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NOUD (RELIGIONS DE L’EUROPE DU)

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lui, « le bon Juiuala », qui, de 1res huul, dirige tout. Aussi le proclainel-on « le créateur très haut, l’arbitre suiiréræ du temps », celui qui « sépara l’air de l’eau, et [qui], de l’eau, tira la terre », — « le dieu suprême, le vénérable père céleste qui parle à travers les nuages, qui fait entendre sa voix à travers les espaces de l’air », — le « inaitre soiverain de la foudre B et le « dominateur des nuages », — a le dieu suprême entre tous les dieux, le Très-Haut, le Bienheureux ».

Jumala-Ukko est la seule divinité dont le Kalevala (complété par ce recueil de poésies lyriijues ([u’est le Kanleletar) permette de bien délinir le rôle et les attributions. Au-dessous de cet arbitre souverain, dieu suprême entre tous les dieux, qui commande spécialement au Ciel et à l’Air, apparaissent dans la mythologie finnoise de nombreuses autres divinités. Celles-ci, plus ou moins importantes, personniûent les forces multiples de la Nature. C’est que, pour les Finnois comme pour les anciens Romains, des influences occultes, des volontés immatérielles, sont en quelque manière incorporées aux objets qu’elles meuvent. Ces divinités sont en lutte cunstaiite les unes contre les autres, celles-ci étant des divinités de la lumière, de bons génies, et celles-là des divinités des ténèbres, de mauvais génies. Elles sont, d’autre part, d’ordinaire associées par couples — du moins les plus importantes d’entre elles —, et ces couples sont tous issus du sein de la Nature, qui les contient et qui les occupe, mais sont susceptibles d’avoir pour enfants des divinités inférieures, lesquelles i)rocèdent d’eux de toutes les manières.

Dans ce Panthéon anthropomorphique, dont les divinités sont de vagues personnifications au développement très incomplet, il convient de placer au premier rang l'épouse de Jumala-Ukko, Akka, « la vieille ». Celle-ci dilTère de Maan-enno, « la mère delà Terre », sans autre nom déterminé, qui est un témoin des toutes premières croyances des Finnois, cxaclement comme le nom de Juniala. Puis viennent Anto ou Ahti « le roi des vagues bleues, l’ancien des laux, A la barbe de gazon », et à côté de lui, comme .Vkka auprès d’Ukko, VVellamo, « la souveraine des ondes, la vieille femme au sein enveloppé de saules » ; de même aussi, « le roi des bois, le dieu tutélaire des forêts, à la barbe grise », le géant Tajiio (ou Vuippana, l’homme au long cou) et sa femme Mielikki, « la mère de la forêt », et Pellervoinen, le dieu protecteur des champs, qui exerce un pouvoir souverain sur les arbres et sur les plantes. En l’ace de ces divinités bienfaisantes, en voici de uiauvaises : Euroni, le dieu de la mort, qui règne sur la région des morts, dans la profondeur de la terre, en compagnie de cette Tuonetar, la femme, la mère, la reine de Tuonela, que le runoiat appelle par antiphrase « la bonne hôtesse ».

.utour deces divinités supérieures, la mythologie finnoise eu place d’aulresencore, desdivinilés secondaires et vraiment inférieures, ayant chacune son rôle déterminé. CesontdesHaltias, des esprits libres, et ils foisonnent. Il en est dans les airs, comme Anniki « la fille de la nuit, la vierge du crépuscule », et Terhenetar, la déesse des brouillards et des vapeurs qui, du haut des régions étliérées, répand sur la terre des nuées qu’elle passe au tamis, et Eteiiitar la déesse des vents du sud. Il en est dans les forêts et dans les campagnes, etqui sont légion : Suvetar, une déesse des bois, et les déesses des pins, des genévriers, des sorbiers, et celle des bois et des canards, qui a pour nom Sotkotlar, etc. N’oublions pas non plus Untamo, qui préside au sommeil et aux songes, Suonetar, une des déesses de la santé, qui a pour altributions spéciales la confection et l’entretien

