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MYSTÈRES PAÏENS (LES) ET SALT PAUL

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les festins anciens, où l’on dévorait des prisonniers de guerre. Albert Eichuorn (Das Abendmahl im A’eiten Testament), soutient que c’est dans la gnose orientale que Ion a l’origine du repas où l’on mangeait le corps du Seigneur et où l’on buvait son sang. Fabnell (The Evolution of Iteligiun, Loudon, 1909, p. 88-162), a rapproché le baptême des mystères païens et de la religion des Aztèques. Wendland (Die kellenisliche-rumische Kttltur in ihren Beziehungen

: u Judentum and Christentum), soutient que le baptême

et l’eucharistie ont leur origine dans les mystères païens.

Dans le Ilandbuch ztim.euen Testament, édité par Hans Libtzman^ (B. III, Tiibingen, 19 13), celui-ci, dans son commentaire sur les épîtres aux Romains, aux Corinthiens et aux Galates, et son collaborateur, Martin Dibblils pour les épîtres aux Thessaloniciens, aux Philippiens, aux Colossiens, aux Ephésiens et les épîtres pastorales, expliquent certains passages de ces épîtres en fonction des religions de mystères. J. Weiss, dans son commentaire sur la première épître aux Corinthiens (Der erste Korintherbrief, p. 289, n. 1, Gottingen, 1910), se réfère aussi aux rapports qui existeraient entre l’eucharistie et les raj’stères païens. En plusieurs passages de son ouvrage, Krrios Christos, W. Boussbt (Kyrios Christos ; Geacinchte des Cliristusglaubens ron den Anfàngen des Christeniums bis Irenæus, Gottingen, 1918), adopte l’hypollièse qu’avait émise Deissman.n (Liclil oni Osten, 11’Aull., p. a63 ss.’), à savoir que le titre de K^pi ;  ; , donné à Jésus-Christ, l’aurait été tout d’abord par la communauté d’Antioche, qui l’aurait emprunté au milieu religieux syrien. C’est par Paul qu’il se serait répandu ensuite dans toutes les communautés chrétiennes issues du paganisme. L’apport spécial de Paul dans la mj-stique chrétienne est sa théorie de l’opposition entre l’homme spirituel et l’homme charnel, ainsi que le pessimisme qui en résulta, du fait que la nature humaine est essentiellement <7zc ; ’. « Ce n est ni dans l’Ancien Testament, ni dans l’Evangile que saint Paul a puisé les principaux éléments de cette prétendue synthèse paulinienne ; il lésa reçus du milieu païen syncrétistequi l’enviionnait. C’était l’époque où se mêlaient hellénisme et orientalisme, philosophie et piété, spéculation et mystique. »

Cette fusion a dunné naissance en des cercles nombreux à un pessimisme anthropologique et à un it supranaturalisme » dualiste, fort semblable à celui de saint Paul. Sur le terrain païen nous avons le témoignage des traités hermétiques, dont les parties les plus anciennes remontent au premier siècle de l’ère chrétienne ; au second siècle, les ouvrages des grands hérétiques gnostiques, les Valkntin, les Basilide, les Ptolésiée, développeront les mêmes idées et les pousseront à leurs conséquences extrêmes. Mais on peut allirmer qu’avant de prendre corps dans ces écrits, ces tendances existaient à l’état diffus dans l’atmosphère intellectuelle ; elles s’étaient emparées de maint esprit et saint Paul a subi fortement leur inlluence. Son christianisme n’est pas encore un gnosticisme systématisé, mais il contient en geruie plusieurs des conceptions foncières de la gnose du second siècle. C’est à bon droit que les auteurs de ces systèmes hérétiques, prétendront se rattacher à saint Paul ; ils ne feront que tirer les conclusions logiques du pessimisme et du dualisme anthropologique de l’Apôtre. (Résumé du

1. A remarquer cependant que Deissmann reconnaît que la parole de Paul, cl- c-Jjv.iSs rpv.zi^r, ^ K’^ot’cj tj.t~iysvj, I Cor., X, 21. lui Tient plutôt de passades de l’Ancien Testament, italachie, i, 7, 12 ; Ezéchiel, ixxix ; xliv, 16.

système de Bousset par le P. J. IIuby : Le Christ Seigneur, d’après un livre récent ; Hecherches de science religieuse, t. V, p. 694. Paris, 1914.)

