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MYSTÈRES PAÏENS (LES) ET SAINT PAUL

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trouvons le culte d’Isis, auquel se joint celui de Sérapis ; à Ponipei, à la lin du second ; à Home, dans le premier quart du i"’siècle après J.-C. Il est en Syrie et dans toute la Grèce, en Asie Mineure, en Thrace, dans les iles de l’Arcliipel, en Sicile et dans le sud de l’Italie, et dans les premiers siècles du christianisme nous en relevons l’existence dans tout l’Occident de l’empire romain.

Quant aux mj’stères d’Eleusis, comme tels ils restèrent locaux, bien que l’on retrouve ailleurs le culte des déesses éleusiniennes, Déméter et Coré : ils ont cependant pour notre étude un grand intérêt parce qu’ils sont de ceux qu’a pu connaître saint Paul. Examinons maintenant l’état religieux que suppose rintluence qu’eurent ces mystères les uns sur les autres. Aux environs de l’ère chrétienne, le mouvement syncrétique, où se mélangèrent les mystères licUéniques et les religions orientales, provoqué par l’extension de la Grèce en Asie à la suite des conquêtes d’.lexandre, grandit rapidement par la propagation qu’en tirent de zélés missionnaires. Us usèrent de tous les moyens de séduction : spectacles impressionnants au milieu de la nuit, musique séduisante, danses délirantes, communication de formules mystérieuses. « Les prêtres orientau.x, dit CuMONT (Op. cit., p, Gi) apportaient notamment en Italie deux choses nouvelles : des moyens mystérieux de purification, par lesquels ils prétendaient etracer les souillures de l’àme, et l’assurance que l’immortalité bienheureuse serait la récompense de la piété. »

Bientôt se répandirent desdoclrinesésotériquessur les démons, sur les sept archons planétairesquidéterminaientles destinées des hommes. Originairesde la Babylonie, elles ont pénétré dans les religions de la l’erse et de l’Egypte ; elles se retrouvent dans l’apocalyptique juive, dans la littérature orphique, dans les écrits hermétiques, dans les textes grecs astrologiques et dans le gnosticisme. Ne serait-ce pas de ces archons que parlerait saint Paul aux Epliésiens, II, 2, lorsqu’il leur dit qu’ils marchaient autrefois selon le prince, upx’jn, de la puissance de l’air ? Et ne ferait-il pas aussi allusion à ces esprits élémentaires qui, d’après les idées de cette époque, courbaient les hommes sous leur joug de fer, quand il écrit aux Galates, iv, g : « Comment retournerez-vous encore à ces faibles et pauvres éléments, : - : r, iyii%^ auxquels vous voulez être asservis encore de nouveau ? » Cette traduction de jtsi> ; £i"x par « esprits élémentaires u n’est pas acceptée par tous les exégèles (voir plus loin, col. 983, n. i).

C’est d’ailleurs à cette époque que naquirent et se développèrent les premiers systèmes gnostiques qui durent leur origine à un mélange de spéculations grecques et de doctrines orientales. IIippolyte l’avait déjà vu : parlant des Séthiens, secte gnostique, il remarque : Tout le système de leur doctrine est dérivé des anciens théologiens. Musée, Linus et Orphée, qui introduisirent spécialement les cérémonies de l’initiation et aussi les mjstères eux-mêmes. Il rattache une de leurs doctrines aux rites bacchiques d’Orphée.

Nous constatons des traces de ce syncrétisme religieux dans les papyrus magiques, récemment découverts en Egypte ; ils nous apportent des fragments d’hymnes et d’alphabets, où nous lisons des noms mystiques d’origine babylonienne, égyptienne, hellénique et même juive. Dans les textes rituels et liturgiques, sont mélangées des théogonies et des cosmologies dont quelques-uucs remontent à Hésiode et d’autres aux apocalypses juives. Que ces livres magiques aient été nombreux au i’"' siècle, cela ressort d’un passage des Actes des apùlres, xix, 19, où

il est rapporté que ceux qui, à Kphèse, avaient exercé des arts occultes apportèrent leurs livres qui furent brûlés ; ils valaient ôo. 000 pièces d’argent.

