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MAHOMET

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l’inspiralion venait d’en haut, que l’esprit qui lui apportait ses révélations était bon et venait de Dieu. Ce qui frappe, d’abord, dans cette explication de Cætani, c’est l’étrange alTirraation que personne, même de ses ennemis, n’accusa Maliomet d’imposture, que ni le Coran ni la tradition ne garde aucune trace d’une telle accusation. Mais, dans le Coran, Mahomet se dit accusé d’imposture de toutes les façons (lossibles (v. surtout s. aô, y. 5, s. l6, vv. io3 107, et Gescliiclile des Qoraiis, 2’éd. j). 16^, oùSciiwALLY, d’accord avecNoLDKKK, 1 éd. ]i. 121, dit que la plupart des Mecquois ont tenu Mahomet ou pour un fou ou pour un imposteur : « den die meisten fiir einenNarren oder Betriiger hielten »).Ses révélations sont appelées mensonges, comme celles de tous les aulres prophètes. On l’accuse de les avoir copiées des livres anciens, de les avoir fabriquées avec un étranger. Pour rejeter ses prétentions ])rophéliqucs, on crie : « Mais c’est un poète ! Mais il l’a fabricjué lui-même 1 » Cette dernière citation nous montre « luc les contemporains de Mahomet ne croyaient pas, du moins généralement, à cette inspiration poétique. Le poète compose lui-même ses vers. Kt, de fait, en appliquant au temps de Mahomet les conclusions que Ooldziher a formulées pour une é|)oi]ue antérieure, Cætani a commis un anachronisme. Pour s’en convaincre encore davantage, on n’a qu’à lire avec soin l’étude de M.Goldzihrh lui-même (.l/ ; /ianrflungen zur Aiahischtn Philologie, vol. I., Leipzig, 1896, v. surtout pp. 16, ai), ou les pages dans lesquelles sir Charles J. Lyall combat une erreur semblable du savant islamisant nniéricain, D. B. Macdonald (Joi(r « a/ oftlie Jioyal Asiatir Sociely, 1912, I, pp. 150-152).Mais que Mahomet ait cru à l’inspiration des devins de son temps et, de là, se soit élevé à la conce]>tion d’une ins|)iration supérieure pour expliquer ses expériences religieuses, c’est une tout autre chose, et qui a grand’cLance d’être près de la vérité (ainsi Noeldekk, Ancient Arahs, Hastings Encyclopaeâia of Religion and Ethics, 1, p. G71).

On a aussi essayé dexpliquer l’inspiration de Mahomet par l’épilepsie, la catalepsie, l’hystérie et desemblables maladies nerveuses auxquelles il aurait été sujet. « Mahomet fut un cas pathologique », dit Macdonald (.-/sY^cc/s 0/’/s/oHi, p.’)i). Mais il n’est pas bien établi que le prophète ait été victime de telles maladies. Les traditions qui s’y rapportent

« ont tendancieuses et visent à expliquer le don prophétique.

Et si elles étaient fondées, elles ne nous mèneraient pas bien loin. Le Coran n’est pas le produit d’un esprit maladif. Il y a trop de préméditation dans la composition, trop de méthode dans l’arrangement de certaines sourates, trop d’habileté dans l’utilisation des matériaux étrangers, trop d’opportunisme dans l’adaptation des révélations aux besoins du moment. Et c’est là, précisément, la grande diflîculté. Que Mahomet soit arrivé à la suite de songes ou devisions ou de quelque autre manière à se croire chargé d’une mission prophétique, comment peut-on encore soutenir sa sincérité en face des emprunts, de la préméditation, de la composition méthodique, de l’opportimisme de son texte sacré, le Coran ?

La réponse se trouve dans le caractère même du prophète, qui, sous certains aspects, se rapprochait beaucoup des primitifs. Il lui manquait et l’esprit logique et le sens ferme du bien et du mal. Le Coran, comme on le sait, est rempli de contradictions. Cela provient de l’illogisme et de l’opportunisme de son auteur. Il ne se souciait que des besoins du moment. Il suivait toujours son instinct qu’il croyait être la voix de Dieu, croyance qui le dispensa de prouver sa foi. Une fois convaincu qu’il était l’envoyé de

Dieu, il n’interrogea plus sa conscience. Il semble même avoir pris pour révélations, non seulement les pensées qu’il entretenait aux moments d’exaltation mystique, mais celles encore qu’il avait consciemment élaborées en se servant de matériaux étrangers. Entre spirituel et matériel, entre religion et politique, il ne distingua guère.

