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MYSTÈRES PAÏENS (LES) ET SAINT PAUL

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de l’universalUé Ju salut pour tous les peuples, de l’appel de toutes les nations à faire partie du royaume de Dieu. Jésus est le salut que Dieu a préparc pour tous les peuples, la lumière qui doit éclairer les nations, Le. II, 30-32 ; par lui toute cliair vei-ra le Salut de Dieu’Le, iii, 6 ; Isaïe, ii, 30 ; il viendra des hommes de l’Orient et de l’Oceident s’asseoir à table dans le royaume de Dieu, Lc, xiii, 29 ; la pénitence et le pardon seront prêches au nom du Messie à toutes les nations. Lc, xxiv, 46, 47 i l’Evangile doit être prêché à toutes les nations. Mc, xiii, 10 ; Jésus ordonne à ses apôtres de faire toutes les nations ses disciples, Mt., xxvni, 19 ; la vocation des gentils au salut est clairement enseignée par la parabole des vignerons homicides, Mt., xxi, 33-46 ; Mc, xii, i-ia ; Le, XX, g-iQ-n serait facile de multiplier les textes ; ceux-là sullisent.

Comparons maintenant les conceptions centrales des religions de mystères à celles de saint Paul. Les conceptions que nous rencontrons dans presque toutes les religions de mystères se résument dans les suivantes : Les initiés obtiennent le salut, trwTvjpia ; ce salut les délivre de la tyrannie du destin, dont l’épreuve la plus cruelle est la mort. L’initié est donc assuré de l’immortalité, qui lui est conférée par la régénération, Kva/ewâTJai,-a’tv/-/s.Jîzia., Une vie divine est accordée à l’initié qui est déilié, Ot’J)r ;, ’j.i, à-5*£w « r.vai, ce qui lui procure l’union avec la divinité.

On a voulu trouver dans ces idées les origines de la conception chrétienne du salut et de l’immortalité bienheureuse : « Les mystères païens et le christianisme avec eux, dit LoisY (Les mystères païens et le mystère chrétien, II. IL. L. R., t. IV, N. S., p. lo), promettaient à leurs adeptes l’immortalité des dieux… C’est du Christ lui-même que le chrétien reçoit l’assurance de l’iinmorlalité ; il la tient donc de celui qui, ayant connu la mort, a connu le premier la résurrection et la gloire auprès de Dieu. C’est parce qu’il est uni, assimilé au Christ, mort et ressuscité, que le chrétien est assuré de ressusciter lui-même après sa mort. De même, dans les mystères païens, c’est dans une relation intime, une étroite union avec les divinités des mystères que les initiés puisent la garantie d’une vie heureuse dans le monde éternel. Ces divinités aussi sont spécialement qualiQces pour procurer aux hommes une telle grâce. » Et ailleurs encore il dira (The Christian Mystery, dans The Hibbeit Journal, vol. X, p. 51. London, 1911) : « Jésus-Christ fut un dieu sauveur d’après la fai, ^on d’un Osiris, un Attis, un Mithra. Comme eux, il appartenait par son origine au monde céleste ; comme eux il est apparu sur la terre ; comme eux il a accompli une œuvre de rédemption universelle, efficace et typique ; comme Adonis, Osiris et Attis, il est mort d’une mort violente et comme eux il a été rappelé à la vie ; comme eux il a préliguré dans sa destinée celle des êtres humains qui prendraient part à son culte et commémoreraient sa mystique aventure ; comme eux, il a prédestiné, préparé et assuré le salut de ceu.x qui deviennent participants de sa passion. r>

Examinons d’abord les données des textes sur ces conceptions des religions de mystères, et mettons-les en présence des enseignements de saint Paul sur ces mêmes points. On constatera que ces conceptions sont peu précises, plutôt obscures, et n’ont avec celles de l’Apôtre que certains rapports de termes. Observons encore que les idées que nous trouvons, en particulier dans les liturgies milhriaques ou les écrits hermétiques, sont quelques-unes peut-être anciennes, ce que nous ne pouvons savoir, mais en tout cas nous ont été transmises par des documents postérieurs aux épîtres pauliniennes.

