Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/538

Cette page n’a pas encore été corrigée

1063

NATALlïl

106

grande jeunesse, d’avoir eu déjà une aussi noml )reusfi postérité que leurs aînés ; injustes enfin à l’égard de quiconque, sans avoir eu jusqu’à présent ou sans jamais avoir une noralireuse descendance, serait moralement innocent de son peu de fécondité. Tels un veuf ou une veuve ayant été marié peu de leraps.

Enlin beaucoup de personnes pensent qu’un élargissement de la liberté testamentaire, une extension des pouvoirs du père et de la mère de famille sur leur succession, aurait une puissante action pour relever la natalité. Lu Pi.av et ses disciples ont accrédité cette opinion, que le partageé^al est une innovation du Code Napoléon et que ce régime a introduit ou développé le nco-inaltbusianisiue ; dans cette situation, disent-ils, la restriction volontaire est le seul moyen qu’on a d’erapéclier la destruction du foyer familial avec la dccbéance de situation des enfants ; par conscquent, le retour à la liberté testamentaire, qui dispenserait de ce calcul, serait le remède le plus ellicace contre la stérilité volontaire.

Sans doute nous croyons, quant à nous, qu’il serait utile d’accroître le pouvoir testamentaire des parents, pour relever leur autorité domestique, et nous avouons que le souci de laisser après soi une postérité au moins aussi ricbe qu’on l’a été soimême, inspire et conseille dans une foule de cas les restrictions néo-mallliusiennes. Mais cela dit, nous pensons que Le Play et son école commettent ici une erreur en histoire, et que la réforme réclamée serait sans aucune pnicacilé appréciable.

En effet, au moins en ce qui concerne les biens roturiers, le droit coutumier et l’ancienne Krance avaient, dans l’immense généralilé du territoire national, le partage égal et les droits de réserve des enfants, sans que pour cela l’on y fût néo-maltbusien (Voyez, pour les détails, René Worms, Natalité et régime successoral, 1917). Ensuite, les parents usent trop peu de la liberté testamentaire qu’ils ont, pour qu’on puisse penser qu’une liberté plus grande dut être beaucoup plus pratiquée. Kaut-il ajouter enlin que les milieux ouvriers urbains, pour qui les successions de famille importent peu et dans lesquels, du reste, les parents peuvent si aisément avantager tel ou tel enfant par des dons manuels de titres mobiliers s’ils en ont, ne seraient nullement atteints par la réforme que l’on présente comme la clef de voûte d’une régénération sociale ? Bonne en soi, cette réforme n’atteindrait pas le but que l’on vise.

Sans doute, des mesures législatives peuvent être salutaires, car, ainsi que vient de le dire M. Jordan, chargé de cours à la Sorbonne, dans son très remarquable rapport sur ce sujet à la journée diocésaine des œuvres de Paris, en igi’j, « il est bon de placer les hommes dans des conditions telles que l’accomplissement de leur devoir ne leur soit pas trop dillicile > (Contre la dépupiilation, le point de t’ue catholique, >. 9). Mais il ajoute presque aussitôt que,

« en n’ayant jamais à la bouche que primes, dégrèvements

ou surtaxes, ou parlant toujours d’utiliser l’égoïsme, on commet la très grave imprudence de faire appel à cet esprit de calcul, sans penser que par là même on l’encourage, avec la certitude de le voir se retourner contre la lin que l’on poursuit ».

Il faut faire appel — et faire ouvertement appel — à la notion du devoir chrétien, en le réapprenant d’abord à ceux qui, chrétiens et souvent catholiques pratiquants, l’ignorent ou n’y croient qu’à demi, parce qu’on le leur a laissé ignorer, mal connaître ou oublier.

