son enfant.

Mais les plus puissants de tous les sorciers sont sans contredit les runoiat. Ces compositeurs, ces chanteurs de runot, ces bardes, ces aèdes sont doués d’un pouvoir magique. Ce ne sont pas seulemenldes charmeurs, aux lèvres desquelles sont suspendus, quand ils chantent, tous les animaux delà création, et les arbres des bois, et les fleurs des champs ; ce sont aussi de redoutables magiciens. Ils savent (en [larticulier « le runoia éternel, le vieux, l’imperturbable Wainiimoinen ») se servir de paroles qui leur permettent d’accomplir les actes les plus extraordinaires ; ils commandent aux éléments, ils ébranlent des montagnes, ils fabriquent des baumes capables de rejoindre les deux parties d’un tremble abattu et complètement fendu, de combler les crevasses des rochers, de supprimer les fentes des pierres ; ils enchantent leurs adversaires, ils font surgir des troupes d’hommes et de femmes qui leur servent d’auxiliaires dans leurs entreprises ; ils descendent aux enfers et en sortent vivants, après avoir déjoué les embûches des divinités infernales. Ils sont des intermédiaires entre les dieux et les houimes, et sinon des prêtres, du moins des médecins et des sorciers tout à la fois. A celui qui les répète, lesparolesqu’ils prononcèrent doivent assurer le succès de ses entreprises : une opulente moisson s’il a récité, en ensemençant son champ, l’invocation de l’ensemencement ; une heureuse chasse si, au moment de partir, il a dit le discours du chasseur ; les ensorcellements et les autres dangers si. avant de se lancer dans une expédition, il a récté sous la poutre principale du t.it les u paroles de précaution » ; une heureuse délivrance à la femme qui dit le chant de l’accouchement, etc.

Ces indications si nombreuses et en même temps si variées, que permet de compléter encore le recueil de proverbes, d'énigmes et de chants magiques publié par L. Lônnrott, ne sont pas les seules que fournisse le Kalevala ; combien d’autres encore on peut extraire de ce curieux poème, ou plutôt de ces différents poèmes juxtaposés I.u sujet d’arbres sacrés comme le chêne, « l’arbre de Jumala », et le sorbier, d’oiseaux comme le coucou, qui est l’oracle du bonheur tandis ([lie le corbeau et la corneille présagent les malheurs par leurs croassements, le Kalevala est plein d’allusionsou de menlionsqui complètent et précisent cet aperçu d’ensemble. Il contient aussi, sur les singulières cérémonies qui accompagnent la mort de l’ours, de bien intéressantes indications. Enfin, sur ce chef-d'œuvre de la magie, cemystérieux sampo, qui a le pouvoir de créer toutes autres choses, que <le renseignements dans le Kalevala lOn en peut dégager la conclusion que voici : alors

même qu’une religion polythéiste et anthropomorphique s’est substituée chez eux au fétichisme primitif, les Finlandais ont gardé nombre de leurs anciennes croyances et coutumes religieuses ; ils Us ont accommodées à leur nouvelle religion et ont continué de les pratiquer, plus ou moins modiliées, en même temps que de récentes.

Telle était encore la situation au temps du roi de Suède Eric IX, le saint, de la maison de Stenkill, qui régna de 1 155 à i 160. C’est ce souverain, on le sait, qui, après avoir conquis la Finlande, travailla à la convertir (surtout par la force, semble-t-il) et qui soutint l’apôtre et le martyr de l'évangélisation de la contrée, saint Henri, le premier évêque d’Upsal. Dès lors, la Finlande plus ou moins christianisée obéit aux instructions du Saint-Siège jusqu’au jour où, avec la Suéde, elle se sépara de Home, de par sa conversion au luthéranisme, dans le second quart du xvi' siècle, au temps de Gustave Wasa ; mais les Finlandais conservèrent néanmoins toujours bon nombre de croyances qu’ils tenaient de leurs ancêtres, et les traces en subsistent parfois encore dans leurs superstitions.

a. Les Finnois de la Russie Orientale. — Les Finlandais ne sont pas la seule population de race finnoise qui vive sur le sol de l’Europe septentrionale ; on en trouve beaucoup d’autres encore, plus ou moins importantes et plus ou moins civilisées. Les Lapons hyperboréensdontil a été question plushaut constituent un groupe de la race finnoise, mais un groupe particulier, distinct (selon A. deQuatrefagks) des deux groupes des Finnois blonds et des Finnois bruns, et c’est encore à cette même race qu’appartiennent d’autres populations de la zone forestière, soit dans l’Est de la Russie, soit au Sud de la Finlande proprement dite : Zyrianes, Votiaks, Mordves, Tchérémisses surtout, ou encore Esthoniens, etc. Occupons-nous d’abord des populations les plus orientales, de celles qui conservent aujourd’hui encore un paganisme plus ou moins vivant, sous des apparences orthodoxes.

a) Les Zyrianes. — Au milieu des Samoyèdes, Ies 1 voyageurs signalent, dans la Russie septentrionale, ^ l’existence des Zyrianes ou Zirianes. Disséminés en petit nombre, depuis la mer Blanche jusqu'à l’Oural, au Nord du cercle polaire arctique, ces Finnois sont surtout nombreux dans les cantons qu’arrosent, plus au Sud, la haute Petchora, la haute Vitcliegda et la haute Kama. Ce sont des Finnois du type blond, qui descendent des Biarmes, dont parlentles Sagasscandinaves et des Permiens des chroniques russes, mais qui ont été vraiment scandinavisés par l’influence normande, puis qui ont été convertis à la religion orthodoxe.

Néanmoins, sur les rives des affluents delà Dvina supérieure surtout, ils ont encore conservé quelqius vestiges de leurs vieillescoulumes, même en matic ic religieuse.

Naguère, en plein moyen âge, les Zyrianes avaient des croyances se rapprochant de celles des Finlandais ; les Sagas ne parlent-elles pas d’un temple dédié à Jumala par les Biarmes (peut-être à Kolmogrod, à 47 milles de la mer Blanche, sur la Dvina, un ])eu en aval du confluent de la Pinega) ; ne parlent-elles pas aussi d’une statue de cette divinité, revêtue d’or et d’argent, qu’auraient détruite les pirates Scandinaves d’un certain Tliore, au temps de saint Olaf(xi" siècle)?

Mais, depuis la fin du xiv' siècle les Zyrianes ont cessé d’adorer le soleil, le feu, l’eau, les arbres et la

« vieille femme d’or » ; ils n’ont plus leur « bouleau

de prophétie ». Seuls, actuellement, des sacrifices d’animaux offerts devant les églises constituent les