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NATALITE

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V. L'élal acliicl de la question eu Fiance ;

VI. /.a nécessité de la lutte contre l’immoralité néû-malthusicnne, et les /ormes possihles de cette lutte.

1. La théorie de Malthus — Y a-t-il une corrélation nécessaire cnlre la quantité possible des subsistances et le nombre d’iioniiiiesqul les produisent par leur travail ? Si oui, l'é<|uilibre ne sera jamais rompu et le problème n’existe pas : un milliard d’iioninies vivra sur un espace donné, aussi facilement que cent millions ou un million. Seulement, il y a un élément dont nous ne pouvons pas faire abstraction : c’est l’espace. Multipliés à l’excès, les hommes en manqueraient i)our eux-mêmes, comme pour les ciilUires ou travaux quelconques auxquels ils s’adonneraient. Ainsi en estîl pour les espèces animales et vcufétales, dont ])resque chacune parviendrait à couvrir toute la zone de la terre où elle peut vivre, s’il n’y avait pas de causes extérieures de destruction qui refoulent un excès de développement. En esi-il de même pour le genre humain ?

On n’ignore ni la réponse de I’laton dans la liépiiiiliqiie et le- ; Lois (1. V, ch. viii et x), ni celle d’AnisTOTE dans la l’olitique (1. V, ch. xiv, § lo ; item §6). Avec eux, le retard de l'âge du mariage, l’abandon des enfants nés difformes et surtout l’avorlement prémédité et systématique doivent obvier aux dangers de surpeuplement. A ces conditions, la cité n’accroîtra pas le nombre de ses membres au delà des limites fixées par la loi ; car les anciens n’ont pas la même idée que nous de la liberté civile et ils n’en ont aucune du progrès.

Mais l’imuioralilc devait dissoudre les sociétés païennes. Deux siècles jdus tard, Polybe se désolait de voir jusqu'à quel point la Grèce s'était stérilisée et rendue impuissante par son égoïsme (Histoire, l. XX.XVII, ch. IV, édit. Uidot, I. III, p. 133) ; et in autre siècle après, pour enrajer le fléau, au moins dans les classes riches, Acgustb allait essayer des lois caducaires — lois Papia et Julia Poppæa, — qui, dans les successions, avantagèrent les patres aux dépens des orhi et surtout des cælihes.

Puis le problème disparaît des préoccupations. Avec les barbares, les mœurs sont redevenues conformes sur ce point à la loi naturelle, comme elles le sont du même coup avec la loi chrétienne ; les artilices d une civilisalion corrompue ne sont plus en usage ; quant au tropplein, s’il y en avait un que les malheurs des temps ne pussent pas refouler, bientôt la vie monastique, si florissante et si répandue au moyen Age, va sullire pendant bien des siècles à l’absorber. A peine une inquiétude reparail-elle au xiv siècle avec le Sumniam viridarii (le Songe du vergier) de Raoul de Pkeslcs ou de Philippe db Maizièrks (13^G).

Sous la Renaissance, tout au cours du xvii' et même du xviir siècles, on considère un chiffre élevé de population comme un signe ou une cause de richrsse et de puissance d’un Etat. « Il ne faut jamais craindre, dit Bodin, qu’il n'}' ait trop de sujets, vu qu’il n’y a richesse, ni force, que de citoyens. » (De la liépiiblique, 1. V, ch. ii, 15^6.) BoTuuo, a » même temps, développait la même considération dans son traité Dclle cause délia graiidezza délia Città (1698) et dans sa Ragione di Stato (1699). Au xviii' siècle, Mirabeau, surnommé » l’Ami des hommes » à cause du litre de son grand ouvrage, }.'.4mi des hommes : Traité de la population (i^à^), fait encore consister la richesse dans la population ; mais comme celle-ci est limitée par la subsistance, c’est par l’amélioration de l’agriculture que l’aceroissement de la population doit être obtenu.