Mais Mahomet avait un défaut plus grave que le manque de la faculté d’abstraction logique. Schwal-LV, qui ne lui est nullement défavorable, exprime l’opinion commune des savants lorsqu’il dit : « Il se cro.vait permis tout ce qui ne contredisait pas absolument la voix de son cœur… il n’hésita pas à employer de mauvais moyens, même la fraude pieuse, pour propager sa foi. » ((Sescliiclite des Qurans, p. 5.) Et cette voix de son cœur, que lui disait-elle ? Surtout et presque uniquement qu’il fallait prêcher contre l’idolâtrie, mener à bout sa mission prophétique. Dans ce but, il n’a pas résisté à la tentation de fabriquer des révélations, même consciemment, telle, par exemple, la prétendue connexion entre la Ka^’ha et Abraham, par laquelle il sanctifia le pèlerinage mecquois. Dans ce but aussi, il s’est servi de l’assassinat, du vol, du meurtre, bien au delà de ce que permettait le code moral des Arabes. « Véritable Qoraishite, dit le Père Lammbns, il sacrifia tout au succès. » (Mahomet fut-il sincère ? p. 29.) Véritable marchand mecquois, pouvons-nous ajouter, il ne s’infligea les ennuis delà mission projihélique que moyennant les dispenses qu’il se permettait dans l’ordre moral. C’est à Médine, que, gâté par le succès, il se livra aux plus grands désordres et fit autoriser par des révélations sa profonde sensualité, qui ne s’arrêtait plus ni devant les coutumes arabes ni devant la loi coranique.

L’explication que nous avons donnée du caractère de Mahomet a, en sa faveur, non seulement qu’elle est d’accord avec le portrait que nous en donne le Coran, mais qu’elle remet le prophète dans son milieu historique. Il est évidemment impossible de démêler le bien et le mal d’un caractère si conqilexe. Mais, si l’on a souvent eu le tort de le juger d’après une norme occidentale el moderne, on a péché aussi et on pèche encore en oubliant que ce fut un homme très éclairé et, du point de vue religieux, beaucoup mieux doué que les.-rabes de son temps. Il est donc d’autant plus dillicilede l’excuser d’être tombé si bas dans sa conduite morale. Mahomet, il me semble, a eu la conviction, qu’il n’a jamais perdue, de travailler pour le bien religieux de ses compatriotes. D’autre part. « s’il n’est pas parvenue découvrir sa responsabilité personnelle, l’inanité de ses prétentions prophétiques, c’est pour avoir délibérément fermé les yeux ». (Lammens, 1. c, p. 165-6.)

Bibliographie. — Outre les ouvrages cités plus haut, on pourra consulter : Ibn I.lishâm, /)as i.ehen Mithamnieds nach Miiliammed ihn Isluiq hearheitet ron Abd el Malil ; ilm Ilischâm, éd. Wiistenfeld, Goltingen, 1858-60, réimpression, Leipzig, 1901, traduction allemande de Weil, Stuttgart, 186^ ; AI-Vàqidi, Mohammed in Médina. Das ist Vakidi’s Kilab al Magliazi in vcrkiirzler deutscher Wiedergabe, éd. Wcllhausen, Berlin, 1882 ; Ibn Sa’d, Biographien Muhanimeds, seiner Œfdhrien und der spdteren Triiger des Islams bis zum Jahre ?30 der Flucht, éd. Sachau mit Anderen, Leiden, 1 9014 sq., Bd. II, t. i ; biographie Mnhammeds bis zur Flucht, éd. Miltwoch, 1906, Bd. II, t. i ; Die Feldziige Muhammeds, éd. Horovitz, 1909, t. Il ; l.etzte Krankheit Tod und Bestattung Muhammeds nehst Irauergedichten tiber ihn, etc., éd. Schwally. 191 2 ; Muir, Tlie Life of Maliomet and Ilistory of