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NANTES (REVOCATION DE L’EDIT DE)

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selon leur coutume, el trop pour sujets qui se disent réformés. »

Malgré tout, par lassitude et nécessité, leslialiilutles (le tolérance mutuelle tendirent généralement à pénétrer dans les mii-urs. Lors de l’assassinat de Henri IV, les huguenots seront, pour la première fois, témoins d’un désastre national sans tenterdc recourir aux armes pour un mouvement insurrectionnel ; el le peuple catliolique ne marquera nulle velléité de menacer leurs vies ou de troubler le libre exercice de leur eulle. Il y eut, au contraire, dans le deuil publie de toute la France monarchique au mois de mai iGio, un authentique phénomène d’union sacrée enire catholiques et protestants.

Mais le privilège des places de siireté demeurait, pour le parti protestant, une trop redoutable tentation de troubler la paix du royaume, de rallumer les guerres civiles, de faire échec à l’autorité royale. trest précisément ce qui allait arriver durant la miuorilé de Louis XUI, quand les protestants eurent renoué la tradition de leurs assemblées politiques, non plus réunies avec l’autorisation préalable de la couronne, comme sous Henri IV, mais en dehors du roi et bientôt contre lui.

Concédé en lôgS pour huit ans, le privilège des [)laics de sûreté avait été renouvelé en 1605 pour liuit autres années, puis renouvelé encore, dès)611, par la régente Marie de Médicis pour une période igale. On en était là quand, le 27 novembre 16l4, sans pouvoir alléguer aucune violation de la liberté religieuse, sans aucun grief avouable, l’assemblée politique du parti huguenot, réunie à Nimes et dominée par le duc de Rohan, décida d’intervenir ians la guerre civile contre la reine régente et de prendre les armes en faveur du prince de Condé, -hef de la rébellion. Sur quoi, l’éminent historien iu cardinal de Richelieu, M. Gabriel Hanotaux, déclare sans ambages : « De ce jour, le parti protestant, reconstitué en parti d agression, rompt en visière à la royauté. C’est donc lui qui, pour la jiremière fois, léchire de ses propres mains l’Edit de Nantes et qui [ouvre la période desguerres de religion. « (Tahleau de tu France en I611, chapitre iv, paragraphe dernier )

Les révoltes protestantes qui se succédèrent entre 1614 et 1629, nous n’avons pas ici à en raconter les péripéties. Mais nous ne ferons que rappeler un fait listorique de notoriété certaine en disant que le parti huguenot se comporta purement et simplement somme un parti factieux, faisant une guerre civile jue n’excusait aucun dommage subi par le culte protestant, déchirant de gaieté de cœur l’unité fr.nnjaise, négociant des alliances avec tous les rebelles

; t même avec les ennemis extérieurs, avec la protesante

Angleterre, avec la protestante Hollande, avec a catholique Espagne. Paradoxe déconcertant ! Ce "ut, en 1620, l’application effective de l’Edit de Nantes en Béarn, où le protestantisme était religion doninante et refusait toute liberté au catholicisme, qui levint le prétexte de la grande assemblée de la Rojhelle, tenue en 162 1, où les huguenots eurent l’aulace de subdiviser la France en huit régions militaires et de se donner une organisation générale et permanente en vue de la guerre intérieure, prenantainsi l’attitude avouée de belligérants armés contre la Couronne.

A la Rochelle, à Montauban, à Nîmes, dans les Mvennes, le parti protestant contracta une lourde letle envers la Monarchie, envers la France. Une an-Lipathie profonde fut excitée contre lui dans beaulîoup d’âmes catholiques et françaises. Cette antipathie demeurera tenace et expliquera, pour une part, le puissant mouvement d’opinion qui, sous Louis XIV,

aboutira (inalement à la Révocation de l’Edit de Nantes. Le parti protestant restera suspect de vouloir, à la première occasion, s’insurger contre le j)ou voir royal, s’allier avec l’étranger contre la France. Il passera pour un élément réfractaire, inassimilable à la communauté française. La Bruyère traduiraplus tard cette impression, dans le cha[>itre /> » Souverain ou de la Hépul>lique, en appelant le protestantisme

« un culte faux, suspect et ennemi de la souveraineté

».

La capitulation des protestants français, alliés des Anglais, après le siège trop fameux de la Rochelle, eut lieu le 28 octobre 1628. Puis vint la dernière équipée du due de Rohan dans le Vivarais el le Languedoc, avec l’appui de la couronne d Espagne. Mais Privas, Alais, Nimes, Montauban, Castres, Millau furent bientôt réduites ou cernées par Louis XIII, Richelieu et les lieutenants du roi. Durant le mois de juin 1620, une dernière assemblée politique des huguenots fnttenue, avec autorisation royale, à Anduze, non plus pour négocier un contrat bilatéral, mais pour entendre notilication des volontés formelles de Louis XUI. Le duc de Rohan était frappé de la peine de bannissement. Le privilège des places de sûreté, qui avait été concédé naguère comme garantie politique des libertés protestantes, était à jamais révoqué. Plus de gouverneurs prolestants ni de garnisons, ni d’allocations royales pour l’entretien des forces protestantes. Les citadelles et fortifications (le toutes les villes qui avaient pris part à la rébellion seraient impitoyablement rasées ou démantelées. Le roi ne tolérerait plus aucune organisation ni assemblée politique du parti protestant.

C’est la lin des concessions exorbitantes arrachées à Henri IV par les huguenots à la faveur des désordres civils et de la guerre étrangère. Louis Xlll et Richelieu ont pu faire disparaître ces clauses politiques et linancières, adjointes à l’Edit de Nantes, qui constituaient un partage de la souveraineté, un Etat dans l’Etat.

Par ailleurs, les clauses religieuses et civiles de l’Edit de Nantes demeuraient intactes et recevaient une confirmation nouvelle. Assurément, l’Edit de Nantes aurait pour conséquence la restauration intégrale du cjilte catholique, la restitution pleine et entière des biens ecclésiastiques, à la Rochelle, en Béarn, en Languedoc, dans toutes les régions protestantes, sans parler des faveurs royales assurées à la propagation au catholicisme. Mais l’Edit de Nantes continuera d’assurer aux protestants la liberté de conscience, une très large liberté du culte publie, une complète égalité de droits civils avec les catholiques, l’admissibilité aux charges et fonctions publiques, el même une garantie spéciale devant la justice par le maintien des chambres de l’Edit.

Telle est la portée de l’Edit d’Alais, du 28 juin 1629, qui succédait à l’Edit de Montpellier (16a8) et à l’Edit de Paris (1626), et discernait judicieusement dans la législation de l’Edit de Nantes les articles abusifs et caducs, dont la disparition s’imposait au nom de l’intérêt majeur de l’Etat, el les articles de tolérance religieuse et civile, dont une sage politique semblait recommander la conservation permanente au nom de la pacification intérieure du royaume.

V. De la Paix de 1629 â l’Edit de Révocation. — 1° Au temps de la Fronde. — Pendant les troubles de la minorité de Louis XIV, c’est-à-dire pendant le désordre des deux Frondes conjuguées avec la guerre étrangère, vit-on une résurrection politique et militaire du parti protestant, prenant les armes comme allié des rebelles du de(ians ou