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NANTES (RÉVOCATION DE L'ÉDIT DE)

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du culte callioliqiie Jans les contrées où dominent i les protestants : par exemple, à la Rochelle, en Bcarn, en de nombreux districts de la Guyenne et du Languedoc. Henri IV parviendra cependant à faire peu à peu ol)server l’Kdit deiôgS dans l’ensemble de ses dispositions essentielles. Lorsque le pays de Gex passera, en 1601, de la souveraineté elTeclive de Genèveàla souveraineté de la France, saint François de Sales demandera et obtiendra de Henri IV l’application immédiate de l’Edit de Nantes, qui. après une longue tyrannie calviniste, deviendra la cliarle d’affrancbissenient des catholiques du pays de Gex.

Les clauses religieuses de l’Edit de Nantes, imposant aux cultes rivaux une tolérance mutuelle, lurent donc subies plulùt qu’acceptées. Elles rencontrèrent, chez les catholiques et les protestants, — partout où elles imposaient aux uns ou aux autres de respecter laliberlé d’autrui, — une mauvaise humeur assez vive.

Henri IV aura besoin de toute son énergie et de toute sa diplomatie pour obtenir sans trop d’esclandre l’enregistrement des articles publics et particuliers de l’Edit de Nantes par les divers Parlements du royaume. Le Parlement de Paris ne s’exécuta (lue le 25 février 1699, *'P^s avoir opposé des remontrances au roi et avoir introduit quelques amendements dans le texte législatif : notamment sur la proportion de magistrats catholiques et protestants qui composeraient les Cliamlires de l’JiJit. Les Parlements de provineeflrent tarder plus encore la verilication légale : Dijon, Toulouse, Grenoble, Aix et Rennes en lOoo ; Rouen, pas avant 1609. Sous une forme ou sous une autre, tous opposèrent desremonIrances et attendirent des lettres de jussion. Les Universités maintinrent presque partout leur exclusive à rencontre des élèves protestants.

Les assemblées du clergé de France montrèrent peu d’enthousiasme, mais s’abstinrent de protester formellement. Elles jugèrent à bon droit plus opportun de requérir l’application intégrale des clauses qui devaient tourner à l’avantage de la religion catholique. Henri IV sut tenir l’engagement qu’il avait pris envers le clergé dç France, en répondant, le 28 septembre 1698, à la liarangue du président de l’assemblée François de la Guesle, archevêque de Tours : ( Mes prédécesseurs vous ont donné des paroles avec beaucoup d’apparat, et moi. avec ma jaquette grise, je vous donnerai des ell’ets. Je suis tout gris au dehors, mais je suis tout d’or au dedans. »

u' A Home. — Le silence résigné du Pape Clément VIII fut beaucoup plus dillicile à obtenir. Le droit canonique servait alors de règle fondamentale à la législation de tous les pays catholiques. Or, l’exercice (l’un culte dissident, l’ouverture d'écoles hérérodoxes, l’admission des hérétiques aux charges de l’Etat, la légalité des mariages protestants, étaient choses notoirement incompatibles avec les principes du droit canonique. Le pouvoir civil n'était donc pas regardé comme maître d’adopter en cette matière tel changement que bon lui semblerait. Si une dérogation s’imposait, elle ne devait se faire que d’accord avec la plus haute autorité spirituelle, arbitre suprême du droit canonique. C'était néanmoins sans l’aveu du Saint-Siège que Henri IV venait de régler toutes ces graves questions au profit des protestants. Les Edits de tolérance, promulgués en 1677, 1579, 1580, avaient été juridii|uement abrogés en 1585 au traité de Nemours L’Edit de Blois, en 1588, mis par les Etats généraux au nombre des

« lois fondamentales de la Monarchie », avait rétabli

en droit l’exercice exclusif de la religion catholique, rigoureusement prohibé l’exercice du culte protestant, ainsi que l’accès des hérétiques aux charges de

l’Etat. Henri IV, ceiiendant, adoptait tme législation toute contraire. A aucun moment, le Ponlifede Rome n’avait été fait juge des concessions accordées aux huguenots. Et tandis qu’il contrevenait ainsi, en faveur du protestantisme, aux régies du droit canon et du droit public alors admis dans l’Europe entière, le roi de France se déclarait impuissant à faire incorporer à la législation française des décrets disciplinaires du concile de Trente. Les apparences étaient, à vrai dire, contre Henri l. Clément VIII, apprenant la promulgation de l’Edit de Nantes, crut d’abord avoir été dupé par le roi.

La longue lettre du cardinal d’Ossat, en date du 28 mars 1699, rapporte en détail les audiences orageuses où les représentants de Henri IV à Rome, cardinaux de Joyeuse et d’Ossat, durent subir les doléances et les menaces indignées de Clément VIII : i( Que cet Edit que vous lui avez fait en son nez était une grande plaie à sa réputation et renommée, et qu’il lui semblait qu’il avait reçu une balafre en son visage. Et, sur ce propos, il se laissa transporter si avant qu’il ajouta que, comme il avait alors franchi le fossé pour venir à l’absolution, aussi ne se feindrait-il pas de le franchir une autre fois, s’il fallait retourner à faire acte contraire »… Rarement réponse de diplomates fut plus sincère, plus véridique, que celles des cardinaux de Joyeuse cl d’Ossat. Henri IV avait agi comme il avait agi parce qu’il lui aurait été rigoureusement inqiossible de prendre une autre décision, quelle qu’elle fût. Ou bien il aurait fallu (ce qui était inadmissible sans contredit) accepter la prolongation indétinie et sans issue des guerres civiles, aussi désastreuses pour la religion que pour le royaume ; ou bien il fallait se résigner à l’inévitable : c’est-à-dire à un régime légal de tolérance mutuelle, que les circonstances réclamaient avec une impérieuse clarté. Clément VIII finit par agréer, mais non sans tristesse, les explications réitérées des cardinaux français et de Henri IV lui-même. Le Pontife de Rome, à son tour, subit l'édit de Nantes avec résignation, comme on subit un mal nécessaire.

Clément VIII avait réprouvé la législation française d’avril 1598 par attachement aux droits exclusifs de l’Eglise catholique, mais non pas par prédisposition spéciale et personnelle à l’intolérance envers les dissidents. Pierre de l’Estoile, qui n’est pas suspect de complaisance ultramontaine, le regarde comme un Pape pnciji(]ue et bon Français. Il ajoute, en parlant de Clément VIII : les huguenots euxmêmes « ne le haïssaient pas, s'étant toujours comporté en leur endroit fort gracieusement et plus que pas un de ses prédécesseurs, jusques à leur octroyer des passeports pour aller et venir librement à Rome ».

Toujours est-il que l’Edit de Nantes n’eut pas une entrée Iriomphaledans l’histoire. Chacun s’y résigna de mauvaise grâce, comme à la fatalité des circonstances. Joseph de Maistre ajouterait sans doute que c'était une raison pour vaincre toutes les résistances et pour durer longtemps.

IV. La disparition des privilèges politiques (1600-1629). — Il est incontestable que. depuis l’Edit de Nantes jusqu'à la lin de son règne, Henri IV multiplia les témoignages de faveur à la religion catholique et encouragea le mouvement de conversions parmi les protestants. Mais il respecta en toute loyauté chacun des articles de l’Edit de tolérance. Les huguenots se plaignirent parfois du contraire : mais leurs plaintes n’avaient d’autre origine vérilableque leur perpétuelle hantise des persécutions d’antan. Pierre de l’Estoile caractérise finement leurs récriminations de 1609 : Il Ils parlaient en lermesasscz hauts.