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MYSTÈRES PAÏENS (LES) ET SAINT PAUL

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y faire ce qu’a lait réellement Jésus, annoncer la venue prnchaine du royaume de Dieu, mais pour y mourir, lui juste et saint, pour les hommes injustes et pécheurs, alin de tuer, en mourant lui-même, le pcclié qu’il avait amené sur lui. Le Christ divin avait bien pu mourir, mais il n’avait pas dû rester dans la mort ; il était ressuscité, il avait pris la forme de Dieu et c’est maintenant selon cette forme de vie immortelle que, nouvel Attis, nouvel Osiris, nouveau Millira, il donnait de ressusciter bientôt avec lui dans la (gloire à tous ceux qui le suivaient par la foi dans la mort. C’était là le mythe du salut, le mystère à croire, tout à fait analogue aux mythes des mystères, à l’immolation d’Attis et d’Osiris, à celle du taureau divin dans les mystères de Mithra. Le mystère que l’on pratiquait était le même de part et d’autre. Dans les rites des mystères, le myste était assimilé au dieu mourant et ressuscitant : ainsi, les rites de l’initiation chrétienne, le baptême et la cène eucharistique, devinrent des symboles de la mort salutaire. Par le baptême, le chrétien était assimilé au Christ morl ; il était enseveli avec lui, mais pour ressusciter. Le baptême, en le purifiant de ses péchés, le réfrénerait dans l’esprit du Christ immortel, faisait de lui un autre Christ. La cène devenait aussi la commémoration mystique de la mort du Christ ; le pain rompu était pour la foi son corps, le vin son sang. Les fidèles, en mangeant ce corps et en buvant ce sang, étaient unis au Christ pour ne faire qu’un avec lui.

Ce mystère comprenait donc une mort mystique et une union spirituelle au Sauveur divin, comme les rites d’initiation aux mystères païens. Ce n’est plus moi qui vis, disait l’Apùtre, Gui., ii, 20, c’est le Christ qui vit en moi. El il entendait cela à la lettre. Ceci nous explique que Paul n’attachait aucune importance à la vie terrestre de Jésus, qu’il dit même ne pas vouloir connaître le Christ selon la chair. Ce qui lui importait, c’était la mort du Christ, indépendamment de ce qui l’avait amenée et accompagnée. Paul ayant transformé la passion de Jésus en mythe de salut, le Christ de l’histoire n’avait aucune place dans sa religion.

Dans une suite d’articles de la / ?. //. /,. B., Loisy a repris ces idées, les a développées et a essayé de les prouver en s’appuyant sur les épîtres de saint Paul, interprétées dans le sens’de la mystique et de la liturgie des mystères païens (N. S., t. IV, Les mystères païens et le mystère chrétien, p. 1-19 ; Dionysos et Orphée, p. 130-154 ; fes mystères d’Eleusis, p. ig3aaS ; Cybèle et Attis, p. 289-326 ; /sis et Osiris, p. 385^21 ; Mithra, p. 49 ; -53g ; Paris, igiS ; — t. V, L’Evangile de Jésus et le Christ ressuscité, p. 1-26 ; 1, ’Et’angile de Paul, p. 138-174 ; L’initiation chrétienne, p. 193-226 ; La conversion de saint Paul et la naissance du christianisme, p. 289-332, 191 4) Ces hypothèses n’ont pas été acceptées par tous les critiques. A. Schweitzku (Geschichle der paulinischen Forschung, Tiibingen, 1912), les a discutées et par des arguments, que nous ne pouvons pas, il est vrai, tons accepter, il a établi qu’elles n’étaient pas fondées sur les documents bien interprétés. Et d’abord, ce n’est qu’ausecond siècle que l’on constata l’extension dans le monde gréco-romain des cultes orientaux ; saint Paul n’a donc pu les connaître sous la forme qu’ils prirent à cette époque, grâce à l’influence de la pensée grecque. De plus, le syncrétisme religieux qu’on rapproche du christianisme est une abstraction, plus qu’une réalité ; c’est une construction artificielle faite d’éléments empruntés à diverses religions, et qui n’a jamais existé telle quelle, surtout à l’époque de saint Paul. Les analogies qu’on signale sont donc des analogies de détail, non d’en semble, (]ui paraissent moins frappantes quand on les examine de près. Tout ce qu’on peut accorder, c’est l’emploi de mêmes termes, en petit nombre d’ailleurs, par r.pôtre et par les religions de mystères. Schweitzcr met enfin eu parallèle la doctrine sacramentaire de Paul avec la signification qu’on attribuait aux rites analogues dans les religions de mystères, et aboutit à cette conclusion qvie la doctrine sacramentaire de l’Apôlre ai)partient à un tout autre monde d’idées que celles des religions de mystères.

