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MARIAGE ET DIVORCE

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son importance, cliez les Basques, une des races (lù les luaurs l’aïuiliales sont les [)lus pures et les plus fortes, les plus opposées à la promiscuité.

Le l’ait est avéré, soit ; mais les conclusions qu’on en prétentl tirer ne le sont pas. En.frique, le régime du patriarcat, au dire de MgrLK Roy, parait être le plus ancien. Uesten vigueur chez les Négrilles et chez un très grand nombre de tribus bantoues.

Le matriarcat existe aussi chez nombre de peuplades, où la parenté, l’autorité et l’ordre des successions passent du coté de la mère. Mais c’est l’oncle maternel qui exerce tous les droits. De là son importance, qui est proportionnée au nombre de ses sœurs mariées, à la valeur des dots, reçues lors du mariage, et aux alliances et dots que lui apporteront les petites lilles à venir. N’y a-t-il pas là un moyen de développer la puissance de la famille à laquelle appartient la femme, plutôt qu’une relation quelconque avec la promiscuité’? Bien plus, au dire du même écrivain, une autre pensée paraît guider dans cette pratique les chefs de villages et de tribus : s’assurer des successeurs de leur sang. Or pour le chef, choisir à cet elfet un lils de sa sœur est évidemment plus sur i]ue d’accepter le ûls de sa propre femme, dont il n’est pas toujours nécessairement le père. Le régime matriarcal naîtrait donc de l’aversion pour une succession illégitime et de la crainte d’un adultère possible de sa propre épouse ; nullement de l’esprit tout opposé qu’eût laissé la pratique paisible de la promiscuité.

Le JUS primæ iioclis, d’un usage relativement récent et d’ailleurs très restreint, a été invoqué comme un vestige de la promiscuité, comme une reconnaissance Les droits de la communauté violés par la monogamie. On a voulu donner le même sens à certains usages d’hospitalité, qui obligeaient le mari à céder tous ses droits à son hôte.

Disons, d’abord, que les faits paraissent trop rares pour avoir une portée sérieuse, et se produisent plutôt chez des peuples dissolus que chez des peuples primitifs. En second lieu, il importerait d’établir qu’ily a, dans cetteprali<]uc, une loi reconnue comme telle, et non pas un compromis introduit par la crainte ou la vénalité, ou simplement la dissolution. Cette dernière surtout, jointe aux aberrations du sens moral qu’elle entraîne, ne suffît que trop à expliquer les usages cités. Il est dès lors arbitraire de recourir à des interprétations qui ne reposent sur aucune preuve positive et qui sont uniquement admises, comme une hypothèse, pour établir la préexistence d’un droit tout aussi hypothétique. Prouver une bypothèse par une autre hypothèse, est-ce bien scientilique ?

La prostitution sacrée a, on le sait, existé chez nombre de peuples d’origine sémite : les femmes devaient, ou une fois dans leur vie, soit avant soit après le mariage, ou même chaque année, se livrer aux adorateurs de certaines divinités, prolectrices de la fécondité. Dans cet abus monstrueux, on a encore voulu voir une persistance pratique du droit de la communauté sur toutes les femmes, et une preuve de la promiscuité originelle.

En réalité, il n’y a là qu’une des déviations les plus humiliantes du sens religieux. C’était pour honorer les déesses de la fécondité, et nullement pour reconnaître la loi de la promiscuité, qu’on leur dédiait, comme l’hommage d’un culte religieux, ces pratiques honteuses. Et ceci devient beaucoup plus évident si, de cette prostitution sacrée passagère, commune à toutes les femmes, on rapproclie celle à laquelle étaient vouées, par profession, les prêtresses de ces mêmes divinités. Voici, à ce propos, le témoignage d’un maître en ces questions : « Les

Sémites (sans les Arabes et les Hébreux)… transportant dans les objets de leur culte les tares qu’ils portaient en eux-mêmes, … s’ingénièrent à calmer les dieux vengeurs par l’offrande de victimes humaines et à imiter les déesses lascives par les rites obscènes des prostitutions sacrées. Parla, sans doute, ils reconnaissaient le droit des dieux sur toute vie et toute génération ; ils oubliaient que la conscience humaine a en elle un fonds de réserve et de pudeur, de pitié et de miséricorde, que la religion doit entretenir et non heurter de front. Mais en même temps, les instincts pervertis qui coexistent avec ce fonds de bonté et de moralité trouvaient leur compte dans les cultes grossiers et sanguinaires. Aussi les Israélites, dépositaires du monothéisme, se sentaient-ils sollicités par les solennités « sous tout arbre vert » qui se célébraient sur leur propre sol. Il ne fallut rien moins que l’action des prophètes, secondée par celle des rois de Juda, pour soutenir la religion de lahvé contre la poussée envahissante des pratiques babyloniennes, sjriennes et cananéennes. » (P. Dhorme, Uà en est Vliistuire des religions ? — Revue du Clergé français, i"’décembre 1910, p. 53 ;.) On doit à M. J. Gauvière, professeur à l’InsUlut catholique de Paris, une enquête historique sur Le lien conjugal et le divorce, dans les civilisations anciennes, Paris, Thorin, 8", 51 pp.

On peut encore voir sur ce sujet le Code de Ilammourabi, par. 178 et suiv., p. 87 suiv. trad. ScHBlL, Paris 1904, 2* édit.

Il est donc bien établi que la promiscuité, si elle a existé et si elle existe encore, a été et demeure une exception et qu’elle n’est nullement la règle suivie dans les relations intersexuelles ; que cette exception enlin, loin d’être liée à l’état primitif des races, est due plutôt à la perversion des mœurs natives.

Après cela, que l’alliance entre un homme et une femme se soit faite, çà et là, sous forme d’enlèvement, quelquefois réel, le plus souvent simulé et symbolique, ou encore que le mariage ait été un contrat d’achat conclu entre le prétendant et le père de la jeune ûlle, le travail de celle-ci représentant une utilité qui mérite compensation : ce sont là modalités accidentelles, qui témoignent d’une évolution dans la forme de l’institution conjugale, mais qui ne prouvent rien contre son origine naturelle, telle qu’elle a été exposée.

En résumé, vrais ou fictifs, ces faits, comme l’ensemble des arguments apportés par la thèse évolulionniste, n’ont une force probante que si l’on suppose ce qui est en question : savoir, que Vinlerprélation des faits cités est autre chose qu’une hypothèse ; que les usages constatés, çà et là, dans les relations sexuelles, ne sont pas des désordres anormaux, mais l’accompagnement normal d’un état primitif de l’humanité, une étape initiale dans sa marche ascendante vers l’état actuel, une manifestation inférieure du droit naturel. De la thèse évolutionniste on a pu faire un système cohérent et séduisant ; mais on n’aura qu’une construction idéale, un édifice en l’air, tant qu’on n’aura pas montré que ses prétendues lois sont en accord avec les lois de la vie, que son interprétation des données historiques cadre avec les lois essentielles de l’&me ou, tout simplement, avec les faits psychologiques bien constatés. Or rien de tout cela n’est solidement prouvé.

4° Caractères du mariage. — A. Moralité. — Le mariage, avec les actes <]ui le spécifient, est une institution naturelle, puisque par lui seul peuvent se réaliser et le plan de r.uteur du monde, le « Croissez et multipliez-vous », et la fin de toute la création,