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MYSTICISME

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répand sur ce qni est hors de Dieu pour le ramener à Dieu. Vie magnitiquenient intense dans sa riclie simplicité. (B. db Montmorand, Hev. philosophique, mars 1904, p. 25^-262)

Elat mystique et Urotom/inie. — D’antres rapproclient l’aïuour divin de l’amour sesuel, les délices mystiques de l’ivresse charnelle. Tels : Lri^ua (/ ? « >. philosophique, novembre 1902, p. 459-408), E. McR19IER (ouvra^’e cité, p. 30-33), en général tous ceux qui voient de 1 hystérie chez les mystiques, et tous les partisans de ce qu’on a appelé le « matérialisme médical ». Ils insistent sur cette remarque, que le langai ; e est le même départ et d’autre. C’est une apiilication da freudisme de l’école de Vienne, qui met la libido, ilisposition sexuelle par essence, au fond de toutes nos tendances, même de l’amour maternel ou de l’amour filial.

Assimilation brutale, qui méconnaît la préparation morale si intense des mystiques, leur long entraînement par l’épuration des sens vers un idéal sublime, leurs luttes contre les tendances inférieures, la vie de l’esprit, souvent la vie d’apostolat entretenue par le renoncement aux jouissances personnelles. Les écrits des nijstiques renferment aussi nombre de locutions empruntées au domaine de la paternité, de la maternité, de l’enfance. Nos langues ont un vocabulaire restreint pour l’expression des sentiments, surtout des plus rares. Force est souvent de recourir à l’analogie : la transposition à faire est indiquée par le contexte et la personnalité de l’auteur.

« Il me semble, écrit William Jamrs, qu’il y a peu

de conceptions plus vides de sens que cette manière d’interpréter la religion comme une perversion de l’instinct sexuel… Nous pourrions aussi bien dire que la religion est une aberration de la fonction digestive. .. Il faut bien que le langage religieux se serve d’images empruntées à notre pauvre vie… Les métaphores tirées du boire et du manger sont probablement aussi fréquentes dans la littérature religieuse et mjstique que celles empruntées à l’union des sexes. » (L’Expérience religieuse, p. 9-10)

VI. Etat mystique et Subconscient. — C’est l’explication préférée des auteurs naturalistes qui comprennent que le mysticisme dépasse toute interprétation purement pathologique. William James :

« Quand on tient compte, non seulement des phénomènes

d’inspiration, mais encore du mysticisme religieux, des crises violentes de la conversion, … on est forcé de reconnaître que la vie religieuse a des rapports étroits avec la conscience subliminale, rései’voir des idées insoupçonnées et des énergies latentes… De là viennent toutes les expériences mystiques… Chez les hommes où la vie spirituelle est intense, la conscience subliminale semble avoir une activité qui n’est pas ordinaire. » (L’Expérience religieuse, p. 403-404) A la fin de son livre, James propose la surcroyance que notre moi conscient et supérieur « fait partie de quelque chose de plus grand que lui, mais de même nature, quelque chose qui agit dans l’univers en dehors de lui, qui peut lui venir en aide ». [Disons simplement que ce surplus d’explication est un liors-d’œuvre : l’auteur s’est attaché à rendre compte des principales expériences religieuses par le seul jeu des forces subliminales. Et cette explication a tous les vices du monisme.] Voir aussi F. VS^ H. Myers, Etudes d’histoire et psychologie du mysticisme, Paris, Alcan, 1908. — Fr. Von Hugel, dans son livre The Myslical Elément vf Religion, as studied in saint Catherine of Genoa and her Friends (London, 1908), adopte la pensée de W. James. Mais, pour lui, la tendance mystique, élan vers la connaissance intuitive et émotive de Dieu, se

trouve dans tout homme (Cf. L. nii Grandmaison, Hecheiches de Science religieuse, jirf,-a-vi-, 1910, p. 180-208). — U. Delacroix : « Le subconscient rend compte de tous les caractères que les mystiques attribuent à leurs visions et à leurs paroles intérieures. Il n’est pas plus difficile d’y rattacher ces grandes inluitions confuses, magniliques et inattendues qui émergent soudain, couvrant d’ombre la conscience ordinaire du moi et des choses… L’intuitivité qui est le fond de l’esprit mystique et qui apparaît obscurément sous les elforts qu’il fait pour se dégager de la pensée logique et de l’action volontaire. .., se dégage, lorsque le travail de préparation le lui permet, sans qu’il y ail proportion entre la richesse naturelle ainsi libérée et l’elfort qui la met au jour… Une profonde activité intérieure et subconsciente, soutenue par la solidité d’une tradition, la puissance d’une intelligence construclive et critique et une haute énergie morale, produit à la fois les richesses de l’intuition et de l’action, et sur un fond de névrose, les étals hallucinatoires et tous les phénomènes pathologiques, si abondants chez les mystiques. » (Etudes d’histoire et de psychologie du Mysticisme, Paris, Alcan, 1908, p. 405-409)

La subeonscience peut rendre compte de certains faits d’habitude ou d’automatisme, qui, d’abord volontaires et conscients, sont passés dans un domaine plus ou moins organique. Elle rendra compte aussi de sentiments vagues, sj’inpathies ou antipathies, conlianee ou phobie, de pressentiments, d’appréhensions, de rêveries et de rêves plus ou moins incohérents. Mais il y a toujours lieu de rechercher l’origine des éléments qui entrent en composition de la subconscience. Sont-ils transmis ? Sont-ils acquis ? Et quand ? El comment ? C’est cette analyse que l’on entreprend pour expliquer telle hallucination d’un somnainbulique ou le cas de glossolalie de Mlle Hélène Smith qui prétendait parler la langue qui se parle dans la planète Mars. Mais dire simplement, en présence d’un phénomène : cela prend naissance dans la subconscience, ce n’est rien exi)liquer. Car il s’agit de savoir comment cela est entré ou s’est formé dans la subconscience.

En outre, tout ce que l’on sait expérimentalement de la subconscience, montre que son rôle est très modeste : garder et combiner hors du contrôle de l’intelligence et de la volonté les résidus de notre vie psychologique. II est tout gratuit de lui demander le secret des intuitions de l’élan mystique on du génie. U y a dans le génie une part de réllexion, de recherclie, d’elfort, qui est de tout premier plan. U y a dans l’état mystique l’action d’un pouvoir transcendant. (Voir l’article SDucoNScir.NT)

VII. Etat mystique et la Doctrine catholique.

— Selon la doctrine catholique telle qu’elle ressort des descriptions faites par les mystiques orthodoxes, l’âme en état mystique expérimente Dieu. Dieu lui-même agit sur l’àme, se communique à elle, s’unit à elle, produit en elle perception et jouissance. L’âme se prête à l’action divine. " Elle soull’re, par son expérience, des choses divines », comme disait déjà le p8eui)0-Dk.ys l’Aréopagite (De Nom. divin., cap. 11, § 9). à la fois active et passive. Elle est sous l’inllueiice d’une force transcendante. Et c’est parce qu’on écarte a priori la réalité de cet absolu distinct de l’homme, ou qu’on redoute d’être amené à la reconnaître, que tant de systèmes n’étudient le mysticisme qu’en le déformant. L’action de Dieu sur l’àine rend seule et rend adéquatement raison des manifestations sui geueris, des intuitions, des niodi(ications atïectives que nous révèle lu vie des grands mystiques reconnus dans l’Eglise catholique.