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MYSTÈRES PAÏENS (LES) ET SAINT PAUL

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visions et à des révélations du Seigneur. Je connais un liomnie dans le Christ qui, il y a quatorze ans, fut enlevé jusqu’au troisième ciel — si ce fut dans son corps, je ne sais ; si ce fut hors de son corps, je ne sais ; Dieu le sait — et je sais que le même homme — si ce fut dans son corps ou hors de son corps, je ne sais ; Dieu le sait — fut enlevé au paradis et y entendit des paroles ineflabîes, qu’il n’est pas permis à un homme d’exprimer. »

Cet enlèvement de Paul au troisième ciel est un fait, et il faudrait douter de la véracité de l’Apôtre pour croire qu’il a été suggestionné dans son récit par les croyances anciennes à l’ascension de l’âme au ciel. Nous devons voir là un état extatique, auquel il fait encore allusion dans la même épître, V, 13, et dont nous avons de nombreux exemples dans la vie des saints. Saint Jean, lui aussi, fui ravi au ciel, Apoc, i, lo ; n’, 2 ; les prophètes, Isaïc, vi,

I ; Ezéchiel, 1, 1, le furent aussi. Il en a été de même d’Hénoch et d’Isaïe, d’après le livre d’Uénocli et l’Ascension d’Isaïe. Nous pourrions citer d’autres exemples dans La Vie d’Adam et d’Eve (Kautscu, Die Âpoliryphen, II, p. 626), le Talmud de Babylune, Chagiga, 16, dans les Oracula chaldaica (Kroll, p. 50). On trouverait aussi d’autres mentions de cette croyance, plus ou moins altérée, chez les gnosliques, dans Cklse, Porphyre, etc. Relevons en passant une singulière interprétation qu’a faite Ileitzenstein (Op. cit., p. 198) du passage déjà cité,

II Cor., v, 13. Réunissant £vflz ; v.oJvT£ ; et Uùr, u : jj-zti du ^ 9 à îi’TS’/KO £çâ'rr>7ur> 0£oj* âfTî îw ç ; ^2vsù/jiîv’^f^^’^t il traduit :

« Nos extases se sont faites ou se font pour Dieu ; 

elles sont ]>our lui un service, un culte qui rend l’homme agréable à Dieu, » Pour aboutir à cette interprétation, il sui)prime toutes les paroles de Paul entre les versets g et 13, dont la lecture prouve à l’évidence qu’il n’est nullement question d’un culte à rendre à Dieu.

Examinons maintenant les ressemblances que l’on prétend trouver entre la transformation de l’homme dont il est parlé dans la littérature mystique et magique, et celle dont parle saint Paul dans ses cpitres. Nous avons vu que, d’après Reitzenslein, la /vûTi^ était un chemin pour une transformation de l’homme, aboutissant à la déification. Cette idée est nettement exprimée dans un discours d’Hermès à son fils Tal : « Celui qui est parvenu à la gnose, ne peut plus penser à autre chose, ni rien regarder, ni entendre parler de rien, pas même mouvoir son corps. Il n’y a plus pour lui de sensation corporelle ni de mouvement : la splendeur qui inonde toute sa pensée et toute son àme l’arrache aux liens du corps et le transforme tout entier dans l’essence de Dieu. » (Hennés Trismégiste, traduction Miînard, p. 56). On retrouve la même doctrine dans la Liturgie Je Milhia, i ! i, i(> ss., et dans un papyrus magique : « J’ai été uni avec ta forme, iJ-’pffi, sacrée ; j’ai été fortitié par ton saint nom. » (Wessblv, Griecli. Zanberpap., I, p. 48 ; Rbitzenstkin, p. 69). Cette forme nouvelle paraît être le résultat de l’initiation. Dans la vision de Zosime, déjà citée, celui-ci parle aussi d’un changement de corps, /i£TK7w//. ! z-où</îv(3 ; , par lequel il devient esprit, rïsC’, ua.

