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NANTES (REVOCATION DE L’EDIT DE)

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yeux siu’les assemblées extra-légales où s’accomplissait la célébration de leur culte. Souvent nicine, on inscrivait le mariage sur le registre paroissial, sans aucune mention de céiénionie religieuse. A défaut de libre accès aux charges publiques, les protestants exerceront en paix les earrièi-es commerciales et industrielles. Malgré bien des heurts, qui tiendront à des circonstances particulières et qui résulteront de l’illégalité de cette situation, telle va être, en gros, la condition des protestants, — minorité dcsoruiais très réduite, — au xvin’siècle.

Les prolestants d’Alsace n’auront jamais été in((uié|os dans la jouissance du statut particulier ({ui les régissait depuis l’annexion de leur pi’ovincc à la France.

Le législateur de 1685 avait cru qu’au bout d’un petit nombre d’années, il n’existerait plus de huguenots français. Tout avait été calculé en conséquence. Mais une minorité protestante continua de subsister : et ce fait bouleversa l’application prévue de lEdit de lîévoeation. Après de douloureuses expériences. Il fallut en venir à s’accommoder, par manière de tolérance extra-légale, d’une partie des franchises religieuses et civiles qui avaient été autrefois sanctionnées légalement par l’Edit de Xanles.

Le dommage (pourtant énorme) causé au protestantisme français jtar la politique religieuse de Louis XIV fut beaucoup moins considérable encore que le dommage moral qui résultera de l’Edit de Révocation pour l’Eglise et la Monarchie. Dommage moral dont les conséquences durent toujours, après deux cents ans accomplis, et se sont même aggravées, depuis que la Révocation de l’Edit de Nantes, séparée des circonstances historiques qui aident à la comprendre, a reçu de la légende les surcharges fantastiques qui lui donnent le caractère d’un symbole et d’un épouvantait.

IX. Appréciation des responsabilités. — La Révocation de l’Edit de Nantes est un événement considérable et complexe qui ne saurait être l’objet d’une approbation ni d’une réprobation sommaire, l’anl du point de vue doctrinal que du point de vue historique, bon nombre de distinctions s’imposent, distinctions d’une nuance pyrf<’is délicate.

1° L’Edit de Nantes (même libéré de ses exorbitantes clauses politiques) constituait une dérogation au droit publicde toutes les nations catholiques ou protestantes de cette époque.

2’L’Edit de Xanles n’avait pas été, en iSgS, l’objet d’une libre et solennelle délibération, mais avait été arraché à Henri IV par une nécessité impérieuse de sagesse politique.

3" L’attitude séditieuse des protestants français, dans la plupart des circonstances où il leur avait été po’îsible de s’insurger ou de conspireravcc l’ennemi du dehors, eut pour effet de créer, chez beaucoup de Français d’alors, cette conviction que la minorité calviniste constituait un grave péril pour l’unité uationale.

4" Le mouvement de Contre-Réformalion catholique qui marcjua surtout le second tiers du dixseptième siècle détermina un grand elTort d’apostolat religieux auprès des protestants et un puissant courant d’opinion contre les franchises légales dont jouissait en France le protestantisme. Ici, intervinrent la Compagnie du Saint-Sacrement et les Assemblées périodiques du Clergé de France.

5* Subissant l’influence de ce courant d’opinion et gardant le souvenir des périls nationaux qu’avait précédemment (ait courir à la France et pourrait lui faire courir encore la minorité protestante, le gouvernement de Louis XIV commença par interpréter

l’Edit de Nantes à la rigueur (comme le lui demandaient avec insistance les Assemblées du Clergé), puis crut en linir avec le protestantisme par la lîévoeation totale de l’Edit de Henri IV.

6" L’api)laudissement chaleureux et unanime de la France catholique montra combien FF^dit de Révocation répondait exactement au.x tendances générales de l’époque. Il ne faisait, du reste, que réduire les prolestants français à une condilion semblable à celle des catholiques dans les FUats protestants de l’Europe du xvu" siècle.

7° Malgré le notable mouvement de conversions au catholicisme qui précéda et suivit l’Edit de Révocation, la majorité des huguenots conserva son attachement au protestantisme. Parmi les jjrotesta’.its obstinément lidèles à leur religion, beaucoup (peut-être 100.000) cherchèrent asile hors de France dans les paj’s protestants : et leur départ causa évidemment à la F’rance un dommage sérieux (bien que ce domraageait été exagéré). Les protestants demeurés en France furent, pour le gouvernement royal, l’occasion d’embarras plus graves encore.

H’L’Edit de Révocation n’ayant pas prévu qu’une minorité protestante subsisterait et voudrait demeurer lidèle au culte calviniste, l’existence tenace de cette minorité accula le gouvernement royal à l’a’oandon partiel d’une légalité abusive et maladroite : ce qui fut fait par la déclaration de 1698. Jlais, avant de battre en retraite, le pouvoir royal tenta de contraindre à la conversion les huguenots rél’ractaires. Pendant plusieurs années, il recourut donc contre eux à des mesures tracassières, violentes, ou même odieuses, qui furent généralement inellicaces et qui, par le souvenir qu’elles devaient laisser, causeraient plus de dommage encore au catliolicisuie qu’an protestaniisme.

9" Dans l’ordre des principes, l’Edit de Révocation s’inspirait de la doctrine catholique du droit exclusif de la vérité religieuse, doctrine qui ne reconnaît à l’erreur aucun droit d’èlre professée au grand jour. Mais le même Edit de 1685 méconnaissait un autre aspect des choses, dont le législateur catholique a le devoir de tenir compte : la grave considération de sagesse et d’équité politique qui, dans un pays divisé de croyances, exige d’accorder aux dissidents certaines libertés légales, sous peine d’un notable dommage pour l’ordre social et la paix publique.

10" Quant aux rigueurs qui suivirent l’Edit de 1685, non seulement le mode en fut excessif, mais l’objet même en était mal justilié. La doctrine qui donne au pouvoir chrétien le droit de mettre la force des lois humaines au service de la vraie religion, prétend arrêter ou punir ta diffusion de l’erreur, mais non pas imposer des actes religieux qui supposent la conversion intime du cœur et qui ne sauraient être exigés par voie de contrainte.

Il’Le Siège apostolique semble na()ir été nullement tenu au courant avec précision des violences abusives dont nous venons de parler. Innocent XI connut seulement l’Edit lui-même de Révocation et en loua le principe, conformément aux traditions du droit public de l’Eglise. Du reste, il y mit quelque froideur, en raison du dissentiment qui existait alors entre Louis XIV et la Papauté.

13" Dans toute la mesure où la Révocation de l’Edit de Nantes fut un acle malheureux et donna lieu à des mesures repréhensibles, on ne saurait trop redire que l’explication fondamentale en est fouruie par les conceptions politiques alors régnantes dans toute l’Europe, catholique et protestante. Le régime appliqué depuis l685 aux protestants français ne dilfère pas du régime que subissaient, à la même époque, les catholiques d’Angleterre, ou des Etats