L’Anglais Malthus (i^GC-iSS^) va poser résolument la question. Fils d’un pasteur anglican et ])astcur lui-même, élevé dans une famille qui a eu pour Ilotes Hume et Rousseau, il a entendu louer autour de lui Gonwi.N, qui, dans son Inquiry coiicorning political justice and ils in/luence on morals and liappfuiss (1793), a attribué la misère des pauvres à la durelé des ricins. Malthus soutient une Ihcse toute différente. Selon lui, cette misère provient d’un excès de population, à lel iioint que, si cet excès ou cette tendance à l’excès persistent, aucune aumône ne pourra jamais relever la condition des malheureux. Sur ce thème, il écrit en 1798 son Essai sur le principe de population. Puis il entreprend de grands et longsvoyages dans les pays du Nord, en Suisse et en Savoie, afin de recueillir sur i)hice les documents st.ilisliques qui lui manquent cl qui du reste sont partout fort rares. A cette époque enl’iii il donne (en 1803) son Principe de population sous sa forme délinilive. Il appartient dès lors tout entier à l'économie politique, sans que ses leçons au collège d’IIaileybury ni ses autres ouvrages ajoutent quoi que ce soit à sa renommée.

Sa théorie tient tout entière en trois propositions, dont la troisième sort logiquement du contraste des deux premières. — 1" « Lorsque la population, dit-il, n’est arrêtée par aucun obstacle, elle va doublant tous les vingt-cinq ans, et croit de période en période selon une progression géométrique : — -1 II D’après l'état actuel de la terre habitée et dans les conditions les plus favorables à l’iiulustrie, les nioj-ens de subsistance ne peuvent jamais augmenter plus rapidement que selon une progression aritJimétique (Principes de population, 1. 1, eh. i, éd. Guillaumin, p.8 et 10). — Donc : 3° « I.es hommes ont une tendance à se niultijilier plus rapidement que les subsistances dont ils auraient besoin. Nous aurons par exemple, pour les existences humaines, la série des nombres 2, /p, 8, 16, 32 ; pour les subsistances, la série des nombres 2, ^, G, 8, lo. Au bout de quatre périodes de vingt-cinq ans, soit dans 100 ans, les hommes devront ctro Sa millions au lieu de 2 millions : mais ils auront tout au plus à manger pour 10 millions,.insi, comme l’a dit Charles l'ÉBiN, professeur d'économie politique à l’Université catholique de Louvain, <' la force mystérieuse qui préside à la mullijilication de l’espèce humaine tend à dépasser dans son inipctuosilé les progrès du travail ; la population s’avanceeontinuellement à la limite des subsistances. » (Charles Pkhin, l.a Richesse dans les Société » chrétiennes, 18O1, 1. IV, ch. I, t. I, p. 552)

« Je sais bien, dit Malthus, que les millions excédant dont j’ai parlé n’ont jamais existé. » (Us n’existent pas, parce qu’ils sont empêches par des obstacles ou checlis.)

A cet égard, Mallhus distingue :

i"> Les obstacles préventifs, qui empêchent les naissances. Ils se subdivisent en deux sortes : les obstacles vicieux (débauche, prostitution, etc., toutes causes qui stérilisent), et les obstacles raisonnables (relard à se marier, el moral resliaini ou abstention de l’acte conjugal dans le mariage). Les « manœuvres anticonceplionnelles » doivent-elles être classées parmi les obstacles raisonnables ou parmi les obstacles vicieux ? Malthus ne traite nulle part ce sujet : cependant il y a lieu de croire qu’il pense aune conlinence absolue, quand il parle de moral restraint comme si d’une façon générale il demandait aux époux un effort assurément difDcile à obtenir ;

2° Les obstacles répressifs, qui font disparaître des vies déjà commeiuées : et ici Malthus nomme les épidémies, les guerres el les famines, comme s’il