En face de ces textes, on place divers passages des épîtres de saint Paul qui auraient avec eux des ressemblances. Ecrivant aux Romains, viii, 29, il leur dit : « Parce que ceux qu’il a connus à l’avance, il les a aussi prédestinés à être conformés, r ; jy ; iipy’yj : , à l’image de son Fils. » Il s’agit évidemment ici seulement d’une transformation spirituelle. Il en est de même du passage, /îom., xii, 2 : « Ne vous conformez pas au siècle présent, mais soyez transformés par le renouvellement de l’intelligence, s

Dans la seconde épître aux Corinthiens, iii, 18, Paul leur dit : « Ainsi, nous tous qui, à visage découvert, contemplons la gloire du Seigneur comme dans un miroir, nous sommes transformés, , usT « //opf.o^/y » 5<z, de gloire en gloire jiar l’Esprit du Seigneur. » Le contexte indique qu’il n’est pas question ici d’une transformation réelle du corps pour devenir esprit. Dans les versets précédents, 13, 16, Paul parle de Moïse qui se couvrait la tête d’un voile, et ce voile restera sur les yeux des Juifs à la lecture de l’Ancien Testament, jusqu’à ce que leur cœur se soit converti. Moïse, au contraire, enlevait son voile pour parler au Seigneur, Exode, axxiv, 34 ; de même, le chrétien, pour qui le voile a été enlevé, contemple à visage découvert la gloire du Seigneur en un miroir qui, reflétant cette gloire, le transforme en la même image. Nous avons ici une suite de métaphores et non une description de réalités. « Les chrétiens, dit Mange-NOT, n’ont point de voile sur les yeux et ils reflètent comme dans un miroir la gloire du Seigneur… La gloire de Dieu nous transforme intérieurement et nous la réalisons. En reflétant cette gloire, qui reluit en nous par suite de notre foi et del’inhabitation du Saint-Esprit en nous, nous la réalisons toujours de plus en plus en nous. L’image que nous avons reçue ainsi en nous et que nous rellélons en dehors par notre vie, est capable d’être augmentée et perfectionnée. Elle s’accroit de plus en plus et elle sera parfaite à la résurrection, quand notre corps sera glorifié et, pour ainsi dire, spiritualisé. » (La doctrine de saint Paul et les mystères païens ; Revue du Clergé français, t. LXXIV, p. 388. Paris, 191 3)

Les autres passages des épîtres pauliniennes parlent, il est vrai, d’une transformation réelle de l’homme, mais qui s’effectuera dans l’autre vie. « Car pour nous, dit-il aux Pliilippiens, iii, 20, notre citoyenneté, noJ.i-e-jao : , est dans les cieux, d’où nous attendons aussi comme Sauveur le Seigneur Jésus-Christ qui transformera le corps de notre humiliation pour le rendre conforme au corps de sa gloire. » Paul fait certainement allusion ici à cette transformation du corps psychique, tj, u)rtxiv, en corps pneumatique, msjactnxi’j, qui aura lieu, lors de la résurrection, I Cor, , XV, 44. C’est cette même tr^insformation dont il parlait aux Romains, viii, 23, à laquelle il aspirait et dont il avait reçu les prémices par l’Esprit.

Mais quels que soient les points de contact que l’on découvrira entre la pensée de Paul et l’idée des mystères sur la transformation de l’honiiue par la vision de Dieu, observons avec ICe.nnedy (Op. cit., p. 183) qu’il y a entre elles une différence fondamentale. Dans les religions de mystères, on insiste surtout sur une transmutation presque magi<iue de la substance, tandis que, chez Paul, la conception du TTiîùyo’. place au premier rang le point de vue moral ; on ne peut y voir aucune spéculation métaphysique.

Mais peut-on soutenir que c’est de la littérature des mystères que Paul avait reçu cette idée du jû, « 3t svîu/À’xri/îiv et de la ôolc. qui est accordée à ce corps ? C’est ce que fait Rkitzenstein (Op. cit., p. 169-181) dans une suite de considérations qu’il n’est pas facile de tirer au clair : tenons nous-en à l’essentiel.

Reitzenstein met en rapport direct la conception du corps pneumatique avec la notion des vêtements célestes que, dans certaines religions orientales, les âmes purifiées recevaient à travers les sept sphères au séjour de la lumière infinie. Cumont nous apprend que c’est une vieille croyance orientale que les âmes, conçues comme matérielles, portent des vêlements… De là vient l’idée, qui se retrouve jusqu’à la fin du paganisme, que les âmes, en traversant les si>hères planétaires, se revêtent, comme de