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NANTES (RÉVOCATION DE LEDIT DE)

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d’une minorité dissidente qui avait causé tant de dommages à l’unité du royaume par ses rébellions coupables et ses alliances plus coupables encore avec l’étranger. La France catholique de 1 685 crut que la Révocation des articles subsistants de l’Edit de 1698 consacrerait la victoire religrieu^^edu catholicisme et la victoire politique de l’unité française sous l’égide de la Monarchie très chrétienne. En contresignant l’Edit de Révocation, le vieux chancelier Le Tellier récita le unc dimitlis.

Tel est le sentiment que traduisent avec un singulier relief tous les témoignages contemporains. Les plus notables de ces témoignages ont été reproduits, par exemple, dans l’ouvrage de Michel : l.ouvois et les PnUestants (p. 807 à 313). Qu’il sullise d’énumérer ici les contemporains de Louis XIV qui, chacun dans son langage, expriment l’approbation enthousiaste de la France catholique pour la Révocation de l’Edit de Nantes : Bossuet, Fléchier, Bourdaloue, l’abbé de Rancé, le grand Arnauld, l’abbé Fleury, Racine, Thomas Corneille, La Fontaine. La Bruyère, Dacier, Bussy-Rabutin, Mme de Sévigné, Mlle de Scudéry, Mme Deshoulières…

Nous citerons, du moins, le plus célèbre de ces témoignages, celui qni formule avec le plus d’éloquence et d’autorité l’impression moralement unanime de la France catholique du siècle de Louis XIV : c’est le témoignage de Bossuet dans l’oraison funèbre du chancelier Michel Le Tellier, prononcée à l’église Saint-Gervais, le 20 janvier 1686 :

Ne laissons pas cependant de publier ce miracle de nos jours ; faisons-en passer le récit aux siècles futurs. Prenez TUS plumes sacrées, vous qui composez les annales de l’Eglise. Agiles instruments rf’un prom ;)< écrivain et d’une main dilii ; ente, hâter-vons de mettre Louis avec les Conslanlins et les Théodoses. [Citation de Sozomcne sur la répressiiin légale de l’hérésie an temps des Césars chrétiens ) Ainsi tombait l’hérésie arec son venin, et la discorde rentrait dans les infers d’où elle était sortie Voilii, Messieurs, ce que nos pères ont admiré dans les premiers siècles de l’Eglise. Mais nos pères n’avaient pas vii, comme nous, une hérésie invétérée tomber tout à coup ; les troupeaux égarés revenir en foule et nos églises trop étroites pour les recevoir ; leurs faux pasteurs les abandonner, sans même en attendre l’ordre, et heureux d avoir à leur alléguer leur bannissement pour excuse ; tout calme dans un si çrond mouvement ; l’univers étonné de voir dans un événement si nouveau la marque la plus assurée comme le plus bel usage de l’autorité, et le mérite du prince plus reconnu, plus révéré que son autoîilé même.

Touchés de tant de merveilles, épanchons nos cœurs sur la piété de Louis. Poussons jusqu au ciel nos acclamulîoDS, et disons à ce nouveau Constantin, à ce nouveau Théodose, à ce nouveau Marcien, h ce nouveau Ctiarlemagne ce que les six cent trente Pères dirent autrefois dans le concile de Ghalcédoine : Vous arez alfertni ta foi, roKs avez exterminé les hérctit^ues. C’est le dl^ne ouvrage de votre rè^ne, c’en est le caractère. Par potts^ l*/iérésie n’est plus : Dieu seul a pu faire rrtie merveille. Bol du ciel, conservez le Roi de la terre. C’est le vœu de ::Eglises^ c’est le vœu des évéques.’L’Edit d’octobre 1685, pour parler la langue des constituants de 89, fut indubitablement « l’expression de ia volonté générale » : ce qui, à nos yeux, ne suffit d’ailleurs pasà le légitimer ou à le rendre digne d’éloges.