Dans l’exposé que nous avons fait des différents mystères, nous avons relevé cette conception très ancienne de la communion avec la divinité, obtenue par la manducation d’une victime qui la représentait. Dans les rites qui se concrétisaient dans la figure mysti<iue de Dionysos Zagreus, le taureau, représentant le dieu lui-moine, était mis à mort et dévoré. Sa vie se transfusait dans ses adorateurs. Les initiés aux mystères de Dionysos, dit Clkment d’Alexan-DRiK {l’rutrej/t., 11, 12 ; cf. Scholion ancien sur i, 2), mangent de la chair crue ; cette initiation symbolise le dépècement de son corps que Dionysos a subi par les mains des Titans.

Une communication moins matérielle de la divinité est celle que la religion grecque nommait l’inspiration divine, ’i-jOmi « .^iA’Ji. La prière à Hermès (Kenyon, Greek l’apyri, I, s. 116) : « Viens en moi. Seigneur Hermès, comme l’enfant dans les entrailles des femmes », précise cette idée. A cette conception de l’inspiration, se i-elie celle de l’extase, ézttkti ;, état qui est produit par l’entrée d’un élément divin dans l’extatique, lequel devient i-^Oioi, animé par Us dieux. Du même ordre est la /vcûhî, ou la vision de la divinité, qui transforme l’àine en la divine essence. Dans la littérature hermétique, la communication de la révélation régénère. L’âme est rendue capable de s’élever dans la demeure divine et de devenir un avec la divinité. Cette sorte d’union mystique provient probablement en partie des anciennes spéculations physico religieuses et en partie de leur interprétation pythagoricienne ou stoïcienne, enseignant que les hommes atteignent la vision de Dieu par le moyen des éléments, dont les premiers principes existent dans la divinité. On a conçu quelquefois, et cela devait se produire, comme un mariage spirituel de l’âme avec Dieu (Undbkiiill, Mysticism, p. 496. London).

Dans les mystères d’Attis, l’initié est sauvé de ses tourments eomme le dieu a été sauvé. Par quel moyen était-il assuré de l’immortalité ? On l’ignore. Dans la description que fait Apulke de l’inilialion de Lucius aux mystères d’Isis, cette initiation est décrite par le grand prêtre comme une mort volontaire, suivie d’une nouvelle naissance. Sallustils parle des nouveaux initiés aux mystères d’Attis, recevant du lait en nourriture, comme étant nés de nouveau. Dans le culte d’Osiris, l’adorateur, uni au dieu qui vit, partageait sa vie divine.

D’après Sopater, dit Uamsay (Mysteries, dans VEncyclopædia Britannica, 9’éd., London), l’initiation établit une parenté de l’âme avec la nature divine et Tuéon de S.myrne affirme que le degré final de l’initiation est l’état de bonheur et de faveur divine qui en est le résultat. Mais quel est pour notre sujet la valeur du témoignage de Sopater, auteur du vi’siècle après Jésus-Christ ou même celui de Théon, qui est de l’an 1 17 après J.-C.’?

Examinons maintenant la doctrine de saint Paul sur le salut de l’homme par le Christ, afin de faire ressortir ce qui la différencie absolument des idées des liturgies mystiques que nous venons d’exposer sommairement.

Si nous comparons le personnage que fut Jésus à ce qu’étaient Osiris et Attis, une différence essentielle s’affirme iiumédialenient. Jésus est un personnage historique qui a vécu, qui a enseigné à ses disciples une doctrine de salut, qui a souffert et qui

1. Sur la communion de l’homme avec la divinité, on pourra consulter lea divers articles, publiés dans VEncyclopædia IIPReligion and Ethics, sur cette question, examinée chez divers peuples, en particulier chez les Babyloniens, le.s Chaldéens, les Egyptiens, les Giecs et les Romains, les Hébreux, etc. Vol. lil, p. 736. Edinburgh, 1910.