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MYSTÈRES PAÏENS (LES) ET SAINT PAUL

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Et d’abord, au point de vue naturel, it-u/^^, dans les épîtres pauUniennes, signiûe la personnalité humaine, composée de corps et d'àme, liom., ii, 9 ; XIII, I ; un être animé, doué de vie, I Cor., xv, 45, comme dans l’Ancien Testament, Geti., xiv, 21 : Le roi de Sodome dit à Abram : Donne-moi les âmes (les personnes) et prends pour toi les biens. Cf. Gen., XXXVI, 6 ; xlvi, 15, 18, 2a ; Ex., i, 5, etc. Il sio-nifie aussi, dans Paul, la vie : Saluez Prisca et Aqiiila… qui ont exposé leur vie, l-jy, ', ', Rom., XVI, 3, sens que l’on retrouve dans le troisième livre des Rois, xix, 10 : Ils cherchent à m'ôter la vie. Cf. Nomb., ixiii, 10 ; Job., xxxvi, i^ ; Ps., xl, 14, etc.

Rappelons que, comme l’Ancien Testament, Paul emploie le mot rvsû/ « f. pour signifier le souffle de la bouche : Ps., xxxiii, 6 ; haie, xi, 4 et II Thess., 11, 8, ou les pensées, les désirs, les alTeclions de l’homme : tous ceux dont l’esprit était bien disposé, Exod., XXXV, 21 ; Anne dit à Héli : Je suis une femme affligée dans son esprit, I liois, 1, 15. Cf. Nombres, v, 14 ; Ps., XXXIV, 8 ; ysflîe, LXi, 3, etc. et 1 Cor., iv, 21 ; vi, 20 ; II Cor., II, j3 ; Col., 11, 5, etc. U serait facile de multiplier les exemples ; on pourrait montrer aussi que Paul s’est inspiré de l’Ancien Testament dans l’emploi qu’il fait des termes /.xpSiy, voùi, Simaïa.

Mais c’est surtout au point de vue religieux que nous relevons de nombreuses ressemblances dans les signilications qui sont données au terme msi/jx, en saint Paul et dans r. cien Testament. Kt d’abord, il est souvent parlé dans celui-ci de l’Esprit de Dieu et de son action sur l’homuie. L’Esprit du Seigneur vint sur lui. Juges, iii, 10 : vi, 34 ; xi, 29, etc. L’Esprit du Seigneur Dieu est sur moi, Isaïe, lxi, i, l’Esprit du Seigneur tomba sur moi, Ezéelnel,-s.i, 5 ; à comparer avec liom., viii, 14 : Car tous ceux qui sont conduits par l’Esprit de Dieu, ceux-là sont lils de Dieu, et ib., vni, 9 : Vous êtes dans l’Esprit s’il est vrai que l’Esprit de Dieu habite en vous. Cf. I Cor., II, 14 ; VII, 40 ; Il Cor., iii, 13 ; Epli., iv, 30, etc. Rappelons encore que cette idée de l’Esprit de Dieu habitant en nous, qu’a développée l’Apùtre, a pu lui être suggérée par la conception de l’Esprit de Dieu (roiiach) qui était la source de l’inspiration prophétique, Ezéchiel, 11, 3.

La doctrine de Paul, que l’Esprit est en nous puissance et vie, Rom., vi, 4 ; v », 6-11 ; xv, iS-ig, lumière et force, I Cor., 11, 10-16, lui vient aussi de IWncien Testament où, dans la Genèse, 1, 2, on voit l’Esprit se mouvant au-dessus des eaux pour les vivifier ; dans les Psaumes, civ, 30, l’Esprit crée et renouvelle la face de la terre. Cf. Isaie, xxxii, iS-i^ ; Ezéchiel, xxxvii, 8-10.

Cette doctrine a été très bien résumée par le P. Lebrbton (Les origines du dogme de la Trinité, p. 337, Paris, 1910) : « Cette rapide description de l’action de l’Esprit d’après saint Paul fait assez reconnaître l’origine de sa doctrine ; elle est sans doute en continuité avec la théologie de l’Ancien Testament : dans les livres prophétiques et dans les Psaumes, on peut retrouver la plupai’t des conceptions pauliniennes. L’Esprit est là aussi lumière, force, vie ; il est la source des dons extraordinaires et parfois, quoique plus rarement, il apparaît comme un principe de sainteté. Mais dans saint Paul toutes ces doctrines sont transformées ; elles sont beaucoup plus profondes, et, par suite, elles manifestent une unité jusque-là insoupçonnée. » Ch rôle personnel de l’Esprit siu" l’homme, que Paul a marqué si vigoureusement dans ses épîtres, ne lui a donc été suggéré ni par la littérature des mystères, ni par le judaïsme contemporain, mais par la révélation du Christ. U a tout au plus reçu du judaïsme quelques

formules : Esprit saint.Esprit de sainteté. (Lebrbton, op. cit., p. 137-139)

