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MYSTÈRES PAÏENS (LES) ET SAINT PAUL

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dire aux œuvres de la nature, tout comme l’initiation dionysiaque rendait les bacchants et bacchantes capables de coopérer à l'œuvre de Dionysos. Les cérémonies magieo-religieuses qui tendaient à régler la vie de la nature étaient aux mains des inities. Quand et comment l’idée d’immortalité bienbeureuse auprès des dieux se lit-elle jour dans ce culte barbare entre tous, on ne saurait le dire. On doit compter sans doute, pour les anciens temps, avec l’inlluence de la Tliraceetdes idées qui s’attachaient au culte de Dionysos-Sabazios, plus tard avec les iniluences helléniques et perses '. L'évolution de l’ancien culte de Pessinonte en économie de salut devait être réalisée, dans la mesure où elle s’est accomplie, avant le commencement de l'ère chrétienne. »

3. Les MYSTÈREi. OB DlONYSOS ET d’OrPHÉE. — Bi bliographie : P. Foucart, Le culte de Dionysos en Atiique, Mémoires de l’Académie des Inscrip., t. XXXVU, p. 22, Paris, 1904 ; Fahnell, Culte of the greek States, V, ch. iv-vii, London, 1907 ; HiiODE, Psyché, II ; S. Reixach, La mort d’Orphée, dans Cultes, Mythes et religions, t. II ; Perdrizut, Cultes et Mythes du Pangée, Paris ; Kern, Dionysos : rteal-Encyclopædie de Pauly-Wissowa ; VoiQT, Dionysos : Lexihon de Roscher, Bd. I ; YoiGT, Orpheus, Ib. Bd III ; P. Monceaux, Orpheus et Orphici ; Dictionnaire des antiquités grecques et romaines de Darbmbbrg et Saclio, Paris ; Dionysos, Ib’id. ; J. E. Harrison, Prolegomena to the Study of Greek Religion, pp. 455-659, London ; O. Habhrt, La religion de la Grèce antique : les 3Iystères et l’orphisme, pp. 509-550 ; A. Loisy, Dionysos et Orphée, Revue d’hist. et de litt. rel., t. V, N. S., p. 130 ; Orphica, éd. Adel ; Hauck, De hymnorum orphicorum aetale, 191 1 ; Dieterich, De hymnis orphicis, 1891.

Les mystères de Dionysos soutirés anciens, peutêtre du ix'-vm* siècle avant J.-C, mais ils sont assez peu connus. Le Dionysos hellénique serait, croit-on, identique au dieu thrace Sabazios. « Son culte, dit Loisy, paraît avoir été, dès les plus anciens temps, orgiàstique et mystérieux ; on s’y livre à un enthousiasme bruyant et délirant. En s’introduisant dans la religion des cités helléniques, ce culte s'était, jusqu'à un certain point, tempéré et assagi » (Dionysos et Orphée, R. II. L. R., t. V, p. 130). Il semble que la partie essentielle du rite consistait dans l’union de l’initié avec le dieu ; par celle union mystique et morale, se formait une sorte d’amitié religieuse entre le dieu et l’initié. La vertu divine est communiquée à ce dernier et elle est censée demeurer en lui.

Le rite essentiel des mystères dionysiaques était l’omopiiagie, la mauducation de la chair vive, par laquelle on entrait en communion avec le dieu, dont on recevait l’esprit et qui assurait à l’initié l’immortalité bienheureuse. On ne sait pas comment naquit et se développa cette croyance à l’immortalité ; elle semble avoir existé de bonne heure chez les Thraces.

