Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/523

Cette page n’a pas encore été corrigée

1033

NANTES (RÉVOCATION DE L’ÉDIT DE)

103’(

des prolestants l’raiiçais. En 1638, les aUlxércnts de la Gornpa^ftiie sont invités à « recueillir tf-ms les édits, déclarations et arrêts donnés sur cette matière ». De multiples dcciiments sont hifiitôt rassemblés. La copie en est adressée à un confrère de Poitiers, l’avocat Jean Fillean, qui, durant vingt-cinq ans, continuera de préparer son volumineux recueil de décisions catlxiliques. En iG^|5, on recommande encore une fois de faire parvtnirà Poitiers « tous les arrèls donnés cunlre les hérétiques ».

La même métliode est ensuite employée par la (Jompas’nie du Saint-Sacrement, non plus pour con-Iribuer à la rédaction d’un recueil de jurisiirudence, mais pour déterminer, auprès du g^ouvernement royal, l’inlervenlion ellicace des Assemblées du Cierge de France « par le nioytii des évcques de sa conliance et zélés pour le bien de la religion ». Après consultation raétliodique de Ions les groupes de province, la Compagnie peut fournir de nombreux rapports sur les contravenlinns que les huguenots faisaient aux édits en plusieurs endroits du royaume v.

La Compagnie du Saint-Sacrement nomme, en itiS’i, plusieurscommissaires, charges de faire aboutir les conclusions de ces rapports. Grâce à la documentation ainsi préparée, l’Assemblée du Clergé de France, tenue en 1655, prend le parti de revendiquer auprès du jeune Louis XIV l’interprétation liUérale et restrictive de l’Edit de ^’antes. Tel sera le thème du discours adressé au roi j), ; r le prcsidcnl de l’Asseiublée, Gondrin, archevêque de Sens. Peu à peu, et malgré la tendance contraire de Mazarin, le gouvernement royal entrera dans cette voie. Par exemple, l’Edit de Nantes (après vérilication au Parlement ) avait subordonné à l’autorisation préalable du roi la réunion des synodes provinciaux et nationaux, qui étaient les asseml)lées. non pas politi((ues mais religieuses, de la communauté protestante. Eu 1654, à la clôture du synode national de Saumur, le commissaire royal signilie à l’assemblée que ce synode aura été le dernier de tous : car le roi, usant de la prérogative que lui réserve l’Edit de Nantes, refusera désormais l’aulorisalion nécessaire.

En 1660, nouvelle Assemblée du Clergé de France. Alors vient l’effort principal de la Compagnie du Saint-Sacrement au préjudice des protestants. Une commission executive est encore élue d’après le voeu de plusieurs prélats spécialement [)réoceupés de la destruction de l’hérésie. A la tête de la commission est placé un catholique de haute valeur, Christophe Leschassier. maître des comptes. Celui-ci adresse aux GoiMpagnics de province trente et un articles sur les intraclions commises par les huguenots à la teneur primitive de l’Edit de Nantes dans tous les domaines auxquels peut s’étendre l’activité des comniunaulés protestantes : culte, édifices, prédication, enseignement, assistance, librairie, fiscalité, professions manuelles, carrières libérales, délits et empiétements. Grâce aux réponses venues de toutes les provinces, Christophe Leschassier possède bientôt un dossier considérable. Le prince de Conti fait agréer par la Coinpa^nie du Saint-Sacrement le choix de l’évéque de Digne, Toussaint de Forbin-Janson, pour comluire l’alfaire avec vigueur dans l’Assemblée du GlergédeFrance.Forbin-.lanson obtiendra gain de cause auprès de l’Assemblée, et l’Assemblée obtiendra gain de cause auprès de Louis XIV. La déclaration royale de 1661 nommera des ci>mmis3aires chargés de visiter les provinceset de réduire les institutions protestantes, et notamment les centres d’exercice public du culte, aux limites prévues par le texte législatildc iSgS : toutes

les extensions ultérieures étant considérées comme des usurpations abusives et punissables.

A cette époque, la Compagnie du Saint-Sacrement va disparaître. Mais l’œuvre qu’elle a déployé tant d’elforts à promouvoir s’accomplira pourtant. Les commissaires du roi dans les provinces feront détruire des temples calvinistes, adopteront d’antres mesures restrictives ; bref, pratiqueront l’i/iterpréliiliortde l’Edil à la rigueur. Ei ils ignoreront la force invisible qui a su les mettre en mouvement.

Désormais, est créé, dans la France catholique du xvii » siècle, le courant d’idées qui, par antipathie et suspicion contre la minorité protestante, par zèle passionné pour l’unité religieuse et nationale, déterminera l’ajiplication de plus en plus limitative, puis la disparition totale du régime de tolérance religieuse établi [)ar Henri IV. Terminant, dans son mémoire de iGg’i, le récit des faits que nous venons de résumer, le comte Mené I ! de Voyer d’.Vrgcnson conclut non sans justesse ; « Et c’a été le commencement de la destruction de l’hérésie dans le royaume. »

3° Vers la Iléfocalion. — Les Assemblées du Clergé de France conlinueronl périodiquement de requérir des mesures nouvelles tendant à restreindre la liberté religieuse des protestants français. Et les déclarations rovales, — inspirées à la fois par cette sollicitation cnue de l’opinion catholique et par la suspicion politi(pie du péril que pourrait encore faire courir à l’unité nationale la minorité protestante, — accentuent de plus en plus la politique de rigueur.

La déclaration de lijù’i, conforméuienl à la requête du clergé, frappe des pénalités en vigueur contre les relaps tout catholique qui, ajant abjuré le protestantisme, retournerait ensuite à l’hérésie.

La déclaration de 1666 ramène, sur plusieurs points où l’interprétation tolérante avait prévalu jusqu’alors, la liberté des huguenots à la littéralité stricte et primitive de l’Edit de Nantes. Des facilités nouvelles sont accordées, en outre, aux prêtres catholiques pour pénétrer auprès des huguenots mourants, malgré l’opixisition des familles.

En 166(j, Louis XIV supprime les Chambres de /’/i « /j< dans tous les Parlements du royaume. Mais, la même année, il promulgue une déclarHlion en quaraute-nfuf articles, d’une inspiration qiu’lijuepeu différente, et « portant règlement des choses quidoivent être gardées et observées par ceux de la Religion prétendue réformée ». Ordonnance destinée à rassurer les protestants étrangers, que Colberl atti rail en France pour des raisons industrielles et commerciales. Quelques garanties légales sont accordées aux huguenots. Par exemple, les jeunes protestants qui marqueraient le désir d’embrasser lecathoUcisme ne pourront être soustraits à la puissance paternelle avant douze ans pour les filles et « luatorze pour les garçons.

L’Assemblée du Clergé de France, tenue en 1675, adressaau roi un mémoire en 68 articles indiquant des mesures à prendre contre les protestants par un retour à la stricte littéralité de l’Edit de Nantes. La plupart des propositions du Clergé allaient bienlùl se traduire en ordonnances royales.

Enumérons quelques-unes des mesures adoptées. Aggravation des peines contre les relaps (déclaration de nmrs 1679), interdiction des prêches aux jours où les évêques font leur visite pastorale dans le même endroit (arrêt dejuin 1679), défense à tout catholique de pa « ser en aucun cas au prolcstanlisme (édit de juin 1680), prohibition de tout mariage entre conjoint catholique et conjoint protestant (édit de novembre 1680), ordre aux juges ordinaires