Passons à l’examen d’autres termes qu’emploie l’Apôtre pour exprimer ses doctrines principales. Parmi les dons spirituels, il range la parole de science, /îy^ç yMieui, l Cor., xii, 8. En quel sens a-t il employé ce terme /vûti ; , et a-t-il été influencé, dans la description qu’il a faite de la yvauti, par les religions de mystères ? En d’autres termes, l’emploi commun de ce mot chez Paul et dans les mystères païens implique-t-il la communauté des idées ou plutôt la dépendance de Paul à l'égard des religions de mystères ? Reitzenstbin a soutenu l’allirmative.

D’après les écrits hermétiques, dit-il (op. cit., p, 38), la vision de Dieu fait devenir Dieu et donne le salut, riiTypix-, cette vision supérieure s’appelle /ïûvai ©iiv. La -/vûn ; est une expérience immédiate, un don gracieux de Dieu, yxpt7/jiot, qui illumine, s&itÇîi, l’homme, et en même temps change sa substance ; elle l'élève par le moj’en du corps dans le monde suprasensible. C’est une sorte de vie nouvelle, la plus haute perfection de l'àme, la délivrance du corps, le chemin vers le ciel, la véritable adoration de Dieu et piété. Celui qui a la //Sijii ou qui est dans la /jûjiç, est déjà un homme divin.

Voici les textes sur lesquels Reitzenstein (op. cit., p. 1 1 3) appuie ses aflirmations. « Dieu est loué qui veut être connu, et qui est connu par les siens, /tvwTxcTKi toi ; l'ôi'îu » (Corpus Ilermeticum, I, 31). La signification de la /aim ; ressort assez nettement, d’après lui, de la prière finale du Aç/î ; té/eio ; du papyrus Mimant, dont le teste grec a été restitué par Reitzenstein à l’aide d’une traduction latine qui se trouve dans VAsclepius du pseudo-Apclke (Archiv. fiir die Religions-Wisserischaft, 1904, p. 3g3-39'7. Ce papyrus est probablement du in* siècle après J.-C, mais il provient d’un original beaucoup plus ancien).

« Par ta grâce, dit l’adorateur, nous avons reçu

cette lumière de la gnose,-c^izc ri fû ; t ?, : /vcicrîwç. Par grâce tu nous as donné… la gnose, afin que t’ayant reconnu, nous nous réjouissions. Ayant été sauvés par toi, nous nous réjouissons de ce que tu t’es montré à nous tout entier, nous nous réjouissons de ce que, étant dans nos corps, tu nous as déi ^és, àrîSEtuiTKç, par la vue de toi-même r ?, r=Kvrcû fri… T’ayant ainsi adoré, nous ne demandons rien de ta bonté, sinon qu’il te plaise de nous garder dans ta gnose, tj-rr, ! rr, /vwjEi ; entends notre supplication, que nous ne nous éloignions pas, ri fir, iça/^vyi, de ce genre de vie. »

Reitzenstein cite encore ce passage (Poimandres, T 26) : c( Cela est le bon résultat pour ceux qui possèdent la gnose, d'être déifiés, SiuBf.jcA, » La gnose est essentiellement un don surnaturel qui ne peut être atteint par le moyen de la réflexion intellectuelle. Ailleurs (Corpus Ilerm.. XIII, 18), la -/ « ûti ; y./i'-t est implorée comme source d’illumination.

S’appuyant sur ces textes et d’autres encore, Reitzenstein soutient que le sens de /vs-^'i, est identique dans la littérature des mystères et dans les épîtres pauUniennes. Paul emploie, dit-il, ce terme en des sens assez divers. Et d’abord, il regarde la yvâjeî comme un don surnaturel, /</.oi^ij.-x, I Cor., xii, 4. 8. Dans la même épître, xiii, 12, il dira, comme dans" les écrits hermétiques : « Maintenant, je connais en partie, mais alors je connaîtrai, comme j’ai été aussi connu. B La /aûc^i : consistait donc à avoir la vision de Dieu, à le voir face à face. Dans l'épître aux Fhilippiens, iii, 8-10, la /vûci ; et -/jùjct sont donnés comme la plus intime union entre le chrétien et Jésus-Christ. Même pour le passage de l’cpître aux Romains, ii, 20, où il est question du Juif qui prétend avoir dans la Loi la forme de la connaissance, yMaa ; , et do la