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MYSTICISME

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D’autres étendent le mot mystique à toute tendance à vivre clans une région supérieure à ce qui est directement palpable, selon un certain idéal littéraire, artislitiue, social.

Danslecatliolieisnie.les mois mystique, mysticisme, ont pris peu à peu un sens spécial et assez délini. Ebauché par le Pseuuo-Dunys, écrivain sans doute du milieu du v' siècle, plus net et plus précis à partir du XI" siècle avec Hugues du SAiNT-VrcïOR et saint Bernard, un certain enseignement s’organise dans l’Eglise. Une théologie se forme autour de l’idée d’une union avec Dieu, plus intime que la simple union de foi commune. Et on entend par tiiystit-isme toute communication directe de l'àme avec Dieu.

C’est dans ce sens précis que nous prenons ici le mot mysticisme.

IV. Description de l'état mystique. — Les états mystiques, quelque divers et variés qu’ils soient, ont ceci de commun qu’ils font percevoir et sentir Dieu immédiatement présent. L'àme élevée à l'état mjstique saisit Dieu par une connaissanceexpérimentale. Sainte Thérèse, en qui le don mystique le plus sublime se trouve uni aune admirable tinesse d’analyse, a décrit maintes fois ce rai)proeliement entre l'àme et Dieu.

« Pendant que je me tenais en esprit auprès de

Jésus-Clirist ou bien au milieu d’une lecture, j'étais saisie soudain d’un vif sentiment de la présence de Dieu. Je ne pouvais alors aucunement douter qu’il ne fût en moi ou cjue je ne fusse moi-même tout abîmée en lui. Ce n’est pas là une vision ; c’est ce qu’on appelle, je crois, théologie mystique. » (Vie par ellemême, chap. x)

Et plus loin : n L'àme se sent près de Dieu, et il lui en reste une certitude qui ne lui permet pas d’en douter… J’avais, dans lescommencements, cetteignorance de ne pas savoir que Dieu est dans tous les êtres. Or, d’un côté, la présence si intime dont je parle me semblait incroyable, et de l’autre, il m'était impossible de ne pas croire que Dieu fût là, car j’avais comme une vue claire de sa réelle présence. » ( Vie, chap. xvii)

Ailleurs : « Dieu s'établit de telle sorte au plus intime de cette àme, qu’en revenant à elle, il lui est impossible de douter qu’elle n’ait été en Dieu et que Dieu n’ait été en elle. Cette vérité s’imprime si bien dans notre esprit que, des années se fussent-elles écoulées sans que Dieu lui ait renouvelé cette grâce, elle ne peut l’oublier ni douter qu’elle n’ait été en Dieu…Vous médirez : Comment a-t-elle vuetentendu <|u’elle a été en Dieu, puisqu’en cet état elle ne voit ni n’entend ? Je ne dis pas qu’elle l’a vu alors, mais qu’elle le voit clairement ensuite, et cela, non au nioj’en d’une vision, mais par une conviction qui lui reste et que Dieu seul peut donner. Je connais une personne qui ignorait que Dieu fût en tous les êtres par présence, par puissance et par essence. Après une faveur de ce genre qu’elle reçut de lui, elle en demeura si convaincue, qu’ayant demandé, à l’un de ces demi-docteurs dont j’ai parlé, de quelle manière Dieuétaiten nous, lui, qui n’en savaitpas plus qu’elle avant cette révélation, eut beau l’assurer cjue Dieu n'était en nous que par la grâce, elle ne put aucunement le croire, tant elle était sûre du contraire. Ensuite, elle en interrogea d’autres qui lui dirent ce f|u’il en était, ce qui la consola beaucoup. » (Château intérieur. Cinquièmes demeures, chap. i")