E. Manghnot (A.a Doctrine de saint Paul et les mystères païens ; Revue du clergé français, t. LXXXIV, p. 1-32 et 267-289. la langue de saint Paul et celle des mystères païens ; ib., t. LXXV, p. 129-161. Paris, 1913), a étudié aussi les théories de Reitzenstein et a conclu qu’un examen attentif des textes suflit à montrer que les prétendus emprunts faits par saint Paul aux doctrines des mystères païens sont imaginaires. Partout il a trouvé des pensées différentes et, chez saint Paul, des doctrines essentiellement juives ou chrétiennes. Si les termes employés pour les exprimer étaient communs à l’Apôtre et à la mystique païenne, ils rendaient un son différent. Reitzenstein a été dupe de rapprochements purement verbaux. Il s’est trompé en donnant partout aux mêmes expressions un sens hellénistique qu’elles n’ont pas sous la plume de l’Apôtre. On voit donc que saint Paul, s’il a connu les mystères païens, ne leur doit rien, ne leur a rien emprunté et n’a pas altéré le christianisme primitif en l’enrichissant de doctrines païennes. Dans une autre suite d’articles (Saint Paul et les mystères païens : Revue pratique d’apologétique, t. XVI, Paris, 1913), Mangknot aboutit à des conclusions identiques. La thèse de Reitzenstein, que saint Paul s’est considéré lui-même comme un mystique païen et a agi à la manière des initiés aux mystères païens, n’est pas prouvée. Elle ne repose que sur de fausses analogies, fondées pour la plupart sur une connaissance inniarfaite de la doctrine et de la langue de l’Apôtre. Nous recommandons l’étude de ces articles de IL Mangenot. Le lecteur y trouvera un clair exposé des théories de Reitzenstein et une réfutation, solide et bien appuyée sur les textes, de ces théories du critique allemand.

Dans un premier ouvrage (Religinngeschichtliche Erhlârung des Neuen Testaments : Die Abhéingigkeit des lillesten Christentums von nichtiiîdischeii Peligionen und philosophischen Syslemen), C. Clkmen avait étudié les emprunts que le christianisme naissant aurait faits aux sources non juives, religieuses et philosophiques et avait conclu à sa profonde originalité ; dans un second (Der Einfluss der Mysterienreligionen auf das ûlteste Christenlum), il examine l’influence qu’auraient exercée les religions de mystères sur le christianisme le plus ancien. Il mesure le champ d’action des religions de mystères, et détermine le sens des termes, soit dans les mystères, soit dans la langue commune. D’après Clemen, les religions de mystères n’ont eu sur le christianisme qu’une influence très restreinte ; elle s’est tout au plus exercée à la périphérie. Elles ne lui ont apporté aucun usage nouveau ; beaucoup de cérémonies, que l’on trouve chez elles, n’ont rien d’analogue dans le christianisme. Par contre, le christianisme se distingue des religions de mystères par son caractère historique et par l’importance spéciale qu’il donne à la mort du Sauveur et par l’attente de son prochain retour.

K. A. Kennedy (St. Paul and ihe Mystery Religions), a examiné les rapports qui pouvaient exister entre saint Paul et les religions de mystères. L’Apôtre