A ces anciens mystères de Dionysos, se rattachent les doctrines orphiques, qui en synthétisent et en purllient les idées essentielles. Cependant, le rite fondamental des mystères orphiques est toujours l’omopbagie, la manducation de la victime vivante, et l’initiation était préparée par des rites puriCcatoires. Le culte comportait des purifications, des libations, des invocations aux dieux jjour toute

1. CvMONT, op. cit., p. 98, croit que l’influence du judaïsme s’est vraisemblablement exercée sur le culte de Cjbèle, bien qu on ne puisse la discerner aussi nellement que sur celui de Sabazios (N. du réd.) ;

l’assistance, la représentation des légendes sacrées. Quelques passages des hymnes orphiques font supposer que la manducation de la chair d’un taureau vivant était encore pratiquée au commencement de l'ère chrétienne. En mangeant les chairs crues du taureau, on s’identifiait avec le dieu (P. Monceaux, Orphici ; Dictionnaire des antiquités gr. et rom. de Daremberg et Saglio, p. 253).

Nous n’avons pas à nous demander si Orphée a été un personnage historique ; ce qui nous intéresse surtout, ce sont les doctrines qui lui ont été attribuées ou qui ont été mises sous son patronage.

Vers le vm'-vn= siècle avant J.-C, eut lieu une certaine rénovation religieuse qui porta les esprits vei’s des cultes moins sauvages que ceux de Dionysos ou de Cy bêle ; dans ces cultes, l’initié, spiritualisant les rites sanglants, aboutit aux idées d’union spirituelle avec la divinité. C’est à cette époque que doivent remonter les doctrines orphiques, bien que leur rédaction doive être placée beaucoup plus tard, probablement au vi' siècle. Ces doctrines peuvent provenir de sources différentes : d’abord des anciens mystères, peut-être d’influences orientales et égyptiennes, et enfin elles ont été produites par le besoin duitelligibililé qui caractérise l’esprit grec. En l’ait, l’orphisme est, à un certain degré, une doctrine philosophique, puisqu’on y relève une cosmogonie, une psj chologie et une théologie. Cette dernière seule nous intéresse. Voyons ce qui la caractérise.

« Le renouveau mystique, dit Habkrt (La religion

de la Grèce antique, p. 540, auquel répondait l’Orphisme, paraît avoir été dirigé par quatre pensées capitales : 1' La persuasion que l'àme est d’origine et dénature divines et qu’elle survit au corps ; 2° Un sentiment très douloureux des peines attachées à l’existence ; 3" La conviction que la divinité est juste, bonne et secourable ; 4° que le salut consiste à lui ressembler, à s’unir à elle par la purification, la compassion, l’amour et l’extase… Deux croyances fondamentales paraissent au conlluent de ces pensées : l'àme souffre dans son corps, en punition de fautes antérieures, mais avec des purifications appropriées et après un cycle de nouvelles naissances ou incarnations, elle pourra reprendre sa place auprès des dieux. » On retrouve ici la trace de la métempsyohose pythagoricienne et de la théosophie hindoue ; on croyait à la réincarnation des morts.

La légende de Dionysos-Zagreus expliquait le dualisme qui divise l’homme, la lutte qui se produit dans son cœur entre le vice et la vertu, entre le désir du bonheur et les peines de cette vie. L’homme a donc à briser par le renoncement, par l’ascétisme, les liens de la chair, et à se détacher de plus en plus des attraits du monde. « Les souffrances subies dans l’Hadès achèveront les expiations et les pénitences de ceux que les existences successives n’auraient pas entièrement délivrés. Dans cet effort, l'àme a la consolation de dégager de plus en plus l'élément éternel et divin qui la constitue et de préparer son retour avec les dieux immortels » (Habert, op. cit., p. 547). L’Orphisme subit un certain déclin, mais il ne disparut jamais complètement et il eut un renouveau au commencement de notre ère, en s’imprégnant toutefois des idées et des croyances des religions orientales, lesquelles en se répandant dans le monde occidental, lui ont emprunté aussi quelques idées.

Concluons avec Loisy (Art. cit., p. 154) : « La tradition particulière de l’orphisme ne donna point naissance à une secte organisée ; elle se perpétuait par des prêtres initiateurs, qui vantaient l’efficacité de leurs rites purificatoires ; elle aboutit spéculativeI ment à des théories panthéistes et à un symbolisme 1 subtil, pratiquement à une sorte de magie ; une