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MYSTÈRES PAÏExNS (LES) ET SAINT PAUL

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Peul-on voir, ninsi que l’ont fait quelques criti<iues, en particulier LoisY (L’iniiiiition chrétienne, jR. H. L. H., t. V, p. 198 ss.) et P. Gardner*, dans le baptême chrétien et dans les enseignements de l’Apfitre à son sujet, une reproduction des rites de purilication des religions de mystères ? L’examen des documents prouvera que, s’il y a eu entre les deux une certaine analogie de ternies, il n’y a pas eu dépendance.

Il est inutile de rappeler les rites de lustration du culte d’EriJa en liabylonie, les purifications chez les Parsis, le baptême de la religion mandéenne (On trouvera une étude sur le baptême chez dilïérents peuples dans les articles Banlisrn, vol. II, et Initiation, vol. Vil de i’Encycloiiicrlia of Religion rt/irf i’fvfts, Eldinburgh, 1909 et 1914). Nous reconnaissons que des relig’ions anciennes ont eu des rites de purification : c’est une cérémonie qui ressort de la nature même des choses. Rappelons seulement le bain de purification dans la mer des futurs initiés aux mystères d’Eleusis, l’ablution des initiés dans les mystères d’Isis. Teutulmiîn (De baptismo, v) nous en a parlé : Nam et sacris qui bu s dam per lavacruni initiantur Isidis aUcujus aut Milkrae… cerle ludis Apallinaribus et Eleusiniis linguuntur, idque se in regenerationem et impunilatem perjurioruni suorum ugere præsuiniinl.

On a même voulu retrouver dans un papyrus {Papyrus de Paris, li")) du ii' siècle avant J.-G. l’idée de mort rattachée, comme dans saint Paul, à celle du baptême. Un novice du temple de Serapis,.'.pollonios, aurait écrit à son directeur spirituel Ptolemaios, qui différait son initiation sous prétexte que la mort serait la punition d’une initiation prématurée, qu’il ne pouvait mourir et que, s’il voyait qu’il devait être sauvé, qu’alors il soit baptisé, zai où Sw^/j-tSy. àrc9avstv, y.v.v (2/ ;  : on y.£^ii^a£v 7ù}0cvry.t, to’ts 13amiÇ'Siif.î6x. Telle est, du moins, l’interprétation de Reitzenstein (Die hellenistichen Mysterienreligionen, p. 7^) ; mais MiLLiGAN (Sélections from tlie greel : Papyri, p. 22. Cambridge, 1910) explique ce passage tout autrement. ApoUonios éci’it à Ptolemaios que toutes choses sont fausses, et ses dieiix semblablemenl, parce qu’ils nous ont jetés dans une grande forêt, où nous pouvons mourir, même si tu vois que nous sommes sur le point d'être sauvés, alors que nous sommes enfoncés dans l’embarras. Il n’y aui’ait donc dans cette lettre aucune allusion à la mort concomitante au baptême.

Signalons tout d’abord quelques-unes des idées qui différencient profondement le baptême chrétien des purifications des mystères. La plus capitale est que ces dernières purifiaient le candidat à 1 initiation des souillures physiques, matérielles, de son impureté cérémonielle, tandis que le baptême chrétien purifiait du péché le catéchumène. Celui-ci devait mener désormais une nouvelle vie morale, tandis que le myste continuait sa vie précédente ; ce n'était pas un converti. Au point de vue de l’efficacité morale, les ablutions des mystères païens sont nulles, ainsi que l’alfirme Tkrtullibn (De Baptismo, v) ; elles sont purement rituelles, mécaniques, inelUcaces, viduæ aquae, dit-il, Ib. Voici sur ce point le témoignage de ForcvnT (Op. cit., p. 403

1. The religious expérience of saint l’aul, p. 81. London, 19Î3. — D’après Gardneh, répétant le sommaire donné par Ankicii, Das antike Mysterienwescn, p. 37, les mystères uvuienl trois cariiclérisliques notables : 1. Tous avaient des rites de puriticution, cérémoniels ou moraux ; 2. Les initiés communiaient avec la divinité ; 3. Celte communion leur assurait une vie heureuse dans l’autre monde. Les enseignements de saint Paul sont, dit Gardner, conforutes à ces idées.