des veines. Celle-ci a pour adversaires la déesse des maladies, Kivutar, et la déesse des douleurs, Wammalar, deux divinités malfaisantes comme le sont d’autre part Tursas ou Turso, à la figure monstrueuse, et Welehineii. ces mauvais génies des eaux, et le lils sanglant deTuoni, aux doigts crochus, aux ongles de fer, et ces lilles de ce même Tuoni, à la taille courte et au corps rabougri, parmi lesquelles se place au premier rang une autre déesse des maladies, Kipu-Tyttô. Toutefois, c’est encore dans Hiisi, ou Lempo, le dieu du mal, ((u’il faut voir le plus redoutable de ces innombrables esprits malfaisants.

Tenons compte enfin de la foule des conqiarses, — des haltias, eux aussi, — qui servent ces divinités et qui exécutent leurs ordres, qui en procèdent ou qui les accompagnent : « les belles vierges de l’air, les lilles bien-aimées de la nature », et aussi les vierges des rivages, à la parure de roseaux, avec leurs longues boucles et leur riche chevelure » ou encore les vierges des bois vêtues de bleu, qui habitent Havulinna, le château construit en sapin… Et n’oublions pas davantage ces lutins, qui sont parfois Us collaborateurs de divinités malfaisantes.

Telle est cette curieuse mythologie linnoise, toute anthropomorphique, et dont certains dieux sont aussi humbles que ceux des ieux Latins, lien ressort nettement qu’au moyen âge les habitants de la Finlande actuelle croyaient à une nouvelle existence au delà du tombeau, et dans cette autre vie, à des punitions pour les méchants. Le Kalevala l’indique formellement : « O vous, enfants des hommes, gardezvous, tant que durera cette vie, de pervertir les innocents, de précipiter dans le crime ceux qui sont purs ; vous en seriez durement puais là- bas, dans les demeures de Tuoni. Une place est réservée aux criminels : un lit de pierres brûlantes, de rochers de feu, une couverture de couleuvres, de vers et de serpents. >

C’est dans les entrailles de la terre que se trouve cet enfer ; y a-t-il, par contre, pour les bons, un paradis dans ces horizons lointains, dans ces espaces inférieurs du ciel, vers lesquels, à la (in du Kalevala, le runoïa Wainamoïnen, dirige sa barque en s'éloignanl des rivages de la Carélic ? Le poème ne l’indicpie pas.

Il doune à entendre, par contre, que les anciens Finnois croyaient à une sorte de métempsychose. L’histoire de la jeune Aino, qui s’est involontairement noyée et qui s’est transformée en un poisson unique, en fournit une preuve très nette, comme aussi cette parole du corbeau : a Jette de nouveau ton lils dans la mer ; peut être y deviendra-t-il un beau morse ou une gigantesque baleine. »

Le Kalevala ne fournit pas non plus de renseignements sur le culte que les populations dont il raconte la vie quotidienne et dont il chante les luttes contre les Lapons rendaient à leurs divinités. Mais on a relevé chez les Finlandais certaines traces d’une véritable ophiolâtrie, qui ne semble pas avoir différé beaucoup de celle qui existait chez les Lapons ; on a constaté aussi que le serpent jouait un très grand rôle dans la magie finnoise. On a d’autre part, signalé dans le Kalevala des allusions au culte religieux dont étaient les objets la mer et les fleuves, et les poissons, etc. Par ailleurs, il est question de lieux sacrés, d’idoles, de sacrifices, et de fêtes surtout agraires ; on sait aussi que les Finlandais avaient une fêle des ancêtres, une sorte de fête des morts. Il semble enfin qu’ils eussent des nombres sacrés, en séries (5, 6, ; , 8), ou isolés : 3 surtout, mais aussi 5. et 7, et g, qui est le carre de 3.

Un point sur lequel le Kalevala est presque intarissable, c’est l’importance et la puissance des sorciers