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MYSTICISME

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l’Absolu moralement et par voie de symboles. » (A’ssrti sur les Fundemenis de la cuniiaissaiice mystique. Paris, Alcan, 1897, p. 66) C’est le sens plolinien. Dans le mysticisme orthodoxe, plus le mystique s'élève, plus il écarte les symboles.

L)e cette description de l'état mystique, on trouve tous les cléments et aussi le développement chez les mystiques catholiques. Citons parmi les plus grands : après saint Paul, Hugues de Saint-Victou, saint BuRMAUi), lliciiviiD DE Saint-Victor, saint BONAVENTUHE, saint Thomas d’Aquin, sainte GRRTRUDE, la bienheureuse Angélk du Foligno, Tauler, Suso, sainte Catherine de Sienne, la véncr. Julienne de NoRWicH, KuYSBRŒCK, Gerson, Denis le Chartreux, sainte Catherine de Gi" : neb, le vénérable Louis de Blois, le P. Iîalthazar Alvarez, sainte Thérèse, saint Jean de la Choix, saint Alphonse Uodriguez, saint Fran(, : ois de Sales, sainte Jeanne deChantal, la vénérable Marie de l’Incarnation, ursuline, la bienheureuse Marguerite-Marie AlaCOQUE, saint Alphonse de Liguori, le bienheureux CURÉ d’Ars.

Des mystiques catholiques approuvés, il importe grandement de distinguer les mystiques hétérodoxes. Les principaux sont des quiétisles, comme MoLiNoset Mme GuYON.Chez quelques-uns, ont pu se réaliser, au début, des états mystiques véritables, ou des parties véritables d'états mystiques. Ils y ont bientôt introduit l’activité naturelle, souvent très calculée, de leurs facultés, surtout de leurs facultés Imaginatives et émotivesagissant sans le contrepoids de la grâce divine ou sans le contrôle de la sagesse humaine. Quand ils traitent du mysticisme, nombre d’auteurs profanes, psychologues, médecins et moralistes, les confondent dans un même groupe avec les mystiques catholiques. La conséquence est qu’ils attribuent à ceux-ci tous les caractères psychologiques et toutes les tares de ceux-là, qu’ils faussent entièrement la nature du mysticisme reconnu dans l’Eglise catholique, lis ont alors beau jeu pour ramener tout mysticisme à quelque anomalie (isychophysiologique. C’est imiter ceu.v qui prétendent juger des hommes religieux par les scrupuleux ou les fanatiques.

A plus forte raison, faut-il distinguer des faits mystiques catholiques certaines manifestations troubles et morl)ides, comme celles des Gonvulsionnaires et des Camisards, ou les Revivais. (Voir le liéteil gallois de igo^-igoS dans Eludes du 5 août 1908, p. 363-36g.)

'V. Explications pathologiques. — Les états ou accidents pathologiques, dont il va être question, sont proposés tantôt comme l’explication pure cl simple du mysticisme, tantôt comme l’explication des phénomènes physiques constatés chez les mystiques (extases, évanouissements, visions), tantôt comme concomitants au mysticisme. On dira : Le mysticisme, c’est de l’hystérie ; ou : l’anesthésie des mystiques est hystérique ; ou : il y a de l’hystérie chez les mystiques. En général, les auteurs naturalistes s’inquiètent peu de poser nettement là-dessus l'état de la question.