et 289) : « L’initiation était dans la vie des initiés un événement considérable, propre à exalter leur foi en Démêler et dans ses promesses, mais non le début d’une existence nouvelle. » (p. /io3) Et sur les purifications, il dit : « Cette pureté est toute matérielle. Que, plus tard, les philosophes aient voulu y voir une image, un symbole de la pureté de l'âme bien supérieure à celle du corps ; que, dans quelques inscriptions de l'époque gréco-romaine, le règlement prescrive aux visiteurs du dieu d’avoir l'âme pure aussi bien quc les mains, c’est possible. Mais parmi les témoignages qui nous sont parvenus sur la préparation aux iiij’stères, il n’y a pas trace d’instruction ou de purilication morale, pas de prescription pour réparer ou expier les fautes commises, pas d’exhortation à les éviter dans l’avenir. » (p. 2B9)

Il n’y a d ailleurs aucun rapport entre les rites de l’initiation aux mystères païens et le rite du baptême chrétien. Ces rites païens de purilication sont en outre des préparations à l’initiation. Dans les mystères d’Eleusis, il y avait d’abord la purification à la mer, puis, le surlendemain, des sacrifices, des processions, et alors commençait la célébration des grands mystères qui initiaient le candidat au grade de imT--r, i. Il n’en était pas de même dans le baptême chrétien, lecpiel était tout à la fois une purification du péché et une introduction du néophyte dans le corps de l’Eglise et une union mystique avec JésusChrist. « Car, dit saint Paul dans sa première épître aux Corinthiens, xii, 12, comme le corps est un et que tous les membres de ce seul corps, quoiqu’ils soient plusieurs, ne forment qu’un seul corps, il en est de même du Christ. Car nous avons tous été baptisés dans un seul Esprit pour n'être qu’un corps, soit Juifs, soit Grecs, et nous avons tous été abreuvés d’un seul Esprit. » Cf. le passage de l'épître aux Romains, vi, 3, que nous citons plus loin.

Enfin, dans le baptême chrétien, l’effet n'était pas produit, comme dans l’ablution de l’initié païen, d’une façon mécanique, magicpie, mais d’une façon spirituelle. Pour nous convaincre de ce fait, il suffit de lire quelques passages des épîtres pauliniennes.

« Ignorez-vous, dit l’Apôtre aux Romains, vi, 3, que

nous tous qui avons été bajjtisés en Jésus-Christ, c’est en sa mort que nous avons été baptisés ? Nous avons donc été ensevelis avec lui par le baptême en sa mort, afin que, comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, de même nous aussi nous marchions en nouveauté de vie, car si nous sommes devenus une même plante avec lui par la ressemblance de sa mort, nous le serons aussi par la ressemblance de sa résurrection, sachant bien que notre vieil homme a été crucifié avec lui, afin que le corjis du péché fût détruit pour que nous ne soyons jilus esclaves du péché, car celui qui est mort est liliéré du péché. » Et aux Galales, iii, 26, 27, il dira : « Tous vous êtes ûls de Dieu par la foi dans le Christ Jésus. Car vous tous qui fûtes baptisés dans le Christ, vous revêtîtes le Christ. » Et encore il écrira aux Colossiens, 11, 12 : « Ayant été ensevelis avec lui (le Christ) par le baptême dans lequel vous aussi vous êtes ressuscites avec lui par la foi de la puissance de Dieu qui l’a ressuscité des morts. Et vous, lorsque vous étiez dans vos oll’enses, dans l’iucirconcision de votre chair, il vous a vivifiés avec lui, nous ayant pardonné toutes nos offenses. »

Il ressort, d’une façpn claire, de ces divers passages que nous sommes ici dans la sphère des choses spirituelles et que, de même que la mort du Christ et sa résurrection n’ont rien eu de magique, le baptême qui unit le catéchumène à la mort et à la résurrection du Christ, qui es tune similitude de cellesci, n’est pas une opération mécanique ou magique.