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NANTES (REVOCATION DE L’EDIT DE)

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comme ayant abjuré. Ils demeuraient cependant aussi étrangers à chacun des actes <listinctifs du catholicisme qu’avant leur abjuration piélendue. A leur égard, le pouvoir royal se trouvait dans une situation paradoxale : l’état-civil étant alors constitué par les registres ecclésiastiques du baptême et du mariage, et l’Edit de Révocation ayant supprimé l’organisation légaleet publique duculte protestant, les itoiifeait.r réunis devraient se marier devant le prêtre catholique, faire baptiser leurs enfants par le prêtre catholique, se faire enterrer à l’église et au cimetière catholique, bref faire profession du catholicisme, ou bien devenir des sujets du royaume qui n’auraient pas d’étal-civil régulier et dont la puissance publique ne connaîtrait légalement ni la naissance, ni le mariage, ni la mort. Le paradoxe durera jusqu’au jour où, plus d’un siècle après l’Edit de Révocation, Louis XVI restituera l’état-civil aux protestants. La législation d’octobre i(’)S5 supposait prcsomptueusement que, désormais, il n’y aurait plus de huguenots en France (sauf les adultes de la génération présente qui refuseraient d’abjurer) et que, dans le royaume de France, on ne comjjlcrail plus que des sujets catholiques. Devant une réalité différente, le gouvernementde Louis XIV fut entraîné à des mesures violentes et absurdes.

On voulut résoudre le problème en décidaMl, [lar des mesures de coiilrainle, les nouveaux réunis à devenir des catholiques croyants et pratiquants. L’apostolat des missionnaires catholiques, fi’it-ce de Fénelon et de Bourdaloue, ne suflisait nullement à changer leur cœur. C’est alors que des dra-^onnades furent réellement ordonnées par Louvois comme méthode ollicielle de contrainte à l’égard des niinfeaux réunis. Lorsque ceux-ci refuseraient de participer aux cérémonies obligatoires du catholicisme, ou, du moins, de se laisser instruire dans le catholicisme, les intendantsauraienl le pouvoir de leur imposeren permanence le logement et l’entretien des gens de guerre. Ceux-ci étaient, d’ailleurs, avertis qu’on les verrait sans déplaisir faire sentir lourdement aux récalcitrants le désagrément de leur présence. Ils n’y manquèrent pas. Au nombre des colonels et des capitaines qui, en présidant à de tels logements de dragons ou d’autres soldats, se distinguèrent par leurs vexations chez les nouveaux réunis, on cite les noms de Tcssé, Boufders, La Trousse, Choiseullîeaupré, Saint-Ruth. C(unme on devait s’y attendre, il y eut pire que des brimades onéreuses, il y eut des cruautés, des obscénités, généralement imimnies. Bien qu’on ne doive pas exagérer la proportion où de pareils excès furent réels, et bien que Louis XIV les eût positivement interdits, — et, sans doute, les ignorât dans la plupart des cas, — c’est là une page douloureuse de notre histoire.

Malgré toutes les contraintes, les nouveaux réunis continuaient d’être réfractaires à la conversion au catholicisme. Us reconstituaient peu à peu, mais dans le secret, les assemblées de leur culte. Des pasteurs, revenus de l’émigration, y reprenaient l’exercice de leur ministère religieux. En diverses régions, d’importantes assemlilées s’organisaient au « Désert » et provoquaient, dans beaucoup d’âmes prolestantes, une exaltation mystique et passionnée. Il y eut des visions, des extases, de grands et de petits prophètes, et toute une littérature apocalytique où tombaient sur Louis XIV et sur la Papauté les formidables catastrophes prédites naguère à la grande prostituée par le voyant de Pathmos.

Devant cette effervescence mystique, les rigueurs légales demeuraient inopérantes, ou plutôt ne faisaient qu’exaspérer la résistance des huguenots. Et pourtant, le zèle des intendants ne connut aucune

relâche : ces loyaux fonctionnaires s’appliquèrent en toute conscience, par leurs brutalités incessantes, à répandre de l’huile sur le feu. Une mention particu-. Hère est due au célèbre et implacable intendant du Languedoc, Lamoignon de Hàvillc.

Dans les diocèses de Nîmes, Alais, Uzès, Mende, Viviers, on en viendra, de 1 702 à 1710, 4 l’insurrection atroce des « Camisards », qui dégénérera en une guerre civile aux péripéties de plus en pluseffroyables.

k° Consultations et ordonnance de lU’JS. — Avant même cette insurrection des Cévennes, le gouvernement royal eut le bon sens de comprendre qu’il lui était impossible de persévérer indélinimenl dans la même voie de rigueur. En 1698, Louis XIV institua une enquête auprès des évêques sur la conduite à tenir à l’égard des nouveaux réunis, qui étaient toujours, en réalité, des protestants. Devait-on tenir pour opportun de continuer à exercer une contrainte légale pour amener ceux-ci à la messe paroissiale du dimanche ? Ne vaudrait-il pas mieux renoncer à une exigence dont les résultats s’allirraaient plus nuisibles qu’utiles ?

Nous possédons les réponses motivées des dliférents évêques auxquels fut posée la question. La plupart se prononcèrent pour le maintien de la contrainte : une politique plus clémente aurait, à leurs yeux, le caractère d’unrecul pour la causecatholique et d’un encouragement pour les huguenots, à s’obstiner dans l’hérésie. Tel fut le sentiment de onze [irélals : Godet des Marais (Chartres), Fléchier (Nîmes), Mascaron (Agen), La Garde-Cliambonas (Viviers), Chevalier de Saulx (Alais), La Berchère (Albi), La Broue (Mirepoix), Le Camus (Grenoble), Colbert de Ooissy (Montpellier), Ncsmond (Montauban), Berthier (Rieux). Il y eut un hésitant : Fortin de la Hoguette (Sens). Mais six autres prélats conseillèrent l’abandon de la contrainte jiour l’assistance des nouveaux réunis aux offices catholiques : Bossuet (Meaux), Le Tellier (Reims), Noailles (Chàlons), Sillerj(Soissons), La Frézelière (la Rochelle), La Brunetière (Sens).

Louis XIV adopta, en fait, leur manière de voir par la déclaration du 13 décembre 1698 et le mémoire explicatif de janvier 1699. L’Edit de Révocation est maintenu et renouvelé dans son intégralité. Seulement, l’application pratique en est confiée, non plus aux intendants, mais aux évêques et auxcurés. Le roi recommande à tous ses sujets l’exacte obser vation des préceptes de l’Eglise catholique, sans aucune rigueur ni sanction particulière à l’égard des nouveaux réunis. « Sa Majesté, dit le mémoire explicatif, ne veut point qu’on use d’aucune contrainte contre eux pour les porter à recevoir les sacrements. Il n’y a pas de différence à faire à cet égard entre eux et les anciens catholiques. » On rentr : iit dans la voie de l’exhortation morale, substituée à la méthode péna

torité

servan

daleu

sur place à la fréquentation des catéchismes et des écoles catholiques : leur conscience serait juge delà rigueur avec laquelle ce contrôle devrait être exercé, l’ar contre, un certificat de catholicité serait exigé pour loblention de tout ollicc de judicature.

Dès lors, sauf dans les diocèses où la situation était sans remède et où l’exaspération farouche des nouveaux réunis allait aboutir à la guerre des Cl Camisards ». un régime de demi-tolérance tendit à s’établir (mais avec des flux et des reffux) pour les protestants français. On s’abstenait généralement de les inquiéter pour fait de conscience. On fermait les