Etat mystique el Hystérie. — Nvstérie (v. ce mot) est un terme imprécis quia successivement désigné, dans le langage des cliniciens, des symptômes de caractères très divers. Aujourd’hui, ceux dont l’autorité est le mieux reconnue pour l'étude des névroses et des psychoses, déclarent qu’on ignore la cause profonde des phénomènes hystériques, qu’on ignore même si l’hystérie constitue une maladie spéciale. On garde cependant la qualification d’hystérique à certain tempérament caractérisé par une grande

émotivité, la suggestibililé, une réactivité exagérée. Au point de vue moral, les sujets dits hystériques sont inconstants dans leurs passions, allant sans raison proportionnée, pour le même objet, de l’amour à la haine, et se montrant spécialement dissimulateurs. Tout le monde reconnaît que les stigmates somatiques, contracture, raideur, anesthésie, œdèmes sont des symptômes contingents et tout secondaires. Selon les sens successifs du mot, beaucoup de cliniciens ont traité d’hystériques les mystiques catholiques : tels Chaucot, Bourneville, Paul llicuER, Gilles dk la Tourette, Lkorand du Saulle, et aussi Pierre Janet, première manière, Georges

DU.MAS.

Il faut noter que nombre de mystiques, comme sainte Thérèse (voir Vie écrite par elle-même, chap. ix), saint Ignace, sainte Jeanne de Chantai, ne sont nullement des Imaginatifs, et ils présentent les mêmes phénomènes psychiques et les mêmes accidents physiologiques (extases) que les mystiques plus Imaginatifs et plus émotifs. Chez les uns et les autres, sont fréquentes les visions intellectuelles

« où, comme s’exprime sainte Thérèse, l’on voit clairement sans qu’aucune forme frappe les yeux de

l'âme ». — Leur émotivité n’est pas désordonnée : elle répond à un grand objet. Dieu, la destinée humaine, la perfection humaine. Et cet objet les conduit et les domine, leur inspire de fortes résolutions et de grands desseins en vue desquels ils combinent avec sang-froid et prudence des moyens appropriés, loin qu’ils soient la proie des suggestions du moment, qu’ils obéissent au hasard des circonstances. Ils se défendent contre tout ce qui ne va pas à leur

« grande idée » ou à leur idéal, et cette idée ou cet

idéal, ils savent se le justifier à eux-mêmes. Rien de constant comme le fond de l'âme des mystiques catholiques : toute leur vie n’est qu’un effort continu vers Dieu mieux [)ossédé ; les agitations qui se produisent en eux n’attaquent pas cette continuité. Le besoin de sincérité avec eux-mêmes, avec les autres, est encore une marque des mystiques. Humbles, ils confessent leur indignité et leur misère ; ils cachent les faveurs reçues ou les rapportent toutes à Dieu.

Faut-il admettre, au moins, que les mystiques sont tributaires, plus que les autres, des accidents nerveux ? Ce ne serait pas chose extraordinaire que la vie intense dont vivent à certains moments les mystiques, la tension de leur être en une direction unique, la profondeur des émotions qui les envahissent, que tout cela, joint aux austérités qu’ils s’imposent, ail ]>our elïet d’alfaiblir leur organisme et de le disposer à certains accidents nerveux. (Brenier de Montmorand, /les Mystiques en dehors de l’Extase. Hew /ihilos., décembre 190^, p. 603) Mais ces accidents n’atteignent pas la santé fondamentale de leur mysticisme tel que nous venons de le décrire.

Celte santé fondamentale de toute la vie mystique est manifeste particulièrement dans sainte Thérèse. (D’Goix, Le Surnaturel et la Science. Les Extases de sainte Thérèse, dans Annales de philosophie chrétienne, mai 1896, p. 148-169 ; juin, p. 268-280) A l’occasion du troisicme centenaire de sa mort, l'évêque de Salamanque avait, en 1882, mis au concours, entre autres questions, celle du caractère et des révélations de sainte Thérèse en face des savants incrédules. Un jésuite belge, biologiste de mérite, le P. Hahn, crut pouvoir afiirmer, dans son mémoire, qu’au point de vue physique, Thérèse fut, jusqu'à un âge avancé, afiligée d’une hystéro-épilepsie (typeCharcot) aux symptômes accumulés ; mais par une dérogation exceptionnelle à la loi qui établit une corrélation à peu près constante entre le caractère physique et le caractère mental des hystériques de