Cette oblitération de la notion du devoir conjugal a deux causes : chez les uns, l’ignorance, le dédain, le mépris même de la vérité religieuse et de la

morale clirétienne ; chez les autres, je veux dire che les catholiques, l’inertie, le souci d’une tranquillit à ne point troubler en soi ou d’une bonne foi à n pas inquiéter en autrui, parfois aussi unecertaine pu dcur ou plutôt une certaine pruderie qui pousse à n [las remuer ces problèmes de la moralité conjugale

he docteur Bkutillon elles économistes en généra sont parmi les premiers. Ils ne croient pas à la pui : sance d’une foi à laquelle elle-même ils n’adhèren point. L’idéal chrétien s’est évanoui, dit le docteu Beutillon, et aucun autre ne lui a été substitué ju : qu’à ce jour. » Pouriquoi même ne pas douter d

« i’etlicacité pratique de cet idéal » ? (La Uépopulo

iion française, p. 119 et 126) M. Lbroy-Buxulibi il est vrai, accepte bien ou même réclame le concoui des prêtres « au moins jusqu’au troisième enfant (/.(i Question de la population, igiS, p. 43^) ; mais 1 foi lui manque en la vertu surnaturelle de cette rel gion qu’il appelle à sou aide. On parle plus voloi tiers d’eH^e’Hiime et d’une adaptation phj’sique, dur sélection à double liii, qui seule povirra donner t beaux produits (Bboch.iiet, Précis d’économie polit que, 1912, p. li’i et s.) ; mais on oublie ou l’on m prise la morale. Il faut que nous en restions sur cet* page brutale et cynique de M. Charles Gide : « L’mobiles (de la reproduction), dit-il, précisémes parce qu’ils sont sociaux, n’ont aucun caractère m cessaire, peruianent, universel », — on a l’ait ui » confusion biologique » entre « l’instinct sexuel qui est n d’origine animale », et « l’instinct de repr duction », qui « a surtout des origines sociales religieuses 11 ; aussi bien, « dans des milieux sociai nouveaux, de nouveaux mobiles de reproducti< pourraient surgir, je le crois, mais ils nous so complètement inconnus n (Histoire des doctrines éc nomiques, 1911, p. 153-15’i, par MM. Gidb et Charl RisT, professeurs d’économie politique et sociale, 1’à l’Université de Paris et l’autre à l’Université <( Montpellier). Et voilà, puisque ce sont les livr classiques des professeurs de l’Etat, la iiâtnre inti lectuelle que reçoit notre jeunesse des Ecoles !

En face de ces vices de la vie journalière et de c monstruosités révoltantes de la doctrine, quelle donc été l’attitude des catholiques ?

Ici nous souscrivons tout à fait au jugement M. Jordan, dans le rapport que nous citions tout l’heure de lui et que S. H. le Cardinal archevêque Paris, le faisant précéder de quelques lignes de pi face, a loué très hautement comme « clair, préc mesuré, courageux, de nature à servir grandeme une cau’ie qui intéresse au plus haut point l’avei de la France ».

« Lors même, dit M. Jordan, que personuellcrae

les catholiques n’ont pas de reproches à se fai ils ont leur part de responsabilité dans la faute c leclive du pays. Ils ne sont pas les premiers à rav( signalée, étudiée, dénoncée. Encore aujourd’hui, comprennent-ils bien la gravité ?…

Il ne faut pas ss flatter qu’un retour à la pra que religieuse relèverait aussitôt le chiffre des na sauces, ni qu’on travaille à guérir le mal d’u manière indirecte, mais elUcace, par le seul f qu’on s’occupe en général de promouvoir la religit C’est une illusion séduisante, parce qu’elle exci l’abstenlion et endort la conscience ; mais, en r^ lité, rien ne peut dispenser d’aborder de front question, si épineuse qu’elle puisse être. » (Op. c pp. 28-39)

L’Eglise, dirons-nous ici nous-mêrae, n’a pas rougir de ce qu’elle a toujours enseigné, et elli d’autant moins à en rougir que de là dépend le s lui, c’est-à-dire la conservation des peuples et de l’rance.