Saint Jean de la Croix dit, de son côté : « Les connaissances sublimes et amoureuses sont propres à l'état d’union ; elles sont l’union même, et consistent dans une mystérieuse touche de la Divinité au fond intime de l'àme. C’est Dieu lui-même que l'àme

ressent et qu’elle goûte, mais non sans doute avec la plénitude et l'évidence de la claire vision béatili<jue… Ouelciues-unes de ces connaissances et de ces louches, par les(iuelles Dieu alleint la substance de l'àme, l’enrichissent merveilleusemenl. Il suffit d’une d’entre elles pour enlever tout d’un coup à l'àme certaines imperfections, dont elle n’avait pu se défaire durant le cours de sa vie, et de plus pour la laisser ornée de vertus et comblée de dons surnaturels. » (Montée du Carmel, l. Il ; chap. xxvi)

Et commentant le vieux Denys, Gehson se demande ce qu’est la Sagesse supérieure ou le fait mystique. « L’union expérimentale de l'àme avec Dieu, clit-il, est une perception simple et actuelle de Dieu, procédant de la grâce sanctiliante, laquelle commence ici-bas et s’achève dans la gloire par la grâce consommée. Celle union est donc un avantgoût de la gloire, une promesse et un gage de l'éternelle félicité… On aboutit ainsi à cette délinition, par les notes essentielles et propres, de la Théologie mystique, qu’elle est une perception expérimentale de Dieu. Si l’on emploie le mot perception plutôt que le mot connaissance, c’est c(ue 1 union se fait aussibien par les puissances alVectives que par les puissances appréhensives de l'àme. » (Super Magnificat, Traciatus vii"s)

Les états mystiques ne sont ni fixes ni d’une espèce unique. Ils forment comme une série dont l'àme privilégiée est appelée à parcourir les divers degrés, chacune dans la mesure de la grâce accordée. Ces degrés ne nous apparaissent pas comme le développement naturel l’un de l’autre. Ils sont cependant disposés selon un certain ordre dont on retrouve les principales étapes chez les plus célèbres mystiques. C’est une progression vers une pénétration toujours plus intime de la créature par le Créateur.

Au premier degré est VUnion commencée ou la Contemplation imparfaite. L'âme reste attachée à Dieu par un regard simple et amoureux, et Dieu prend possession de l'àme de telle sorte que ses puissances, la mémoire, l’entendement, la volonté, n’interviennent plus que par une spontanéité réduite. Dans ce premier degré d’union, tantôt l'àme goùle une quiétude pleine de suavité qui se répand sur toutes ses puissances, tantôt elle s'épanche en transports de louanges, comme possédée d’une sainte ivresse. Au-dessus est la Contemplation parfaite ou VUnion pleine : l'àme s’unit à Dieu avec une suspension totale de ses puissances, s’abimant et se transformant en lui, conversant avec lui sans le secours des mots et des images. Un degré plus haut, c’est VUnion extatique : les sens extérieurs perdent leur activité, tant Dieu absorbe l’essence de l'àme ; la connaissance de Dieu devient ténébreuse, c’est la nuit obscure, mais ces ténèbres indiquent les profondeurs divines où l'àme pénètre, non une diminution de lumière.

Enlin le terme de ces ascensions mystiques est VUnion consommée ou Mariage spirituel : les ténèbres disparaissent, l'àme s'établit dans la claire vision de Dieu, et d’une façon presque permanente ; les puissances de l'àme et les sens corporels recouvrent leur activité ; l’union sublime persiste parmi les occupations du dehors, l'âme reprend comme pied sur la terre, portant avec elle le don divin.

Telle est, avec ses divers degrés, la montée ou l'échelle mystique. On voit assez l’erreur des psychologues ou des physiologistes qui confondent plus ou moins état mystique et extase, qui ramènent à l’extase tout état mystique. L’extase n’est qu’une forme, et non la plus haute, et plutôt extérieure, de l’union mystique. Erreur aussi de déQnir le mysticisme par le symbolisme. Ainsi pour E. Récéjac,

« Le mysticisme est la tendance à se rapprocher de