R. Reitzenstkin et A. Loisy ont présenté un ensemble du système, dont nous aurons à étudier les détails dans la suite de ce travail. Voici d’abord un exposé succinct des théories de Reitzenstein (Die liellenistisctien Mysterienreligionen, ilire Grundgedanken und Wirk uiigen). Xus. environs de l’ère chrétienne, l’hellénisme se transforma par le sentiment du péché et de la dette, qui s’éveilla dans les consciences par la croyance à la magie et par la recherche de l’extase. En opposition avec la doctrine platonicienne de Dieu transcendant, on adore des dieux faits hommes, qui meurent et qui ressuscitent, tels que.Osiris, Attis, Adonis ; on espère par la communion avec eux obtenir l’immortalité et même une sorte de déification. L’initié à ces nouveaux mystères, différents des anciens, éprouve lui-même ce qu’ont éprouvé Osiris ou Horus ; il devient Osiris ou Horus ; il est uni au dieu par la foi, 7 : 1 : 71 ; , il est dieu. D’après la littérature hermétique, lemysteest devenu le Logos, l’homme de Dieu, le Fils de Dieu et lui-même Dieu. Des communautés sont fondées et des missionnaires répandent la doctrine qui s’adresse à tous ; la religion est universaliste. Des le commencement du u^ siècle avant J.-C, on célèbre en Italie des orgies hellénistiques, qui doivent procurer le salut, ^a-zr.pia., aux initiés. La magie, elle aussi, garantit l’immortalité à ses adeptes. Outre la révélation primitive, transmise par la tradition, les croyants, dans l’extase, sont favorisés parDieu de révélationsparticulières. Celte union avec les dieux, qui communique au myste la science et l’immortalité, est spirituelle, mais quelquefois aussi matérielle et même sexuelle. On obtient le salut par la science, y^zii, communiquée par l’initiation, la vue, ii’j., de Dieu, qui est une grâce, ^cipis/xx, et qui consiste dans une vision et un sentiment immédiat du Tout de l’univers. Cette divinisation du myste lui confère le privilège d’avoir des visions, de faire des miracles et lui donne une sorte de sainteté personnelle, qui efface les souillures passées et lui assure le bonheur pour l’avenir.

Reitzenstein prétend que ces religions de mystères ont exercé leur influence sur la doctrine et la langue de saint Paul. Voici, en résumé, l’exposé de cette hypothèse, telle que l’a présentée et développée A. Loisy (lieiue d histoire et de littérature religieuses : nouvelle série, t. II, p. 585, Paris, 1911). Pour se répandre dans le monde gréco-romain l’Evangile devait se transformer en mystère oriental, et cela put s’effectuer parce que ses éléments primitifs pouvaient s’interpréter dans la langue et dans les idées des mystères païens. Dans son fond, l’Evangile de Jésus, c’était un honime inspiré, envoyé par Dieu pour être le Sauveur des justes d’Israël, lequel était mort pour son œuvre, que l’on croyait ressuscité et dont on attendait l’avènement glorieux. Qes idées pouvaient être adaptées à celles des mystères, où un être divin, mourant et ressuscitant, devenait un tjrpe et un principe d’immortalité pour tous ceux qui participaient à son culte, qui étaient initiés, associés au mystère de sa mort et de sa résurrection. Adonis, Attis et Osiris étaient des dieux sauveurs. Autant que nous sommes informés, les rites des mystères comportaient une mort symbolique ou Active du néophyte, à l’instar du dieu, et une résurrection, une régénération, une participation à l’esprit de ce dieu, participation qui garantissait le partage de son immortalité. C’est ainsi que Paul a conçu le Christ comme un homme divin, préexistant à la mission terrestre de Jésus et qui se manifeste sur la terre, non pas précisément pour