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MARIAGE ET DIVORCE

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la glorification de Dieu par l’espèce humaine, indéfiniment propagée et perpétuée.

A ce but fondamental de l’union conjugale, se joint, on l’a vu aussi, une autre liii, secondaire sans doute, mais grandement importante pour les époux eux-mêmes : s’unir, pour se compléter et se porter secours, dans leurs nécessités et dans l’accomplissement de leurs devoirs. Rien que d’honnête en tout cela.

Autre fin de l’union conjugale, dont la poursuite immédiate pousse souvent, en pratique, à la recherche des relations matrimoniales, et dont la moralité doit être bien précisée dans sa raison d’être et dans ses limites : c’est ce que l’école catholique appelle la

« sedatio conctipiscenliæ », ou la satisfaction de l’appétit

charnel. L’inclination aux relations sexuelles, à cause du plaisir qui s’y trouve lié, fait partie du plan providentiel. Le plaisir, en principe et sauf dérèglements nés du péché originel, est une invite à l’acte, à un acte bon, ou même parfois à un devoir. Le chercher dans cette ligne et dans la mesure où il conduit au terme assigné, est donc conforme à l’économie divine. Le chercher en dehors de ce plan, au delà de cette mesure, est un abus, un désordre et un mal moral. Telle est laloide la morale chrétienne authentique, sans laxisme inconsidéré comme sans rigorisme chagrin. Seule une confusion erronée entre l’honnête et le plus parfait pourrait y faire trouver à redire.

Sainement entendu, ce principe fait déclarer honnête et ordonné le plaisir cherché dans un acte dont la un objective et naturelle est honnête, et qui est accompli dans les conditions requises par cette fin. Sera, au contraire, en opposition avec la loi naturelle tout plaisir recherché au détriment de celle lin. De là, l’immoralité des plaisirs demandés à l’abus des organes de la génération dans le vice solitaire, parce qu’ils constituent un vol fait à l’espèce humaine. De là aussi l’illicéité des relations intersexuelles en dehors du mariage, parce que l’intérêt capital de l’espèce exige que l’acte de la génération soit réservé à l’union conjugale. De là, dans le mariage même, la possibilité de graves fautes. Il n’est point nécessaire, sans doute, à la moralité des relations conjugales de leur donner comme terme de ses intentions explicites la génération. Il n’est pas nécessaire que celle-ci suive en fait, ni même qu’elle puisse en tout état de choses et toujours se produire. La poursuite des fins secondaires du mariage suffît à en légitimer l’usage. Toutefois on ne peut licitement entourer cet usage de précautions qui tendent directement à rendre la conception impossible. Rechercher les fins secondaires du mariage, même bonnes, mais exclure positivement, par ses manœuvres, la fin primaire, est un renversement pratique de la hiérarchie des fins et, par conséquent, de l’ordre naturel voulu par le Créateur. Ce vice porte un nom tristement connu, l’onanisme.

B. Obligation. — Il est hors de doute que le mariage est, pour l’humanité en général, une nécessité, puisque l’espèce humaine, dans le plan divin, doit se perpétuer, et ijus cette perpétuité n’est possible que par le mariage.

Mais ce qui est une nécessité pour l’homme en général, est-il une obligation morale pour chaque homme en particulier ? Un droit, oui ; un devoir, non. Le célibat n’est donc pas une diminution morale par la fuite devant un vrai devoir. Une inclination, nous l’avons dit, porte avec plus ou moins de force chaque homme aux relations matrimoniales ; elle a pour fin de procurer la perpétuité de la race. Mais si les inclinations qui nous portent aux actes nécessaires

à notre perfection individuelle constituent pour chaque individu une yraie loi, parce que chacun doit acquérir les perfections nécessaires à l’homme, il en va autrement des inclinations qui nous poussent à procurer des biens nécessaires à la50c(e’<e. Ces biens étant variés et souvent incompatibles l’un avec l’autre, les inclinations qui nous portent à les poursuivre ne peuvent toutes obliger chaque homme. Autrement, comme le dit S. Thomas (A"H/)/)/emen<., q. 4’. a. 2), chacun denousserait obligé de s’occuper d’agriculture, d’architecture, puisque cesemi>lois sont nécessaires à la société. Comme donc il est nécessaire à la perfectio-n de l’humanité que quelques-uns s’adonnent à la vie contemplative, si peu conciliable avec le mariage, l’inclination pour ce dernier ne peut marquer une obligation. Et cela, au regard même de la philosophie. Aussi Théophraste établit-il qu’il n’est pas expédient pour le sage de se marier. Sur le caractère facultatif de l’union conjugale, pour les individus, au point de vue physiologique, voir l’article Chasteté.

C. Unité. — Si l’on considère la fin primaire et les fins secondaires du mariage, et si on cherche le régime qui satisfait le mieux à ces fins, nul doute tpie la loi véritable soit celle de l’unité : un seul mari pour une seule femme. Ainsi se réalise la pleine concentration désaffections sur les enfants communs aux deux parents ; ainsi sont évités les partages du cœur, difficilement égaux entre séries d’enfants qui ne sont que demi-frères ; ainsi sont supprimées les préférences odieuses, toujours injustes, les jalousies, les rivalités entre conjoints multiples ; ainsi est naturellement observée l’égalité essentielle des droits entre le mari et la femme. Ces raisons, sur lesipielles il n’est pas besoin d’insister, sufiisent à faire proscrire la polygynie, ou pluralité des femmes, comme opposée aux Uns secondaires du mariage, et même comme nuisant à la bonne éducation des enfants. Ainsi, sans la déclarer absolument contraire à la loi naturelle, est-on du moins forcé de reconnaître qu’elle constitue une notable imperfection dans le régime matrimonial.

Pour la. polyandrie, ou pluralité des maris pour une seule femme, philosophes et théologiens catholiques ont toujours été plus sévères et l’ontrigoureusement condamnée au nom du droit naturel. A tous les inconvénients de la polygynie, en effet, elle joint encore ceux-ci : i) l’incertitude de la paternité, si contraire à l’instinct absolument légitime du père et si radicalement opposée à l’éducation des enfants, puisque aucun des maris n’a devoir ni même droit certain d’intervenir ; 2) il semble môme inévitable que, par suite des relations variées et trop fréquentes imposées à la femme unique, la fécondité en soit diminuée et bientôt supprimée. Tout ceci fait qu’en pratique la polyandrie, comme régime commun de famille, est tout à fait exceptionnelle, si même elle existe. Mgr Lu Roy (op. c, p. I02)affirme qu’il n’en connaît aucun exemple chez les Bantous. On a souvent parlé de la polyandrie au Tibet. Voici le témoignage d’un voyageur : « La polyandrie du Tibet a fait couler beaucoup d’encre. Les sociologistes inclinent à la considérer comme une des manifestations du parfait communisme de la famille, par lequel tous les frères ne font qu’un avec leur aîné, ayant la même femme comme ils ont les mêmes biens. Or, nous n’avons trouvé ni communisme ni polyandrie : à la mort du père, ses enfants se divisent ses liiens par parts égales et s’installent chacun de leur côté pour leur compte ; naturellement, ils ont chacun leur femme, ou même plusieurs, bien qu’assez rarement ; je n’ai pu savoir si la polygamie