Un des facteurs les plus puissants de la diffusion de ces religions de mystères furent les associations tout à la fois fraternelles et religieuses, les thiases, (’<5’.7 ; i et les ipr/’.Mt ; , très répandues dans le inonde gréco-romain, au milieu des basses classes de la population. On en trouve surtout dans les ports de la Méditerranée, au Pirée, sur les côtes de l’Asie Mineure et dans les iles de l’ArchiiJcI. Smyrne, Ephèsc et Corinthe ont été des centres importants de ces fraternités mystiques. Chacune de ces associations avait ses dieux : Dionysos Sabazios, la Grande Mère,.donis, Sérapis, Osiris et Isis, les Cabires de Samothrace, dont elles célébraient les mystères et adoptaient les doctrines. Elles avaient pour caractères communs les purilications, les danses orgiastiques, les symboles d’un naturalisme grossier.

Paul, dont la prédication s’adressait à toutes les classes de la société, mais surtout aux classes inférieures des cités grecques, a dû être en contact avec ces associations, et c’est probablement parmi elles qu’il a recruté bon nombre de ses adhérents. Nous ne pensons pas que l’on puisse supposer, comme l’a fait Reitzenstein, que Paul se soit instruit des mystères païens en lisant les écrits magiques et les livres liturgiques des mystères. Il a dû apprendre ce qu’il en a su par le commerce qu’il a eu avec les gens qu’il a fréquentés. Il était né et avait grandi à Tarse, vieille cité païenne, centre de culture hellénique, où les mystères de Mithra s’étaient implantés de bonne heure ; il a donc pu apprendre à connaître les mystères en en entendant parler autour de lui. A Antioche, où il a vécu longtemps, il a pu rencontrer des adeptes des mystères syriens ; à Athènes et à Corinthe, il a dû être en rapport avec des initiés aux mystères d’Eleusis ; dans les ports de la Méditerranée il a été en contact avec les adhérents de toutes les divinités grecques et orientales. Il est évident que, désirant convertir à Jésus-Christ ces initiés aux mystères, il a cherché à s’instruire de leurs doctrines pour les discuter ou même pour se servir de ce qu’elles avaient de meilleur afin d’amener leurs adeptes au Dieu véritable. C’était sa façon de procéder dans son œuvre missionnaire, ainsi que le prouvent ses discours aux Juifs, Act., xiii, 16 ss. ; aux Grecs d’Athènes, xvii, 1% ss. Or, tous ces mystères parlaient d’un Dieu sauveur, de purification des fautes, d’initiations qui assuraient au fidèle la vie bienheureuse. Paul a dû partir de ces idées pour enseigner à ces initiés le véritable Dieu Sauveur, Jésus-Christ, les conditions nécessaires du salut, gage de la future vie bienheureuse.

Nous allons d’ailleurs voir que ce n’est pas dans les religions de mystères que l’Apôtre a puisé les termes par lesquels il exprimait ses doctrines, et qu’aucun de ses enseignements ne lui est venu de celles-ci, mais de l’Ancien Testament et de la révélalion qu’il en a reçue directement de Jésus-Christ et indirectement par la tradition apostolique.

III. Terminolcgie et doctrines pauliciennes : leur comparaison avec la terminologie et les idées des religions de mystères. — Saint Paul a emi)loyé dans ses épilres des termes qui avaient reçu dans les liturgies des mystères un sens plus ou moins technique. Il ne pouvait en être autrement puisque, des deux côtés, nous avons la même langue employée, le grec, et que, de plus, ces termes étaient connus de tous, que Paul a été en rapport avec des initiés aux mystères et enfin, que les épîtres pauliniennes et les religions de mystères ont