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NANTES (REVOCATION DE L’ÉDIT DE)

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réformés avaient inventées contre la religion calholiqne ». De la part de cette commission, une requête fut présentée au roi par Noailles, archevêque de l’aris. Il La très band)le prière qne le Clergé fait à Votre Majesté n’est pas pour la Révocation d’aucun Edit… Il n’y en a point et il ne peut y en avoir aucun qui permette aux prétendus réformés de dire des injures à l’Eglise catliolique. « Puis, sur treize pages in-folio, sont reproduites les principales allé : » ations récentes des docteurs du protestantisme français, allégations calomnieuses coutre les croyances de l’Eglise catholique et mises en regard des dé-Ijnitions dogmatiques du Concile de Trente sur la même matière. Celle énumération des hérésies proteslantes reflétait et excitait, en même temps, l’indignation des catlioliques français contre l’obstination des huguenots.

La réponse immédiate fut un édit de Louis XIV, interdisant « aux ministres et à toutes personnes de la Religion prétendue réformée de composer aucuns livres contre la foi et la doctrine de l’Eglise ».

3" Le dénouement. — Trois mois après la clôture de l’Assemblée duGlergé, allaitparaitre un document de toute autre importance : l’Edit de Révocation.

Le Clergé de France s’était défendu de solliciter cette mesure, mais on doit avouer qu’elle était l’aboutissement logique de la politique suivie depuis une trentaine d’années par le gouvernement royal, sous la poussée de l’opinion catholique et d’accord avec l’Eglise des Gaules : polilic|ue tendant à réduire toujours davantage les franchises légales du culte prulestanl.

Deux causes, en apparence opposées, contribuèrent à précipiter le dénouement.

D’une part, le nombre considérable des conversions, tel que le présentaient les statistiques complaisantes des intendants, suggérait l’impression que les huguenots ne seraient))lus désormais qu’une minorité insignifiante, et que les libertés reconnues au culte protestant par l’Edit de Nantes allaient perdre leur principale raison d’être.

D’autre part, la résistance un peu farouche du noyau obstinément réfraclaire à l’égard des tentatives de réconciliation religieuse raviva l’aigreur des querelles religieuses et des suspicions politiiiues. De vieilles et profondes antipathies suggéraient, pour en finir, le recours à la manière forte.

El, dans cette ambiance, le gouvernement de Louis XIV voulut trancher le nœud gordien.

VI. L’Edit de Révocation (octobre 1685). — Préambule : l’Edit de Nantes est devenu désormais inutile, parce que « la meilleure et la plus grande partie de nos sujets de la Religion prétendue réformée ont embrassé la catholique ».

Article premier : sont révoqués tous les Edits et arrêts favorables à la Religion prétendue réformée ; les temples hérétiques seront détruits.

Article 2 : aucun exercice du culte protestant ne sera permis en quelque lieu que ce soit.

Article 3 : le culte protestant est interdit même dans le domicile privé des seigneurs hauts-justiciers, sous peine de confiscation.

Vrlicle 4 : les ministres de la Religion prétendue réformée qui ne voudront pas faire profession du catholicisme devront passer hors des frontières du royaume dans les quinze jours.

Article 5 : les ministres de la Religion prétendue réformée qui feront profession du catholicisme garderont le bénéfice des immunités dont ils jouissaient, comme ministres du culte, [lar rapport aux impôts directs et au logement des troupes ; ils toucheront une pension dépassant d’un liersleurs appointements

ecclésiastiques. Pension dont la moitié’sera réversible sur levirs veuves.

Article 6 : une fois devenus catholiques, les ministres de la Religion prétendue réformée qui voudront devenir avocats ou docteurs ès-lois pourront passer les examens qui donnent accès aux susdites fonctions sans être astreints à subir le stage de trois années d’études préalables exigé des autres candidats. Ils ne payeront que la moitié des droits d’examens.

Article 7 : toute école protestante est interdite dans le royaume.

Article 8 : les enfants à naître de parents protestants seront baptisés, catéchisés, élevés dans le catholicisme, sous peine decinqcents livresd’amende pour les parents réfractaires.

Article 9 : les protestants français ayant quitté le royaume avant le présent Edit recouvreront tous leurs biens s’ils y rentrent avant quatre mois ; sinon, leurs biens seront confisqués définitivement.

Article 10 : défense absolue aux protestants français, autres que les ministres, de sortir du royaume sous peine de confiscation pour les femmes et des galères pour les hommes.

Article 11 : sont maintenues en vigueur les lois existantes contre les relaps, c’est-à-dire contre les hérétiques qui, après conversion, redeviendraient hérétiques.

Clause finale : les protestants qui refuseront de faire profession du catholicisme garderont la liberté de vivre, posséder et commercer dans le royaume, pourvu qu’ils ne tiennent aucun exercice ni aucune réunion de leur culte.

Signé : Louis. Contre-signe : Le Tellier, Colbert. Enregistré à la Chambre des vacations du Parlement de Paris : 22 octobre 1685.

(Léon Pilatte Edits, Déclarations et Arrêts, p. 289 3 2^5. Paris, 1880, in-12.)

VII. L’accueil rencontré par l’Edit de Révocation. — 1° En France. — Dans la France catholique du XVII* siècle, l’Edit de Révocation fut salué par une véritable explosion d’enthousiasme unanime. Les témoignages qui attestent ce fait sont trop catégoriques, trop nombreux, trop concordants malgré la diversité extrême de condition et de tendances des contemporains dont ils nous transmettent l’impression, pour que l’on puisse révoquer en doute la réalité et la sincérité de l’approbation publique. Les quelques témoignages allégués parfois en sens contraire, comme ceux de F’énelon et de Vauban, datent de plusieurs années après l’Edit de Révocation, se réfèrent toujours aux outrances malheureuses auxquelles donna lieu l’application de cet Edit, en face de résistances tenaces qu’on n’avait pas su prévoir, mais ne contestent à aucun degré l’Edit lui-même de Révocation, dont le principe essentiel est visiblement tenu pour supérieur à tout reproche. Les sentiments qui dictèrent, en iG85, l’approbation unanime de la France catholique furent le double zèle pour l’unité religieuse et l’unité nationale.

Le régime légal organisé par l’Edit de Nantes avait été subi par la France catholique comme une nécessité malheureuse : le vœu manifeste de la génération qui accomplitlaContre-Réforme étaitque l’exercice public du culte protestant cessât d’être autorisé dès que les circonstances cesseraient elles-mêmes d’imposer une tolérance tenue pour abusive. En outre, le mouvement national vers l’unité et l’autorité, qui trouvait son expression dans le gouvernement de Louis XIV, tendait à la destruction des franchises légales du culte huguenot, considérées comme prolongeant et protégeant l’existence organisée