2" A Home. — L’altitude duPape Innocent XI nous est connue par les copieuses dépê lies diplomatiques du duc d’Estrées, ambassadeur de France, et de son frère le cardinal d’Estrées, protecteur des afTaires de Franco à la cour pontificale. (Etude de Ch. Gérin dans la Ueviie des questions historiques. ToiæWlV. Année 1878)

En 1685, il y a grave querelle entre Innocent XI et Louis XIV à cause de la trop fameuse Déclaration gallicane de ifiSî. Tant que cette Déclaration n’est

pas retirée par la couronne de France, Innocent XI, au grand dépit de Louis XIV, refuse d’accorder l’institution canonique à aucun des évéques nouvellement nommés par le roi aux sièges vacants depuis 168a. Cette situation tendue mettra quelque froideur dans les éloges du Pape pour le zèle de Louis XIV contre les huguenots.

Bien plus. Innocent XI avait, antérieurement à l’Edit de Révocation, marqué un certain déplaisir de voir Louis XIV s’engager plus avant dans une politique de rigueur à l’égard du protestantisme. Politique qui peut avoir pour contre-coup de rendre intenable la situation de Jacques II, roi catholique de la protestante.Vnglelerre. Louis XIV, jugeant la chose du point de vue français, estimait au contraire qu’une politique d’ailirmation catholique, toujours plus ferme, à Versailles et même à Londres, aurait l’avantage de contraindre Jacques II à se jeter sans réserve dans l’alliance avec la France. Nouveau motif de froideur de la part d’Innocent XI.

Néanmoins, quand parvient à Rome la nouvelle de l’Edit de Révocation, le Pape en est informé officiellement par le cardinal d’Estrées, puis par l’ambassadeur : et Innocent XI accueille avec de grands éloges ce témoignage éclatant du zèle de Louis XIV pour la cause de l’Eglise. Les éloges sont à présumer réels, car le eardin’il et le duc d’Estrées, qui nous relatent ce lait, ont pour tendance continuelle, dans leur courrier diplomatique, d’exciter Louis XIV contre Innocent XI, en accusant le Pontife de déliance injuste à l’égard des plus louables initiatives du roi, y coin|>ris la conversion des huguenots. En date du 13 novembre 1685, Innocent XI adresse à Louis XIV un bref élogieux où il loue « le zèle vraiment digne d’un roi très chrétien, qui a porté le monarque à révoquer toutes les ordonnances rendues en faveur des hérétiques de son royaume et à pourvoir, comme il l’a fait pardetrès sagesEdits, à la foicallioUque >. Le Pape assure le prince de la gratitude de l’Eglise et lui parle de la recompense à espérer de la bonté divine.

La réponse de Louis XIV est datée du 7 décembre 168.5. Aux formules courtoises de respectueuse reconnaissance pour le bref pontilîcal, le roi joint une invitation transparente à Innocent XI, afin que Sa Sainteté veuille bien contribuer au progrès de la religion en France par tous les moyens que Dieu lui a conl’és » : c’est-à-dire en conférant aux nouveaux évéques l’institution canonique. Dans ses lettresdes 7, i^et 27 décembre. Louis XIV manifeste aucardinal d’Estrées son mécontentement de la froideur du Pape, répondant à l’Edit de Révocation, non pas par l’institution canonique des ésêques, mais simplement par un bref de félicitations.

Au réveillon de Noël, 26 décembre 1 685, le cardinal d’Estrées communique aux cardinaux et autres dignitaires de la cour romaine une lettre du P. de la Chaise au P. Fabri. Des centaines de missionnaires travaillent en France à la réconciliation des hugue-" nots, deux cent cinquante églises nouvelles ont été ouvertes dans les contrées où abondaient les protestants. Louis XIV a dépensédeux millions de livres pour cette propagande, et, au dire.des intendants, il y aurait près de 700.000 huguenots convertis.

Le 18 mars 1686, Innocent XI. dans uneallocution consistoriale, décerne à Louis XIV, pour l’Edit de Révocation, des louanges publiques, « prémices de celles que lui donnera la postérité, tant que durera le souvenir de ce grand acte ». Le Pape décrit en ces termes la politique religieuse du roi de France :

« Notre cher fils, ayant abrogé les Edits que des

traîtres hérétiques avaient arrachés à ses ancêtres les rois très-chrétiens au milieu des ardeurs et des