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NATALITE

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notre Cours d'économie politique, t. II, p. 40). « Ce sera peut-être, disait aussi Neckkr en i’j84, un des maux de l’avenir, et l’on aperçoit déjà les indices d’un coupable relàclienient. » (De l’Administration des finances de la France, 1784, 1, 9)

Parcourons les causes possibles de cette stérilité toujours croissante.

Dans l’ordre pliysiologique, nous écartons résolument un déclin naturel ou fatal de notre race. L’alcoolisme lui-même, très discuté, paraît être un facteur de mortalité infantile beaucoup plus que de stérilité : en tout cas, la Basse-Bretagne, quoique adonnée à l’alcool, garde relativement à peu près le premierrang en France, et les localités industrielles de la Seine-Inférieure sont aussi parmi les meilleures, quoique la consoraiiiation de l’eau-de-vie ne soit nulle part plus élevée Restent les maladies vénériennes : elles doivent jouer un certain rôle (De FeMCB, Les naissnncfs en France, p.io3 et s.), mais pas très considérable, en rentrant bien ouvertement dans les obstacles préventifs vicieux de Maltbus.

Dans l’ordre économique, nous ne croyons pas pouvoir rien expliquer par les diincullés de l’existence. Là contre protestent et la natalité meilleure de nos classes misérables et l’immigration constante des étrangers, venant vivre chez nous pour nous prouver que nos enfants aussi pourraient y vivre. En tout cas, — mais ce serait de bien-être et d’ascension intellectuelle qu’il s’agirait, et non pas de misère et de paupérisme — en tout cas, ni la loi de Spencer, ni celle de Doubleday ne pourraient s’appliquer, sinon à une faible partie de notre population ; elles seraient, par conséquent, sans effets appréciables sur sa masse numérique. De la loi de Doubleday nous ne retiendrons que le renouvellement nécessaire et incessant des aristocraties, par une mystérieuse volonté de la Providence sur les sociétés.

Les causes d’ordre moral proprement dit sont de braucoup les plus actives. On n’a pas d’enfants, parce qu’on ne veut pas en avoir. On recourt alors soit à l’onanisme conjugal et aux précautions anticonceptionnelles, soit à ravortement, malgré ses réels dangers. M. Prévost, dans son opuscule Les Avortements (19 12), conclut à 100.000 par an pour Paris et à io.ooo pour Lyon (ce dernier chiffre est celui qui est avancé par le docteur Lacassagnk dans son Précis de médecine lésiule). Le docteur Bddin n’en admettrait bien que 1 85. 000 pour toute la France ; eej)endant les gynécologues les plus autorisés acceptent le nombre de ijoo.ooo. La Société obstétricale de France » a conclu que, « d’après les plus récentes statistiques des maternités des grandes villes, l’avortement détruit prématurément le tiers des produits de la conception » (Cité par Dbhrrme, dans Croître ou disparaître, pp. 69-71). Les 700.000 naissances eflTectives en seraient ainsi les deux autres tiers, et ces chiffres sont bien concordants entre eux, tout en laissant une immense marge pour les manœuvres anticonceptionnelles proprement dites, si l’on eu juge par les capacités naturelles de reproduction que la race française devrait présenter.

Ainsi envisagé, le néo-malthusianisme fleurildans les conditions sociales les plus diverses.

Ile « t vrai que les couches tout à fait inférieures de la population, incapables de prévoyance, s’abandonnent sans calculer aux instincts de la nature et <iue, d’un autre côté, les familles sincèrement et profftudément chrétiennes font une heureuse exception dans ttms les rangs de la société, dans les milieux les plus riches comme dans les milieux intermédiaires ou les milieux les plus humbles. La haute

bourgeoisie lyonnaise en est un exemple frappant, auquel M. Lbvasseur a rendu un juste hommage {Ln Population française, l. V, ch. v, 1. 111, p. 169).

Très souvent, les classes riches sont spécialement incriminées de néo-malthusianisme, et les statistiques dressées par quartiers pour Paris et Berlin notamment appuieraient cette conclusion. Nous n’y souscrirons pas. Nous pensons qu’il faut tenir compte : i" de la proportion des domestiques célibataires, plus élevée dans ces quartiers ; 2" des longues absences de villégiature, qui marquent en quelque sorte d’un coefQcienl moindre les individualités recensées officiellement dans ces quartiers comme des habitants d’année entière ; 3° de l’action de la loi de Doubleday, qui, sans effet sensible sur toute une population composée en immense partie de travailleurs manuels, en a bien une sur la fécondité naturelle des classes sociales amollies par le luxe, a II n’y a pas, dit M. dk Felice, de famille dont la fécondité puisse résister à cinq générations de suralimentation ï, à cause de l’arlhrilisme et de l’hérédoarlhritisme qui en sont la conséquence. (Les naissances en France, p. 108. Voyez aussi Carry, Priiiciples of social science, ch. 11, p. 303 et s.) Quoi qu’il en soit, les familles sincèrement catholiques du haut commerce de Lyon et de la gTande industrie du Nord sont justiliées sullisarament par leur saine et robuste fécondité.

La proportion différente des sexes suivant les milieux et les temps va aussi nous ouvrir des aperçus bien singuliers et sans doute bien suggestifs.

C’est un fait d’observation que les naissances masculines sont plus nombreuses que les naissances féminines : mais cette supériorité n’est pas invariablement la même, elle a notablement décru depuis le xii< : et le xvui" siècle [à Londres, 1.076 garçons contre i.ooo filles dans la période 16 18- 1682 (William PcTTY, Œuvres économiques, tr. l’r., 1905, t. ii, p. 4 la) ; en France, 1.067 garçons contre 1.000 au xviii* siècle, suivant Moueau (Op. cit., 1778, t. I, p. 138) ; et actuellement, moins de i.o/|0 garçons contre i 000 tilles]. Il y a en notoirement une baisse régulière et continue, tout au cours du xix" siècle. Enlin, cette supériorité des naissances masculines était toujours sensiblement moins forte parmi les naissances naturelles que i>armi les naissances légitimes. Quelle peut bien être la cause de ces phénomènes ou plutôt quelle est la loi à laquelle ils obéiraient ? (On peut étudier Corrado GiNi, // sesso dat punto di vista statisiico, Milano, 1908 ; Worms, La se.rualilé dans les naissances françaises. 1912. Voyer notre Cours d'économie politique, t. ii, p. 30)

Deux opinions ont été soutenues. Elles sont probablement vraies l’une et l’autre à la fois, avec des inllnences tantôt convergentes, tantôt divergentes.

D’une part, la vie abondante et facile — la réplétion, selon Docdleday, et l'état anabolique. selon GiNi — diminue la masculinité, que favorisent au contraire la déplétion et l'état calaliolii/ue. D’un autre côté, le jeune âge de la femme et surtout l’infériorité de son âge par rap[>ort à celui de l’homme accroissent les chances de naissances féminines, la première explication — réplétion où état anabolique — suffirait à faire comprendie pourquoi le rapport des sexes s’est altéré en France au cours du xix » siècle, parce que l’aisance s’y est beaucoup accrue ; elle ferait aussi comprendre une proportion relativement plus élevée de filles dans les familles riches, si ce phénomène était bien reconnu partout, comme il l’a été en Suède. Mais cette explicalion-là ne peut pas donner raison d’une différence de proportion des sexes selon que l’on observe les naissances légitimes ou bien les naissances naturelles, différence qui